Intervention de Yannick Vaugrenard

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 7 avril 2016 : 1ère réunion
Audition sur le thème du numérique de philippe lemoine président du forum d'action modernités

Photo de Yannick VaugrenardYannick Vaugrenard :

Monsieur Lemoine, j'apprécie votre enthousiasme et votre optimisme. Je prolongerai le propos de Jean-Pierre Sueur. De tout temps, depuis l'âge de la pierre jusqu'à la découverte de la machine à vapeur en passant par celle de l'imprimerie, la question s'est à chaque fois posée de la maîtrise du nouvel outil qui était mis à la disposition des hommes : à quoi ça sert ? Pour quoi faire ? En quoi cela peut-il être utile à la société et améliorer la vie en collectivité ?

En définitive, tout dépend de nous et de notre capacité à nous approprier le progrès technologique et à le maîtriser. Je ne suis pas spécialement pessimiste mais je m'interroge sur la place actuelle des philosophes, que je trouve relativement absents du débat par rapport à d'autres périodes de l'histoire.

Je tiens à apporter un témoignage sur l'industrie française, que l'on considère souvent comme étant en retard ou trop frileuse. Vous avez dû entendre parler de la commande historique qui a été passée aux chantiers navals STX à Saint-Nazaire : quatre paquebots, 4 milliards d'euros ; dix années de travail. Voilà quelques mois, j'ai convié mes collègues de la commission des affaires économiques à se rendre sur place pour visiter les infrastructures. STX a investi 200 millions à 300 millions d'euros dans la construction d'un portique, l'un des plus grands qui existent, pour pouvoir construire les plus beaux paquebots et navires de croisière du monde. Parallèlement, l'entreprise a investi la même somme dans le numérique, ce qui lui permet d'avoir un coup d'avance. Contrairement à ce que certains imaginent, un site industriel ne se résume pas à un amas de tôles : on y trouve aussi des machines-outils à commande numérique, un centre de réalité virtuelle. Dès lors que l'on investit de manière intelligente, on peut être compétitif.

J'aborderai un second point : l'immense enjeu de la mobilité, de la formation, de l'adaptabilité de l'ensemble des salariés et des jeunes, aujourd'hui et demain, à ces nouveaux métiers qui vont apparaître et dont nombre d'entre eux nous sont encore inconnus. Indépendamment même de la teneur de ces métiers, l'important est la capacité à s'adapter, à penser aussi par soi-même, considérant que les citoyens sont non pas seulement des acteurs économiques, mais aussi des êtres avides de penser, de choisir, de délibérer, et donc d'entrer en relation sociale. Quand je dis « formation », je pense à la formation générale, à la formation initiale, pas seulement professionnelle, y compris celle des très jeunes. C'est, pour moi, un aspect fondamental tant le déterminisme social est prégnant et préoccupant dans notre pays. Cela pose, par contrecoup, le problème de la formation des parents, y compris au niveau scolaire. Je trouve assez surprenant que ne soit pas enseigné le b.a.-ba de l'éducation, pour éviter simplement de faire des erreurs auprès des enfants, notamment des tout-petits. L'information est insuffisante, et l'éducation tout autant.

Dernière question : j'ai vu que vous siégiez au conseil d'administration de La Poste, présidé par Philippe Wahl, que la commission des affaires économiques a eu l'occasion d'auditionner. D'après les sondages, le postier et le personnel de La Poste sont ceux qui recueillent le plus la confiance de la population, avant même les pompiers. C'est surprenant. Avec la révolution numérique, compte tenu du fait que les échanges de courriers se font de plus en plus rares, La Poste est appelée à se diversifier. L'un de ses nouveaux objectifs ne devrait-il pas être de devenir un élément facilitateur par rapport aux générations qui ont des difficultés à s'adapter ou à maîtriser ces outils que la révolution numérique fait entrer dans la vie de tous les jours ? La Poste n'aurait-elle pas un rôle important de trait d'union à jouer entre ce qui était l'économie ou le rapport entre les citoyens et l'administration hier et ce qu'elle va devenir demain du fait du progrès numérique ?

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