Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, j’ai l’honneur d’ouvrir ce débat que le groupe Les Républicains, que je représente à cet instant, a souhaité voir organisé au sein de cet hémicycle afin de faire le point sur la mise en œuvre de la loi de transition énergétique promulguée il y a presque un an, le 17 août dernier.
J’articulerai mes observations autour de quatre thèmes.
Premièrement, les objectifs affichés par le Gouvernement dans un certain nombre de secteurs touchant à l’énergie étaient à l’évidence trop ambitieux et, en définitive, irréalistes.
Il était prévu que nous diminuions la consommation d’énergie de 20 % d’ici à 2020 et de moitié d’ici à 2050. Or la consommation d’électricité a continué d’augmenter, entre 0, 5 et 2 %, indépendamment des aléas météorologiques mais de manière cohérente avec la croissance de notre PIB, fût-elle modeste. La consommation des produits pétroliers a également continué d’augmenter, légèrement, mais elle a augmenté.
En ce qui concerne les énergies renouvelables, leur part dans notre mix énergétique n’est pas à la hauteur de ce qui était prévu. Les chiffres sont très clairs : les énergies renouvelables représentaient 19, 4 % de notre consommation en 2013 ; passée à 19, 6 % en 2014, leur part est aujourd'hui de 18, 7 %, c'est-à-dire que, contrairement aux volontés exprimées par le Gouvernement et aux ambitions portées par cette loi, leur part a en fait diminué.
Les objectifs fixés par le Gouvernement étaient également irréalistes pour ce qui concerne la part du nucléaire. Celui-ci représente aujourd'hui 77 % de notre mix énergétique, alors que, au cours des dix dernières années, sa part a oscillé entre 73 % et 78 % en fonction de la disponibilité des centrales nucléaires. Les premiers indicateurs soulignent que la tendance n’est donc pas celle qui était souhaitée par le Gouvernement et visée par cette loi.
Deuxièmement, la mise en œuvre de cette loi ne se fait pas au rythme qui était annoncé par Mme la ministre de l'énergie.
Participant au débat sur le bilan annuel de l’application des lois en tant que président de la commission des affaires économiques, j’ai précisé il y a quelques instants que 48 % des textes d’application relatifs à la loi de transition énergétique avaient été pris. Le secrétaire d'État M. Jean-Marie Le Guen m’a ensuite corrigé, avançant le chiffre de 54 %, et Mme Ségolène Royal, qui, ne pouvant être parmi nous, s’est excusée de façon extrêmement courtoise auprès des orateurs dans un courrier, annonce dans celui-ci le chiffre de 75 %. La différence est quand même extraordinairement importante, d’autant que, je le rappelle, Mme la ministre avait dit que tous les textes seraient pris avant la fin de l’année 2015, et que le Président de la République avait pour sa part annoncé, lors de la conférence gouvernementale sur l’environnement, en avril dernier, que tous les décrets seraient pris avant le 30 juin.
Madame la secrétaire d'État, sans entrer dans le détail des décrets d’application qui sont attendus, permettez-moi de souligner que la disposition concernant la programmation pluriannuelle, élément essentiel de la politique, nous intéresse tout particulièrement.
Certes, me direz-vous, les premières mesures ont été prises pour ce qui concerne le renouvelable, mais nous vous attendons sur le nucléaire ! Comment le Gouvernement va-t-il s’y prendre pour que, d’ici à 2025, la part du nucléaire passe à 50 % dans notre mix énergétique ? Comment le Gouvernement s’y prendra-t-il pour fermer la centrale de Fessenheim dans les délais qui ont été annoncés, c'est-à-dire avant les échéances de 2017 ?
L’un des prédécesseurs de Mme Ségolène Royal affirmait en 2013 qu’il fermerait Fessenheim en 2016, comme si un ministre pouvait fermer une centrale nucléaire ! Une telle décision implique le respecter un certain nombre de procédures et elle emporte des conséquences, notamment financières. La centrale de Fessenheim n’appartient pas qu’à EDF. Les Suisses et les Allemands en détiennent 30 %.
Les conditions dans lesquelles cette centrale peut être fermée, pas seulement arrêtée mais réellement fermée, sont particulièrement nombreuses et incitent à penser que, heureusement, la raison va l’emporter sur l’idéologie et que le Gouvernement ne sera pas en mesure de la fermer dans le délai qu’il s’était fixé.
La programmation pluriannuelle est également importante pour l’industrie nucléaire. À l’heure où le nucléaire est en train de repartir dans le monde, il faudrait en effet que la France, dont le savoir-faire est reconnu en la matière, puisse continuer à gagner des marchés, et c’est pourquoi nous sommes dans l’attente de cette programmation.
Troisièmement, les moyens que vous mettez en œuvre sont insuffisants. Cette loi de transition énergétique comporte deux volets majeurs : le renouvelable et la rénovation thermique des bâtiments.
Le financement des énergies renouvelables est notamment assuré par la fameuse CSPE, la contribution au service public de l’électricité. Celle-ci pèse si lourdement sur la facture d’électricité que la loi en a plafonné le montant à 22, 5 euros, le reste étant financé par la taxation carbone.
Mes chers collègues, madame la secrétaire d'État, j’appelle votre attention sur l’analyse qu’a faite la Commission de régulation de l’énergie, autorité incontestée. Le coût du renouvelables, qui sera donc subventionné, s’élève, pour la période 2014–2025, à 100 milliards d’euros ! Pour rappel, les cinquante-huit réacteurs nucléaires qui ont été installés en France ont coûté un peu moins de 100 milliards d’euros.
Aujourd'hui, on privilégie la subvention pour l’installation en faisant croire qu’ensuite l’énergie est gratuite, puisqu’elle est apportée par le vent ou par le soleil. Certes, la part du renouvelable a augmenté pour l’éolien et le photovoltaïque, le parc installé représentant 10 000 mégawatts pour l’éolien et de 4 000 mégawatts pour le solaire. Mais l’on fait souvent la confusion entre la puissance installée et la production d’énergie électrique. En effet, l’éolien représente aujourd'hui seulement 4, 5 % de notre mixénergétique, et le solaire 1, 6 %. Les 10 000 mégawatts représentent dix réacteurs nucléaires. Ces derniers produiraient dix fois plus d’énergie que le renouvelable.
Aujourd’hui, les moyens manquent. On nous dit : Il y aura la taxation carbone. Celle-ci va bien sûr peser sur les consommateurs. Ceux qui utilisent leur véhicule sont nombreux, et les hydrocarbures représentent tout de même les deux tiers de notre consommation. Or quand bien même cette taxation pèserait sur les carburants, elle serait insuffisante pour couvrir les besoins, qui sont, je le rappelle, de 100 milliards d’euros pour la production d’énergie à partir du renouvelable.
Pour ce qui concerne la transition énergétique, c’est clair – les chiffres, ce sont les vôtres, madame la secrétaire d'État –, cela va coûter entre 9 milliards et 10 milliards d’euros par an. Or les ressources affichées ne représentent même pas la moitié. Autrement dit, plus de la moitié, sans doute à peu près 60 %, du coût de la rénovation thermique des bâtiments sera à la charge des ménages. Je doute fort que ces derniers soient en mesure de supporter les conséquences de ces choix.
Devant cette situation, et ce sera ma quatrième observation, une autre politique s’impose. Dans quelques mois, l’occasion nous sera heureusement donnée de proposer aux Français de choisir.
Vous avez fait le choix d’une énergie chère, prenant exemple sur nos voisins allemands qui ont une énergie non seulement chère, mais en plus très carbonée puisqu’ils remplacent le nucléaire par le charbon.
Nous, nous faisons un choix clair : revenir entièrement sur les objectifs que vous vous êtes fixés non pas dans le domaine de l’environnement – nous avons, d’ailleurs, voté ces dispositions –, mais pour ce qui concerne la production d’énergie électrique et son financement. Ainsi, nous souhaitons revenir sur la diminution de la part du nucléaire à 50 % dans notre mix énergétique d’ici à 2025 et sur le plafond que vous avez fixé. Ce dernier obligerait à se séparer prématurément d’une centrale nucléaire