Intervention de Henri Tandonnet

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 19 mai 2016 : 1ère réunion
Gestion de la ressource en eau : présentation du rapport d'information

Photo de Henri TandonnetHenri Tandonnet, rapporteur :

Après avoir posé le cadre général, entrons dans le vif du sujet. J'en viens donc à notre troisième temps : le temps de l'action.

Lorsque l'on se trouve confronté à une situation de pénurie, il n'y a guère de choix : il faut soit réduire la demande, soit accroître l'offre. Le débat ne se pose pas exactement dans ces termes face à la réalité physique de l'eau qui s'impose à nous sans que l'on puisse la dominer. Un point important est à souligner : la ressource en eau ne se crée pas, elle se gère. Pour préserver l'avenir, il importe d'engager parallèlement une mosaïque d'actions concrètes afin de maîtriser la consommation, de mieux gérer la ressource et de miser sur les bénéfices à attendre des progrès technologiques. C'est en quelque sorte le triptyque que nous préconisons pour préparer l'avenir.

La première des réponses est donc d'économiser l'eau. Cela paraît évident, ce n'est pourtant pas si simple.

D'abord, nous, élus locaux, le savons bien, les réseaux de distribution sont largement perfectibles : environ 20 % à 25 % en moyenne de l'eau prélevée n'arrivent pas à l'usager ; ce taux peut aller jusqu'à 40 % ou 50 % dans les zones rurales. Cela pose la question des capacités d'investissement pour surveiller le réseau et le renouveler. C'est d'autant plus préoccupant qu'il s'agit en l'espèce, le plus souvent, d'eau traitée et rendue potable, donc chère.

Ensuite, on peut assigner au monde agricole l'objectif de produire plus, durablement, avec moins de terre et d'eau. De nombreuses recherches en sélection variétale sont en cours pour créer des espèces moins gourmandes en eau et plus résistantes au stress hydrique. De même, les initiatives qui se multiplient désormais en faveur de l'agro-écologie, et l'agroforesterie doivent être encouragées. Je citerai également l'irrigation de précision, qui bénéficie d'une technologie avancée avec des données recueillies par sondes, drones, voire satellites. Si l'agriculture est le plus gros consommateur d'eau, elle présente en même temps le plus fort potentiel d'amélioration de son efficience.

Enfin, il faut poursuivre l'éducation et l'information auprès des consommateurs car les chiffres montrent que les campagnes de sensibilisation ont déjà entraîné la modification des comportements et produit des effets sur les niveaux de consommation.

Le deuxième pilier du triptyque relève, à notre avis, du pur bon sens. Il consiste à mieux gérer la ressource en régulant les flux.

Plutôt que de consacrer des fonds publics à l'effacement des seuils nuisant à la continuité écologique des rivières, sans d'ailleurs avoir de certitude sur son efficacité, il semble plus prometteur de préserver les zones humides et de favoriser l'aménagement des tracés et des berges, ainsi que leur enherbement, qui permet de retenir et filtrer les eaux de ruissellement. C'est là une mesure simple et peu coûteuse qu'il faudrait encourager.

Mais surtout, dès lors que l'on enregistrera demain, plus encore qu'aujourd'hui, davantage de précipitations en hiver et moins d'eau en été, ne serait-il pas logique de constituer des réserves lorsqu'elle est abondante, de la stocker plutôt que de la laisser retourner à la mer, afin d'en disposer quand elle viendra à manquer ? Je pourrai revenir sur la typologie des retenues déclinée dans le rapport si vous le souhaitez mais la réglementation demeure trop restrictive pour être incitative, et je ne parle même pas de la réalisation de grands projets d'ouvrages structurants de type barrage dont on a le sentiment que la simple évocation est taboue.

Dans l'ordre d'idées assez proche de mieux gérer la ressource, nous pouvons aussi modifier nos réflexes. Actuellement, lorsque l'eau vient à manquer, l'habitude est de prendre des arrêtés de rationnement, d'interdire dans les zones touchées tel ou tel usage de l'eau. Or, au cours de pics de chaleur comme ceux que l'on a connus en 2003, les observations tendent à le montrer, lorsqu'on utilise l'eau pour l'arrosage des espaces verts en ville ou pour l'irrigation des cultures en milieu rural, on favorise localement la baisse des températures et on limite donc les besoins en eau. Les toits végétalisés, que l'on voit fleurir dans de nombreuses métropoles, relèvent de la même inspiration.

L'idée est d'utiliser l'eau qui aura été stockée dans des réserves de proximité, alimentées, entre autres, par la récupération des eaux pluviales, pour arroser parcs et jardins en milieu urbain, champs en milieu rural, et favoriser ainsi l'évapotranspiration, et donc la baisse des températures. Grâce aux images satellites, on sait qu'il fait plus frais dans un verger ou un champ de maïs irrigué que dans le chaume voisin. En Adour-Garonne, entre les coteaux du Gers et les vallées de Lot-et-Garonne, l'écart peut être de 4°C à 5°C.

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