Intervention de Jean-Marie Le Guen

Réunion du 7 juin 2016 à 14h30
Débat sur le bilan annuel de l'application des lois

Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement :

Monsieur le président, monsieur le président de la délégation du Bureau, mesdames, messieurs les présidents de commission, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de m’accueillir de nouveau pour cet exercice annuel de bilan et de dialogue autour de la question, essentielle, de l’application des lois.

En premier lieu, je tiens à remercier M. Claude Bérit-Débat, l’ensemble des présidents de commission ainsi que les services du Sénat qui, grâce à leur expertise, nous permettent de suivre avec précision le travail réalisé et les efforts restant à fournir afin que les lois votées ne restent pas lettre morte et puissent se traduire en réalités concrètes pour nos concitoyens.

Je salue, à mon tour, la très haute qualité de cette réunion, notamment les communications des orateurs, et l’intérêt porté au débat par tous ceux qui y assistent.

Cet enjeu est au cœur des préoccupations du Gouvernement : outre la mise en place du Comité interministériel de l’application des lois, le CIAL, que je réunis deux à trois fois par an avec le Secrétaire général du Gouvernement – je tiens à l’en remercier, ainsi que l’ensemble de son service –, le suivi de l’application des lois fait désormais l’objet, chaque mois, d’une communication en conseil des ministres. C’est dire tout l’intérêt que le Président de la République et le Premier ministre portent à ce sujet. Cet exercice, diversement apprécié par mes collègues, est souvent comparé à un relevé des copies et à une distribution mensuelle de notes, mais il faut reconnaître qu’il a produit des résultats.

Ces bonnes pratiques, de même que les travaux conduits chaque année avec le Sénat, nous ont permis d’atteindre de bons, voire de très bons résultats, que vous avez soulignés.

Le taux d’application de l’ensemble des textes adoptés depuis le début de la législature est, en effet, à ce jour d’environ 80 %, en hausse de 15 points par rapport à l’an dernier. Quant aux résultats concernant la dernière session, ils sont en hausse de 7 points par rapport à l’année précédente, avec un taux global d’application de 62 % au 31 mars 2016 pour les textes adoptés entre le 1er octobre 2014 et le 30 septembre 2015.

La mobilisation des services doit donc se maintenir au plus haut niveau pour améliorer encore ces résultats, notamment en poursuivant la publication des mesures d’application des lois « Croissance », NOTRe, « Transition énergétique » et « Dialogue social ». Ces textes ont en effet tous été adoptés selon la procédure accélérée, ce qui justifie, vous avez été plusieurs à le relever, une diligence particulière de la part du Gouvernement.

Cette diligence est d’autant plus légitime que le Gouvernement a insisté politiquement sur l’importance structurelle qu’il accordait à ces textes.

Le taux d’application des propositions de loi est quant à lui en nette augmentation : il est supérieur de 9 points à celui des projets de loi.

Je regrette, en revanche, que le taux de remise des rapports reste très insuffisant. Seulement 59 % des rapports prévus ont été remis. Si je reconnais qu’il convient d’améliorer ce chiffre concernant les rapports dits « de l’article 67 », de très nombreux autres rapports continuent à être prévus dans les différents textes.

À titre d’exemple, la loi « Croissance » en prévoyait 17 et la loi « Transition énergétique » pas moins de 34 !

La multitude des rapports prévus par la loi engorge les administrations, qui sont en même temps mobilisées par la rédaction des textes d’application. Il est vrai que, au vu du contexte budgétaire, nous sommes assez chiches sur les moyens que nous leur accordons.

Je m’arrêterai quelques instants sur les trois sujets connexes évoqués par le président Bérit-Débat.

Le premier sujet, également abordé par Mme la présidente Michèle André et M. Canevet, est celui des ordonnances. Leur taux d’application est à ce jour de 86 %, un très bon taux : c'est la moindre des choses, la procédure des ordonnances ayant vocation à traiter des sujets revêtant une urgence particulière.

S’agissant de la suite donnée aux lois d’habilitation, vous citez, dans votre rapport, l’habilitation à prendre des mesures sur l’octroi de mer à Mayotte : ce sujet a finalement fait l’objet d’une loi relative à l’octroi de mer, promulguée le 29 juin 2015, c’est-à-dire dans le délai de six mois dont disposait le Gouvernement pour prendre les mesures par ordonnance.

Le deuxième sujet porte sur le taux de réponse aux questions écrites. Il est à ce jour de 73 % pour l’ensemble des questions posées par les sénateurs. Ce chiffre, bien qu’insuffisant, est en légère progression, grâce notamment au suivi régulier de ce sujet par le Secrétariat général du Gouvernement. Je rappelle moi-même très souvent à mes collègues qu’ils doivent impérativement répondre aux questions écrites dans les délais réglementaires.

Enfin, le troisième sujet est relatif aux questions européennes.

Monsieur le président Bizet, mesdames, messieurs les présidents de commission, mon collègue Harlem Désir m’a confirmé, comme il vous l’a indiqué dans un récent courrier, qu’il se tient à votre entière disposition pour les auditions que les commissions, notamment celle des affaires européennes, souhaiteraient organiser. Ces auditions pourraient avoir lieu, par exemple, préalablement à la tenue de conseils européens, en fonction de leur ordre du jour.

S’agissant des méthodes de travail et de dialogue entre le Parlement, le secrétariat d’État aux affaires européennes et le SGAE, une réunion doit se tenir avec des représentants des commissions des affaires européennes des deux assemblées, dans trois jours, dans les locaux du SGAE. Je ne doute pas que de nouveaux points d’avancée pourront être trouvés.

Je vais maintenant tenter d’apporter des éléments de précision sur les autres points abordés par les différents orateurs.

Monsieur le président Lenoir, le taux d’application de la loi relative à la transition énergétique pour une croissance verte s’établit désormais à 54 %. Il convient en outre de noter que 6 mesures sont au contreseing, 27 sont actuellement soumises à l’examen du Conseil d’État et 25, regroupées en 13 décrets, sont en consultation obligatoire ou en concertation avec les parties prenantes, ce qui peut prendre du temps.

Le taux d’application devrait donc s’améliorer très sensiblement dans les prochains mois. Je n’entre pas davantage dans le détail, puisque vous aurez tout à l’heure un débat sénatorial de contrôle portant précisément sur ce sujet. Vous pourrez décortiquer l’affaire avec votre sagacité habituelle, monsieur le président Lenoir !

S’agissant de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, sur laquelle est également intervenu M. Collin, 82 mesures ont été prises sur les 99 prévues par le texte, ce qui représente un taux d’application de 82 %.

Je reprendrai les mesures que vous avez citées : la compensation agricole, de même que les mesures de contrôle sanitaire prévues à l’article 45, sont actuellement en cours d’examen par le Conseil d’État. À la suite de nombreuses concertations, la publication du décret sur les registres agricoles est prévue pour le troisième trimestre 2016, après examen par la CNIL. Enfin, la saisine du Conseil d’État sur les mesures relatives aux déclarations de cession de médicaments vétérinaires, un sujet sur lequel plusieurs orateurs sont intervenus, est prévue pour la fin du mois de septembre 2016.

Monsieur le vice-président Cambon, je vous remercie d’avoir relevé que le bilan de l’application des lois était globalement positif. Concernant les mesures restant à prendre sur la loi d’actualisation de la programmation militaire 2015-2019, 2 décrets, prévus par l’article 11 et relatifs aux associations professionnelles nationales de militaires, qui est un sujet sensible, ont été rédigés et soumis au Conseil supérieur de la fonction militaire en décembre 2015. Les discussions interministérielles sont toujours en cours, mais devraient déboucher sous peu. Le projet de décret sur le port de l’insigne des blessés a été adressé au Conseil d’État le 2 juin dernier.

Quant au bilan annuel politique, opérationnel et financier des opérations extérieures, il n’a certes pas encore été transmis au Parlement. Toutefois, le ministre de la défense a très régulièrement fait le point avec votre commission sur les différentes opérations en cours, et des débats ont été organisés en application de l’article 35 de la Constitution. Le bilan annuel des opérations extérieures a également été abordé lors de la remise des rapports annuels sur l’exécution de la loi de programmation militaire, préalablement aux débats d’orientation des finances publiques de 2015 et de 2016.

Monsieur le président Milon, la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi nécessitait 64 mesures d’application : 50 ont été prises, ce qui porte le taux d’application à 77 %.

Restent en attente de publication 14 mesures, dont 8 font l’objet de décrets qui ont été transmis au Conseil d’État le 6 mai dernier : ces derniers ne devraient donc plus trop tarder… Le décret portant reconnaissance des maladies psychiques comme maladie professionnelle est actuellement au contreseing et sera donc publié rapidement. Les dernières mesures restant à prendre risquent de voir leur base légale modifiée par le projet de loi « Travail ». Il est vrai qu’il arrive aussi bien à l’exécutif qu’au législatif de reporter d’un texte à l’autre certaines discussions. Je ne suis donc pas actuellement en mesure de vous donner précisément leur date de publication.

S’agissant du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, 7 mesures sur 59 restent à prendre. Vous avez cité plusieurs points dans votre rapport. Je tiens à vous dire que les organismes de sécurité sociale ont été saisis le 2 juin du projet de décret encadrant l’achat groupé de vaccins. Le décret sera publié à l’issue de ces consultations.

Les mesures concernant les dotations pour l’amélioration de la qualité des soins sont en cours de finalisation et les caisses de sécurité sociale viennent d’en être saisies.

S’agissant de la régulation de l’offre de taxis conventionnés, un projet de décret a été rédigé, sur lequel la concertation avec la profession est encore en cours.

Madame la présidente Morin-Desailly, la loi du 17 avril 2015 relative à la modernisation du secteur de la presse est désormais totalement applicable, puisque la dernière mesure, prévue à l’article 18 de cette loi, a été publiée le 25 mai dernier.

Monsieur le président Maurey, je vais tenter de vous donner des éléments aussi complets que possible sur l’application de la loi de 2014 portant réforme ferroviaire, une loi qui est indiscutablement d’actualité et dont l’histoire reste à faire – j’espère que chacun ici pourra en goûter tout le sel ! Cette loi est à présent applicable à 89 %.

Trois mesures étaient en attente.

Le Conseil d’État a achevé d’examiner le décret relatif aux règles encadrant la durée du travail dans les entreprises de transport ferroviaire le 27 mai, qui devrait donc paraître dans les prochains jours.

Le décret prévu à l’article 12 est soumis à l’examen du Conseil d’État depuis le 26 avril, après avoir reçu un avis conforme de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires, l’ARAF.

La mesure prévue à l’article 7 a pris du retard, à la suite de la modification de cet article par la loi NOTRe ; son examen par le Conseil national d’évaluation des normes est prévu en juillet, pour une publication à l’automne.

Madame la présidente André, je ne pourrai malheureusement pas apporter de réponses à l’ensemble des points que vous avez soulevés, dont je ne manquerai cependant pas de faire part à mon collègue Michel Sapin. Ses services m’ont toutefois informé que la liste des revues de dépenses annexée au projet de loi de finances pour 2016 a été déposée le 25 janvier dernier.

Pour ce qui concerne les ordonnances, j’ai déjà apporté des éléments de réponse.

S’agissant de l’arrêté relatif à la taxe de séjour que vous mentionnez, il se trouve actuellement au contreseing et devrait donc être publié très prochainement. Toutefois, l’application du décret du 31 juillet 2015 relatif à la taxe de séjour, en tant qu’il prévoit une liste d’informations à publier issues des délibérations de taxe de séjour, ne modifie pas le régime d’entrée en vigueur de ces délibérations.

Conformément au principe selon lequel « les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu’il a été procédé à leur publication ou affichage ainsi qu’à leur transmission au représentant de l’État dans le département », les collectivités bénéficiaires sont donc en droit d’exiger des redevables le paiement de la taxe, quelle que soit la modalité, physique ou électronique, par laquelle a eu lieu l’intermédiation.

Monsieur le président Bas, permettez-moi de faire un point sur la mise en œuvre de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, que MM. Collin et Richard ont également mentionnée. Sur cette loi, applicable à 92 %, une seule mesure, prévue à l’article 8, reste à prendre : elle concerne les modalités et les conditions d’échanges d’informations entre les services de renseignement et les autorités administratives. Un décret en Conseil d’État est en cours d’élaboration et de consultation interservices. Il devrait être transmis au Conseil d’État au tout début de l’été.

Ensuite, concernant l’application de la loi de simplification du 16 février 2015, applicable à 90 %, les dispositions relatives à la formation des formateurs d’auto-écoles ont été prises par un décret du 30 mars dernier.

Je vous confirme que les dispositions relatives au tribunal foncier en Polynésie sont toujours en attente de décret, lequel est subordonné à l’aboutissement des travaux immobiliers et aux conclusions d’un groupe de travail mis en place par le garde des sceaux.

Messieurs Favier et Canevet, vous avez, à raison, rappelé les problèmes qu’engendre l’inflation législative.

Monsieur Canevet, je ne peux qu’être d’accord avec vous quand vous constatez quelle utilisation est faite de la procédure parlementaire, notamment du droit d’amendement. Nous menons ensemble un travail auquel le président Larcher est particulièrement attaché : permettre au Parlement d’être moins dans la posture et davantage dans le travail de fond. Certes, le Parlement vote les lois et le budget, mais il exerce aussi une fonction de contrôle. À cette fin, il faut du temps et de l’énergie. La multiplication d’amendements « secondaires » ne correspond pas toujours à notre volonté commune que le Parlement, en l’occurrence le Sénat, ait un rôle pilote. Le travail qu’il fournit doit lui permettre d’être pleinement « actif », et ne pas donner simplement une image de blocage.

Vous avez pris l’exemple de la loi « Croissance », passée de 106 à 308 articles au fil des différentes phases de la discussion parlementaire. J’ai bien conscience de ce problème ; néanmoins, l’application de cette loi progresse : 96 mesures ont été adoptées sur les 116 à prendre, ce qui représente un taux très honorable de 83 %. J’ajoute que 10 décrets d’application de ce texte, portant 13 mesures, sont actuellement examinés par le Conseil d’État. J’espère que cette loi sera entièrement applicable avant la fin de l’année.

Madame Blandin, la loi relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte est aujourd’hui applicable à 100 %. Son dispositif sera adapté et complété à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Votre question portait plus précisément sur la désignation des membres de la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement : ma collègue Barbara Pompili vous a indiqué, lors de la séance de questions d’actualité du 5 avril dernier, que la désignation de certains membres était encore attendue.

À ce jour, les membres du Conseil d’État et du Comité consultatif national d’éthique ont été désignés, et nous attendons de façon imminente la désignation de 2 sur 4 des membres des ministères de l’agriculture et de la recherche.

Monsieur Richard, la loi relative à la réforme du droit d’asile est applicable à 95 %. Le rapport d’application à six mois a été transmis au mois de février. Deux mesures sensibles restent à prendre, sur la transmission des données relatives à la vulnérabilité du demandeur d’asile et sur les informations à fournir en cas de refus ou d’abandon d’hébergement. Le décret a été rédigé et est en cours de consultation interministérielle.

Vous avez, à juste titre, pointé les différences de qualité du travail, peut-être liée à des moyens inégaux, qui peuvent exister entre ministères, notamment en matière d’expertise juridique et de rédaction des décrets. Nous avons essayé de mutualiser les moyens juridiques mis à la disposition de différents ministères. C'est à la fois du soutien et, le cas échéant, de l’accompagnement que nous avons mis en place dans des ministères qui pouvaient sembler « affaiblis » et démunis lorsqu’ils devaient préparer un monceau de décrets. C'est ainsi que nous avons essayé de réagir aux difficultés que vous avez pointées. Il faut faire le bilan de cette action, mais elle me semble s’inscrire dans l’évolution que vous souhaitez vers plus d’efficacité.

Pour conclure, je ferai un court point de prospective : d’importantes lois ont été adoptées depuis la fin de l’année 2015, qui entreront bientôt dans le « compteur » de l’application des lois en vertu du délai de six mois : outre les textes financiers de la fin de l’année, on peut notamment citer la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement ou la loi « Santé ». C’est avec vigilance que je suis l’avancée de la publication des mesures d’application de ces lois, notamment dans la perspective du bilan semestriel que nous effectuerons le 30 juin prochain et qui fera l’objet d’une communication en conseil des ministres au début du mois de juillet. Nous ne manquerons pas de vous en transmettre les résultats.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre participation et de votre intérêt pour cette tâche éminemment importante pour la bonne gestion de nos lois et l’évolution du rôle du Parlement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion