Monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, rendez-vous désormais annuel, la séance publique de cet après-midi va nous permettre de faire le point sur l’application des lois, en présence de M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
Réitérant l’expérience de l’an dernier, nous avons choisi de siéger en salle Clemenceau, plus appropriée que l’hémicycle à un débat de contrôle de ce type.
Tous les chiffres de la dernière session, en l’occurrence l’année parlementaire 2014-2015, figurent dans mon rapport écrit. Aussi me contenterai-je d’en récapituler les points essentiels, dont j’ai donné un premier aperçu lors de la conférence des présidents du 11 mai dernier.
Ces données ont été établies à partir des bilans détaillés des commissions permanentes, dont je salue la qualité, et des statistiques de la direction de la législation et du contrôle du Sénat, après recoupement avec les chiffres concordants du secrétariat général du Gouvernement.
Comme en 2015, nous avons également eu l’honneur, et le plaisir, d’entendre en audition le secrétaire général du Gouvernement, M. Marc Guillaume. Nous avons aussi évoqué avec lui quelques questions connexes, mais importantes, comme la mise en œuvre des lois d’habilitation ou le taux de réponse aux questions écrites des sénateurs.
Au vu de toutes ces informations, je retiendrai cette année cinq grandes tendances.
Tout d’abord, la production législative est apparemment en baisse, avec 43 lois votées contre 66 l’an dernier, hors conventions internationales.
Mais il s’agit bien d’une baisse apparente, puisque, en réalité, certaines des lois de l’an dernier ont été de véritables « lois-fleuves », comportant plusieurs centaines d’articles. Je pense à loi Macron et à ses 308 articles, ou encore à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et à ses 213 articles… En aval, cela signifie que plusieurs dizaines de décrets d’application devront être pris. Espérons que cela ne viendra pas grever le bilan des prochaines années !
Presque 30 % des lois de la précédente session ont résulté d’une initiative parlementaire. Comme l’an dernier, le Sénat, avec 6 propositions de loi, a été à l’origine d’environ une loi sur 7.
Ensuite, sur la législature, c'est-à-dire depuis le 20 juin 2012, le secrétaire général du Gouvernement a annoncé un taux d’application de 80 %, qui recoupe nos propres calculs et marque une progression significative par rapport au précédent exercice.
Le taux communiqué lors du conseil des ministres du 11 mai 2016 est même passé à 82 % au 30 avril 2016. Je le signale pour mémoire, nous clôturons nos statistiques au 31 mars de chaque année, conformément à la méthode arrêtée de concert avec le Gouvernement.
Pour la seule année parlementaire 2014-2015, le pourcentage de parution des textes est mécaniquement moindre : il s’élève à ce jour à 62 %, en hausse de 7 points par rapport à celui de la précédente session.
Ces pourcentages appellent deux commentaires. Premièrement, le taux d’application des lois augmente d’année en année, même s’il reste perfectible. Deuxièmement, ces statistiques récapitulatives gomment des écarts parfois sensibles entre les différentes commissions, entre les ministères et même d’une loi à l’autre.
Autre tendance dans la durée, je signale la résorption progressive du stock de lois inappliquées, au point que sur les 120 lois votées depuis le début de la XIVe législature, quasiment toutes ont reçu au moins un début de mise en application.
Concernant les délais de publication, on sait qu’une circulaire de février 2008 laisse aux ministères six mois à compter de la promulgation de la loi pour faire paraître leurs textes.
L’an dernier, les délais moyens se sont rapprochés de cet objectif, la moyenne appréciée sur l’ensemble de la législature tournant aux alentours de 9 mois et 12 jours. C’est plus que prévu, certes, mais, au vu de la complexité du processus réglementaire et de la durée incompressible de certaines consultations – je pense au Conseil d’État –, j’estime que les dépassements restent dans la limite du raisonnable.
En revanche, j’aurais aimé vous dire que le taux de présentation des rapports demandés par le Parlement s’est amélioré l’an dernier. Hélas, tel n’est pas le cas ! En effet, comme les années précédentes, ce taux, calculé sur la moyenne des dix dernières sessions, n’atteint même pas 60 %
Faut-il, une fois de plus, monter à la tribune sur un sujet qui, d’année en année, prend un tour de plus en plus incantatoire ? Je dirai simplement que c’est une atteinte manifeste au pouvoir de contrôle du Parlement, et nous ne pouvons nous en satisfaire.
Comme je l’ai dit au début de mon propos, outre l’application des lois proprement dite, nous avons évoqué plusieurs questions connexes, comme la prise en compte des positions du Sénat en matière européenne, sur lesquelles le président Jean Bizet a publié un remarquable rapport en mars 2016, ou, dans un tout autre domaine, l’utilisation des lois d’habilitation votées sur le fondement de l’article 38 de la Constitution.
Sur ce chapitre, et sans réitérer les développements de mon rapport écrit, je veux appeler une nouvelle fois votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur les nombreux retards constatés s’agissant des réponses à nos questions écrites, mais vous n’en serez pas étonné, je pense…
Lequel d’entre nous ne s’est pas vu obligé, un jour ou l’autre, de transformer une question écrite en question orale, au risque d’encombrer la séance publique, pour obtenir la réponse attendue en vain au Journal officiel ?
Nous avions déjà évoqué ce problème l’an dernier, et je sais que le Président du Sénat en a saisi le Premier ministre après la conférence des présidents du 6 avril dernier.
Lors de son audition, le secrétaire général du Gouvernement nous a dit sa détermination à résorber rapidement le stock des questions écrites en souffrance : ce sera, n’en doutez pas, un sujet sur lequel je reviendrai le moment venu !
En conclusion, je crois légitime de dire que, cette année, le bilan de l’application des lois, sans être exceptionnel, va dans le bon sens. Nous devons en donner acte au Gouvernement.
Surtout, la précédente session confirme la tendance positive observée depuis trois ou quatre ans : elle relègue peu à peu au rayon des idées fausses l’affirmation selon laquelle les lois seraient dans leur ensemble insuffisamment appliquées.
C’est un constat irréfutable, dont le Sénat peut se féliciter. En effet, par une action inlassable, il a largement contribué à faire de cette question une priorité politique désormais partagée par tous les gouvernements.
Toutefois, c’est un constat précaire. Ne baissons pas la garde, car l’application des lois reste un combat de tous les instants, dans lequel doivent se mobiliser aussi bien les ministères que les commissions permanentes du Sénat.
C’est aussi une attente forte exprimée par nos concitoyens et un gage de crédibilité de l’action du Parlement. En effet, à quoi bon voter des lois si elles doivent rester lettre morte ?