Intervention de Marie-Christine Blandin

Réunion du 7 juin 2016 à 14h30
Débat sur le bilan annuel de l'application des lois

Photo de Marie-Christine BlandinMarie-Christine Blandin :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, nos collègues présidents de commission nous ont livré leurs diagnostics rigoureux et précis. Nous apprécions leur travail et le taux énoncé d’exécution. Néanmoins, si nous voulons que les urnes se remplissent et que les rues se vident, c’est aussi au niveau de ce que voient, de ce que vivent, de ce qu’entendent nos concitoyens qu’il nous faut évaluer l’application des lois votées.

Je souhaite donc, au nom du groupe écologiste, attirer votre attention sur des retards préjudiciables.

Le premier retard a été cité : c’est celui qui touche la programmation pluriannuelle de l’énergie. Cette programmation est tout à fait réalisable pour qui veut planifier la maîtrise de la demande et la diversification de la production dans le contexte des accords de Paris. Sa publication ferait cesser les errances médiatiques de certains opérateurs qui sont mus par d’autres intérêts.

Le deuxième, d’une tout autre échelle, concerne le décret d’autorisation d’utilisation et de commercialisation des préparations naturelles peu préoccupantes prévu dans la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt et publié plus d’un an et demi après la promulgation de loi.

Il n’y a pas de mauvaise volonté de la part de la direction générale de l’alimentation, la DGAL, ni effet de lobbying des firmes agrochimiques. Pourtant, malgré ce délai, le décret n’autorise que 100 substances sur 800, privilégiant celles déjà autorisées en pharmacologie humaine, c'est-à-dire les plantes médicinales du code de la santé, qui ne répondent pas aux besoins prioritaires des agriculteurs. Il en reste 700 à autoriser. Ce travail a été délégué à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, avec un an et demi de retard, qui elle-même mettra un certain temps dans son travail d’évaluation des centaines de substances en question.

Nous devons sortir de cet enlisement préjudiciable. Il a commencé par la bataille médiatique du purin d’ortie en septembre 2006. Les Français entendent le plan Écophyto du ministère de l’agriculture, ils approuvent l’objectif de réduire de 50 % les pesticides d’ici à 2018. Une part importante des agriculteurs, soit 40 %, est disposée à utiliser les nouvelles substances, mais ils notent l’extrême lenteur du processus d’autorisation et de diffusion de ces pratiques, et s’interrogent sur un tel symptôme de schizophrénie.

L’enjeu est aussi d’éviter que les entreprises de production des pesticides ne mettent la main sur les substances alternatives petit à petit, à coup de brevets, sur le biocontrôle. Le vinaigre, par exemple, s’est vu refuser son autorisation par l’EFSA, l’European Food Safety Authority, le temps qu’une firme s’assure le monopole de son autorisation de mise sur le marché !

Troisième inquiétude, aux termes de l’article 22 de la loi ALUR, « avant la fin de l’année 2014, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport évaluant le dispositif de défiscalisation prévu à l’article […] du code général des impôts, portant notamment sur le nombre de logements de chaque catégorie ayant bénéficié du dispositif ». Ce dispositif, c’est le « Censi-Bouvard », à savoir la défiscalisation des meublés locatifs pour les personnes âgées, les étudiants, les personnes en situation de handicap et pour le tourisme. Nous voudrions avoir l’assurance d’une juste répartition : elle ne saurait se faire au seul service du tourisme, et en premier lieu au bénéfice de quelques célèbres opérateurs du secteur, spécialistes de la bétonisation, des logements à fuite thermique et producteurs de lits froids jamais occupés.

Enfin, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, je tiens une fois de plus, jusqu’à ce que vous l’ayez bien mémorisé, à pointer du doigt la non-mise en application de la loi relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte, votée en 2013. Certes, les décrets ont été publiés, mais la commission nationale de déontologie, un outil pourtant essentiel, n’est pas installée, au motif que deux ministères, celui de l’agriculture et celui de la recherche – excusez du peu ! – n’ont toujours pas désigné leurs représentants !

Il est un peu facile d’enrayer ainsi la volonté du Parlement.

Alors que le Gouvernement, par la voix de Michel Sapin, ne manque aucune occasion de communiquer sur le thème populaire et porteur des lanceurs d’alerte, en coulisse, l’outil de contrôle de l’expertise des conflits d’intérêts, des registres d’alertes et du suivi de celles-ci en matière sanitaire et environnementale est bloqué par deux ministères. Le suivi de l’application des lois n’aura d’intérêt, monsieur le secrétaire d'État, que si demain sont mises en œuvre les mesures votées. Il y va de la remédiation au désamour des Français pour la classe politique !

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