Intervention de Jean-Jacques Lozach

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 19 mai 2016 : 1ère réunion
Gestion de la ressource en eau : présentation du rapport d'information

Photo de Jean-Jacques LozachJean-Jacques Lozach, rapporteur :

L'évolution en matière de gouvernance de l'eau est quelque peu paradoxale. Historiquement, la gestion de l'eau a été l'une des premières politiques publiques vraiment décentralisée : la gestion par bassins remonte à une cinquantaine d'années, avant les lois de décentralisation. Or, aujourd'hui, l'on assiste de manière insidieuse à une sorte de recentralisation rampante. À vouloir mettre autant de monde autour de la table, on ne peut qu'aboutir à une technocratisation des structures, du type comités de bassins et agences de l'eau. On pèche presque par excès de démocratie locale, les élus locaux finissant par être dépossédés des décisions qui les concernent.

Sur le risque de pénurie dans un pays comme le nôtre, la prise de conscience au sein de la population est largement insuffisante, voire quasi nulle. Pourtant, les chiffres avancés par le Giec sont alarmants. À l'horizon 2050, on devrait assister à un déplacement du climat vers le nord de l'ordre de cent cinquante kilomètres. Les oliviers pourront pousser au nord de la Loire. Et 2050, c'est demain matin, il y a donc urgence.

Saluons tout de même une avancée positive, au niveau des élus. Au cours des dernières années, de nombreuses études sur le sujet ont été commandées par les départements, les régions, parfois des intercommunalités, et je citerai de nouveau l'étude de prospective Garonne 2050. Il faut donc distinguer le degré de prise de conscience des élus, notamment des élus locaux, de celui de la population. Un effort de pédagogie et de sensibilisation doit donc être effectué.

Parmi les pistes de recherche, Henri Tandonnet a évoqué le rechargement des nappes phréatiques, avec des techniques pour le moins sophistiquées. Rappelons qu'entre le moment où les études préalables sont lancées et celui où ce genre de réalisations est mis en oeuvre il s'écoule une dizaine d'années. De plus, pour concrétiser les préconisations formulées dans le rapport, il faudra trouver des moyens humains et, surtout, financiers, dans un contexte de redressement des comptes publics. Sur ce point, il importe que l'État n'aille pas trop loin dans la ponction qu'il est en train d'exercer sur les fonds de réserve des agences de l'eau, à hauteur de 175 millions d'euros l'année dernière et de la même somme cette année. Il n'est plus possible de continuer de la sorte si l'on veut mettre en place une politique ambitieuse pour l'eau.

Je terminerai sur une remarque plus générale. Chacun en est conscient, il faut de la volonté politique, de la responsabilité collective, des moyens, etc. Mais tout est fonction du degré d'acceptabilité sociale, qui est un facteur clé s'agissant de la mise en place de l'ensemble des solutions que nous préconisons dans le rapport. Cette question se pose autant pour la réutilisation des eaux usées traitées, que j'évoquais tout à l'heure, que pour la construction de grands équipements structurants. On en a eu un exemple paroxystique avec le projet de barrage de Sivens. Des élus, dont notre collègue président du conseil général du Tarn, se sont retrouvés pris entre deux feux, si je puis dire, entre les agriculteurs et les défenseurs de l'environnement. Et je souligne que la capacité de la retenue prévue à Sivens était de 1,5 million de mètres cubes, à comparer au volume du réservoir du barrage de Serre-Ponçon, qui atteint près de 1,3 milliard de mètres cubes. Si, sur une retenue aussi modeste que celle-là, on assiste déjà à une levée de boucliers aussi violente, la mise en place de tels équipements à l'avenir s'annonce extrêmement difficile.

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