Notre troisième axe consiste à miser sur la recherche, tant publique que privée. De grandes entreprises françaises sont réputées mondialement, font une très grande partie de leur chiffre d'affaires à l'international et investissent massivement en matière de recherche et développement : Veolia, Suez environnement et, à un degré moindre, la Saur. En l'espèce, on peut presque imaginer être en mesure de créer un supplément de ressource en permettant de mobiliser de l'eau qu'on pensait perdue.
Quatre ressources en eau sont ainsi qualifiées de non conventionnelles. Citons, d'abord, la réutilisation des eaux usées traitées : à des fins d'arrosage, comme cela se fait pour le maïs dans la plaine de Limagne, ou bien pour des besoins de consommation humaine ou animale. Il y a également la désalinisation de l'eau de mer, qui se pratique déjà en Guadeloupe, ainsi que la réalimentation des nappes phréatiques et la récupération des eaux pluviales. Chacune d'entre elles a ses avantages et ses inconvénients. Mais surtout, elles ont un coût, ce qui suppose évidemment de faire des choix politiques. La désalinisation de l'eau de mer est ainsi une technologie fortement consommatrice d'énergie.
Cette observation nous amène tout naturellement à notre quatrième temps : le temps du politique. Quelle gouvernance veut-on pour l'eau ? Nous avons gardé pour la fin le volet le plus aride de notre étude, celui dans lequel nous avons essayé de comprendre qui fait quoi et comment dans le domaine de la gestion de l'eau. Il est courant de parler du « mille-feuille » administratif. En l'occurrence, la situation est encore beaucoup plus complexe tant elle est l'objet d'une profusion de textes d'origines diverses, dans laquelle il n'est guère aisé, et c'est un euphémisme, de se repérer.
Le niveau européen régule l'ensemble depuis l'adoption de la fameuse DCE, la directive-cadre sur l'eau d'octobre 2000, qui constitue l'une des premières politiques intégrées en matière environnementale et qui s'attache essentiellement à la qualité des eaux. On pourrait d'ailleurs s'interroger sur la pertinence de fixer des objectifs identiques au vu de la diversité des situations des États membres : entre l'Espagne, frappée par la sécheresse, et les Pays-Bas, où 60 % des activités sont situées en zone inondable, les enjeux sont évidemment très différents.
Vient ensuite le niveau national, où quatre lois spécifiques ont successivement organisé le cadre juridique d'ensemble, jusqu'à la Lema, la loi sur l'eau et les milieux aquatiques de 2006. Sans oublier les textes non dédiés à l'eau mais à effet collatéral comme les Grenelle I et II, la Gemapi - gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations - ou la future loi sur la biodiversité en cours d'adoption par le Parlement.
Au niveau territorial, cette fois, la planification locale s'organise autour des bassins versants, qui ont servi de référence à l'échelon européen, notamment pour l'élaboration de la DCE. Au niveau de ces bassins, on produit des schémas de périmètres divers. Les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux, ou Sdage, au nombre de douze, soit un pour chaque bassin de la France métropolitaine et d'outre-mer, fixent des objectifs à la fois quantitatifs et qualitatifs. Les derniers en date couvrent la période 2016-2021. Les schémas d'aménagement et de gestion des eaux, ou Sage, au nombre de soixante-six, sont eux aussi des outils de planification et correspondent à la déclinaison concrète des Sdage à une échelle plus locale.
Enfin, surplombant l'ensemble de cette construction dans une perspective de moyen-long terme, on constate, et c'est somme toute assez heureux, que la dimension prospective devient prégnante, avec la production de nombreux travaux de réflexion destinés à éclairer les choix pour l'avenir. L'exemple type en est l'exercice Garonne 2050, auquel Henri Tandonnet a d'ailleurs apporté sa contribution.