Intervention de Henri Tandonnet

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 19 mai 2016 : 1ère réunion
Gestion de la ressource en eau : présentation du rapport d'information

Photo de Henri TandonnetHenri Tandonnet, rapporteur :

Monsieur le président, mes chers collègues, nous venons d'achever une longue traversée du pays de l'eau, et c'est avec un peu d'inquiétude que nous nous apprêtons à vous présenter le résultat de nos travaux.

Un peu d'inquiétude car nous avions l'intuition, en proposant à la délégation d'inscrire le thème de l'eau à son programme de travail, que cette ressource indispensable, et même sacrée, était en danger sans qu'on en ait pleinement conscience : le fait est qu'aucun des vingt et un articles de l'accord final de la Cop21 n'y fait référence. Cela n'a pas manqué de faire réagir : un groupe de travail sur l'eau a été constitué et devrait trouver un relais à l'occasion de la Cop22 qui se tiendra prochainement au Maroc.

La cinquantaine d'auditions que nous avons menée, les déplacements que nous avons effectués sur le terrain, dans deux bassins versants différents, dans des laboratoires de recherche ou auprès des instances européennes, ont malheureusement confirmé ce premier sentiment.

C'est donc un signal d'alarme que nous avons voulu actionner pour attirer l'attention du Sénat sur une évolution plus que préoccupante. C'est d'ailleurs précisément ce rôle de veille et, le cas échéant, de lanceur d'alerte qui a été dévolu à notre délégation depuis 2009.

Au terme de notre étude, il nous est apparu assez clairement que le moment était venu de dégager quatre temps.

Tout d'abord, le temps du réalisme car certaines données sont désormais avérées et doivent impérativement être prises en compte dans nos choix de politiques publiques. La première d'entre elles est que le dérèglement climatique n'est plus contestable. En d'autres termes, l'ère du climato-scepticisme est révolue. Les études scientifiques, notamment celles du Giec, le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, convergent sur le fait que le réchauffement du système climatique est sans équivoque. Les derniers scénarios tablent sur une augmentation des températures qui pourrait aller jusqu'à 4,8°C. Le lien entre cette hausse et les activités humaines est qualifié « d'extrêmement probable », comprendre que cette probabilité est supérieure à 95 %. Il faut aussi souligner l'inertie du processus accéléré que nous avons engagé depuis notre entrée dans l'ère industrielle : même en interrompant aujourd'hui toute nouvelle émission de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, il faudra des siècles pour stabiliser le climat à son nouvel équilibre. Enfin, la France ne sera pas épargnée par le réchauffement : sa situation géographique la soumet au risque de voir augmenter la température jusqu'à 5°C supplémentaires en été.

La deuxième observation, qu'il n'est pas inutile de rappeler, c'est qu'en plus de l'augmentation des températures moyennes on constate aussi une modification du régime des précipitations, qui se renforcera encore dans les années à venir.

Si le volume global des pluies restera à peu près équivalent, il va se répartir différemment dans le temps et dans l'espace. En bref, il pleuvra davantage au nord et moins dans le sud, davantage en hiver et moins en été. On doit donc s'attendre à plus de sécheresse l'été, sur l'ensemble du territoire, et à la survenance plus fréquente de phénomènes climatiques violents, de type tempête ou inondation.

Le croisement de toutes ces données nous donne la perspective suivante : en dépit d'un réseau hydrographique dense, d'un stock de nappes souterraines important et d'une situation géographique privilégiée, la France est exposée à un vrai risque de pénurie d'eau.

Les régions les plus potentiellement affectées par cette évolution ne sont pas forcément celles auxquelles on pense. Contrairement aux idées reçues, le pourtour méditerranéen resterait plutôt préservé, grâce au stock naturel important que constituent les glaciers alpins et aux grands ouvrages de réserves d'eau qui y ont été construits. En revanche, deux zones sont identifiées comme très vulnérables : le bassin Seine-Normandie, où l'on prévoit une diminution notable des débits moyens annuels, et le bassin Adour-Garonne. Avec la disparition des glaciers des Pyrénées et la hausse constatée des températures de deux degrés, l'Aquitaine ne peut déjà plus être considérée comme le « pays des eaux ».

Dans le même temps, et c'est la troisième donnée à prendre en compte, la demande d'eau va s'accroître en raison de quatre facteurs : l'augmentation de la population, qu'elle soit permanente par le fait des migrations internes tout particulièrement sur les zones littorales, ou ponctuelle, par exemple au moment des vacances ; l'augmentation des besoins alimentaires, corrélés à l'expansion démographique ; l'évolution des modes de vie, de loisirs ou de tourisme ; la hausse des prélèvements aquatiques, pour assurer la production énergétique, notamment nucléaire.

Il en résultera inévitablement un effet de ciseaux : hausse de la demande et réduction de la ressource. La question qu'il faut se poser est la suivante : comment nous préparer à gérer cette situation pour ne pas la subir ? Je laisse à mon collègue Jean-Jacques Lozach le soin de poursuivre.

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