Dès lors qu’un tel couperet était maintenu pour des raisons purement idéologiques, plus aucun accord n’était possible.
Nous l’avions dit à l’époque, et les faits ne nous ont pas démentis depuis : un tel objectif est non seulement néfaste en termes de compétitivité, d’indépendance énergétique comme de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi parfaitement irréaliste, comme l’attestent les reports successifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie, la PPE.
En réduisant d’environ un tiers la production nucléaire, ce sont entre dix-sept et vingt réacteurs qui devront être fermés dans les dix ans, avec des effets désastreux en termes d’emplois, mais aussi pour nos finances publiques, puisqu’il faudra bien, comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel, indemniser l’exploitant à la hauteur du préjudice subi.
Une telle perspective est d’autant plus préoccupante qu’elle viendra impacter une filière dont les deux fleurons, EDF et Areva, connaissent déjà des difficultés importantes, qui sont, pour l’un, liées principalement à l’effondrement des prix du marché et, pour l’autre, aggravées par des choix stratégiques désastreux. Pour surmonter ces difficultés, ces deux entreprises ont un besoin impérieux de visibilité et de confiance dans l’avenir, ce que n’offre pas le cadre législatif actuel.
C’est pourquoi, dans l’hypothèse où nous serions appelés à gouverner en 2017, nous supprimerons « l’objectif-couperet » des 50 % à l’horizon de 2025, non pas par idéologie ou par « aveuglement pro-nucléaire », mais parce que les choix énergétiques passés, à qui nous devons notre électricité propre et bon marché, restent justes. Mais aussi par conviction environnementale.
Il faut le rappeler, en assurant une production décarbonée de base, flexible et prévisible, le nucléaire est le meilleur allié de la transition énergétique et du développement des énergies renouvelables intermittentes. Du reste, nous ne plaidons pas pour le statu quo dans la mesure où nous sommes favorables à une diversification progressive et raisonnée du mix électrique, dont le nucléaire représenterait 50 % « à terme », c’est-à-dire à un horizon raisonnable et réaliste.
Cette trajectoire impliquera, selon les cas, des prolongations, des constructions ou des fermetures. Dans ce dernier cas, il faudra privilégier, pour en limiter l’impact territorial, des fermetures partielles de tranches plutôt qu’un démantèlement complet d’une centrale.
Il nous faudra aussi revenir sur une autre mesure prévue par la loi aux conséquences encore plus immédiates : le plafonnement de la capacité de production à son niveau actuel, qui entraîne, comme vous l’avez rappelé il y a quelques instants, cher président Lenoir, la fermeture de la centrale de Fessenheim, avant même la mise en service de l’EPR de Flamanville à la fin de l’année 2018.
Pour tenter de rendre le processus irréversible avant les prochaines échéances électorales, le Gouvernement a exigé d’EDF qu’il dépose sa demande d’abrogation à la fin de ce mois, alors que cette centrale est parfaitement sûre et que l’Autorité de sûreté nucléaire a autorisé en 2011 et 2012 le fonctionnement des deux réacteurs pour au moins dix ans supplémentaires.
Aux conséquences redoutables d’une fermeture sur le plan local s’ajoutera la question de l’indemnisation non seulement de l’exploitant, mais aussi des autres parties prenantes, allemande et suisse, qui détiennent près d’un tiers de la centrale.
Or la première estimation transmise par le Gouvernement à EDF apparaît totalement farfelue : entre 80 et 100 millions d’euros, alors que, selon les experts, le préjudice véritable se chiffrerait a minima en milliards d’euros ! Les Français ne sont sûrement pas prêts à payer une telle somme !
Plus globalement, la filière électronucléaire française est aujourd’hui confrontée à des défis et, donc, à des besoins de financement importants.
Premier défi : le « grand carénage », qui doit permettre de prolonger la durée de vie du parc actuel au-delà de quarante ans, pour un coût estimé par EDF à 51 milliards d’euros d’ici à 2025. Cette prolongation permettra surtout de continuer à bénéficier, en toute sûreté, de la « rente » de centrales déjà amorties.
Deuxième défi : le renouvellement du parc existant des cinquante-huit réacteurs par environ trente-cinq EPR nouvelle génération, qui permettront de continuer à assurer une production de base décarbonée. Or, qu’il s’agisse de l’un ou de l’autre, les sommes en cause plaident, à mon sens, pour l’entrée de partenaires aux côtés d’EDF, comme c’est déjà le cas, je vous le rappelle, mes chers collègues, dans cinq centrales du parc actuel : Fessenheim, Cattenom, Bugey, Tricastin et Chooz. Il n’y a donc là rien de révolutionnaire, et bon nombre d’opérateurs, industriels ou énergéticiens, sont intéressés, ce qui allégerait d’autant la facture pour EDF.
Pour conclure, le nucléaire n’est pas une industrie comme les autres, c’est une industrie d’État. C’est donc à l’État d’avoir le courage de prendre toutes les décisions.
Je vous le dis, madame la secrétaire d'État, je le dis également aux responsables de ma famille politique, plus particulièrement à ceux qui briguent les responsabilités les plus hautes : vous devrez tous être clairs sur le mix énergétique qu’il faut pour la France.
Plus que jamais le nucléaire a besoin d’une vision assise sur des considérations objectives, et non sur des postulats idéologiques.