Intervention de Jean Bizet

Réunion du 7 juin 2016 à 14h30
Débat sur le bilan annuel de l'application des lois

Photo de Jean BizetJean Bizet, président de la commission des affaires européennes :

Monsieur le président, il est important que la commission des affaires européennes puisse s’exprimer dans ce débat ; je vous remercie de l’avoir permis.

L’attachement traditionnel du Sénat au suivi de ses travaux législatifs se retrouve aussi en matière européenne. Nos collègues y sont légitimement très attachés.

Le 3 mars dernier, la commission a ainsi adopté un rapport d’information qui fait le point sur les différentes positions européennes de notre Haute Assemblée. Ce débat requiert toutefois que je concentre mon propos sur les résolutions européennes adoptées sur le fondement de l’article 88-4 de la Constitution et adressées au Gouvernement.

Entre le 1er octobre 2014 et le 11 février dernier, le Sénat a adopté 17 résolutions européennes, dont 10 sont issues d’une proposition de résolution de notre commission, et 7 d’une initiative d’un ou plusieurs de nos collègues ; 7 ont donné lieu à un rapport d’information de notre commission, et 10 à un rapport d’une commission législative ; 3 ont été l’occasion d’un débat en séance publique.

Les modalités de suivi des positions européennes du Sénat recouvrent une variété de méthodes.

Il y a d’abord les fiches de suivi établies par le Secrétariat général des affaires européennes, ou SGAE. Elles sont le plus souvent, je dois le dire, très complètes et de grande qualité ; mais elles sont généralement communiquées trop tardivement. Cela ne permet pas d’en tirer le meilleur parti. Surtout, et en dépit de nos critiques passées à cet égard, ces fiches continuent de ne concerner que des résolutions portant exclusivement sur des actes européens de nature législative. Elles laissent ainsi de côté d’autres résolutions, pourtant significatives, comme celles sur la réforme de la gouvernance de l’Internet, la lutte contre le terrorisme ou l’union des marchés de capitaux.

Mais il existe d’autres modalités de suivi, en particulier lorsque le sujet est d’une grande importance. Je pense par exemple au groupe de travail sur les négociations du traité transatlantique ou aux communications que nous présentent nos rapporteurs sur les évolutions intervenues sur tel ou tel texte à Bruxelles. Notre commission s’est livrée à cet exercice à six reprises depuis le 1er octobre 2014, y compris en présence du rapporteur du Parlement européen.

Le rapport démontre que les résolutions européennes du Sénat ont des conséquences directes sur les négociations conduisant à l’élaboration de la législation européenne et, par conséquent, du fait de la transposition des directives, sur la législation française.

Nos résolutions constituent un instrument efficace dans l’établissement d’un véritable dialogue avec le pouvoir exécutif. De fait, les positions arrêtées par le Sénat ne restent pas lettre morte.

En fonction des suites qu’elles ont reçues, les résolutions européennes du Sénat peuvent être classées en trois catégories.

Première catégorie, dans plus de la moitié des cas, nos résolutions ont été prises totalement ou très largement en compte au cours des négociations, voire dans le texte européen définitif. Je peux mentionner le règlement des différends dans le cadre du traité transatlantique, les médicaments vétérinaires, le PNR européen – cela nous a demandé beaucoup de temps, mais nous y sommes parvenus –, le plan Juncker, le paquet « Mieux légiférer », la pêche au bar, les conséquences du traité transatlantique pour l’agriculture et l’aménagement du territoire ou encore les importations de sucres, avec les enjeux afférents pour nos collectivités d’outre-mer.

Deuxième catégorie, dans près de 30 % des cas, les positions du Sénat ont été partiellement suivies, par exemple sur le paquet « déchets », sujet sur lequel notre collègue Michel Delebarre s’est particulièrement investi – vous devinez les implications pour les collectivités locales –, le programme de travail de la Commission pour 2015, la lutte contre le terrorisme, la stratégie européenne du numérique et le secteur laitier.

Troisième catégorie, le Sénat n’a pas obtenu satisfaction jusqu’à présent dans environ 20 % des cas. Trois sujets précisément nous interpellent : la gouvernance mondiale de l’Internet, l’expression des parlements nationaux lors du renouvellement de la Commission européenne et l’union des marchés de capitaux.

Vous le voyez, le bilan est très largement positif, le Sénat étant entendu dans 80 % des cas. Pourtant, le suivi de nos résolutions européennes pourrait être encore amélioré.

Le SGAE s’est montré ouvert à plusieurs propositions que je lui ai faites en ce sens. Il pourrait nous adresser ses fiches de suivi avec plus de régularité, afin qu’elles visent moins à dresser un bilan qu’à permettre un dialogue. Ces fiches pourraient aussi être établies non plus juste après l’accord politique sur un texte, ce qui en reporte l’échéance éventuellement fort loin, mais de manière intermédiaire, pour faire un point sur l’évolution des négociations.

Nous demandons depuis longtemps que ces fiches portent aussi sur des résolutions ne faisant pas l’objet d’un acte ; le SGAE a évoqué une telle avancée, notamment lorsque notre résolution concerne des négociations internationales.

De même, M. le secrétaire d’État aux affaires européennes m’a donné son accord pour faire le point régulièrement devant la commission. Il serait aussi très pertinent d’auditionner le ministre concerné en commun avec la commission permanente compétente, avant les réunions du Conseil abordant des questions ayant fait l’objet d’une résolution européenne.

Le message est donc passé auprès tant du SGAE que du secrétaire d’État aux affaires européennes ; il a été entendu.

Enfin, le suivi de nos résolutions doit également, me semble-t-il, permettre de faciliter le bon déroulement de la transposition des directives. L’an dernier, le Conseil d’État avait publié une étude intitulée Directives européennes : anticiper pour mieux transposer.

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