À cet égard, je remercie le président Lenoir d’avoir proposé d’inscrire à l’ordre du jour de nos travaux ce débat, qui nous permettra de faire le point sur ce qui devait être l’une des priorités du quinquennat, à savoir la transition énergétique.
À en croire la première conférence environnementale de 2012, puis le débat national sur la transition énergétique, qui a mobilisé, pendant des mois, à Paris et dans les régions, de très nombreux acteurs, notre modèle de développement énergétique devait être entièrement repensé et mis au service d’une nouvelle conception de la croissance, créatrice d’emplois et de richesses. Mais qu’en est-il ?
La loi du 17 août 2015 a fixé des objectifs ambitieux ; j’en rappellerai quelques-uns : réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 par rapport à 1990 ; porter la part des énergies renouvelables à plus de 30 % de la consommation énergétique finale d’énergie à l’horizon 2030 ; baisser à 50 % la part du nucléaire dans la production d’électricité à l’horizon 2025 ; enfin, créer, grâce à ces mesures et à d’autres mesures concernant le bâtiment notamment, 100 000 emplois : c’était ce que l’on appelait alors « la croissance verte » !
Tout cela est très bien, mais chacun sait que ces objectifs ne sont pas tenables.
Ainsi, les émissions de gaz à effet de serre n’ont pour l’instant été réduites que de 17, 2 % par rapport à 1990, c'est-à-dire en vingt-six ans. On voit donc mal comment on pourrait atteindre l’objectif de 40 % d’ici à 2030, dans un peu moins de quinze ans.
La part des énergies renouvelables n’atteint que 14, 6 %, en retrait même par rapport aux objectifs fixés par le précédent plan national, qui tablait sur un minimum de 16 %.
La part du nucléaire dans la production d’électricité est encore de plus de 75 %, et personne n’imagine que l’on atteigne le taux de 50 % en 2025 : chacun sait que c’est totalement utopique !
Quant aux emplois créés, l’objectif de 100 000 emplois est, lui aussi, toujours très utopique. Il relève malheureusement plus de l’incantation que de la réalité économique.
Au-delà des objectifs, des mesures ont été adoptées dans la loi du 17 août 2015, mais beaucoup reste encore à mettre en œuvre. Je prendrai quelques exemples pour illustrer cette affirmation.
Premier exemple : la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui devait être le document socle, la stratégie de notre pays en matière d’énergie. Inscrite dans la loi relative à la transition énergétique, sa publication est sans cesse reportée. Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous dire quand la programmation pluriannuelle de l’énergie deviendra réalité ?
Deuxième exemple, sur lequel la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et son rapporteur Louis Nègre ont beaucoup travaillé : la question des transports propres.
Là aussi, nous attendons des mesures d’application, notamment le décret qui doit, par exemple, préciser les critères définissant les véhicules ayant un faible niveau d’émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques, et ceux à très faibles émissions pouvant bénéficier de conditions de circulation et de stationnement privilégiées. Il en est de même du décret qui doit définir l’obligation d’acquérir des véhicules propres pour les flottes publiques, les loueurs de voitures, les taxis et les exploitants de voiture avec chauffeur.
Or ces mesures sont fondamentales pour déterminer notre capacité à respecter les engagements qui ont été fixés par l’accord de Paris sur le climat. À cet égard, nous nous prononcerons demain sur le projet de loi autorisant la ratification de cet accord.
Quand je dis : « nous attendons », je parle, bien sûr, non pas seulement des sénateurs impatients que nous sommes, mais aussi des filières économiques, des élus locaux et de nos concitoyens. Les choix stratégiques ou économiques de tous ces acteurs sont conditionnés à ces critères. Et il y a vraiment urgence à les définir et à respecter la volonté du législateur !
Troisième exemple : la lutte contre les gaspillages et la promotion de l’économie circulaire.
Là encore, les enjeux sont importants pour réduire notre consommation d’énergie et optimiser nos ressources. Ainsi, sur l’initiative de notre collègue Chantal Jouanno, nous avions introduit dans la loi une stratégie nationale de transition vers l’économie circulaire incluant, notamment, un plan de programmation des ressources nécessaires aux principaux secteurs d’activités économiques, que le Gouvernement devait établir tous les cinq ans. Là encore, nous n’avons rien vu venir, madame la secrétaire d'État. Aussi, nous aimerions savoir où en est ce plan de programmation des ressources.
D’ailleurs, il est assez curieux de constater que tout ce qui concerne les documents à caractère stratégique fait défaut. Cela nous laisse malheureusement penser que nous sommes encore bien loin d’une transition énergétique voulue et organisée.
En outre, je dirai un mot sur ce que l’on peut appeler « le feuilleton Fessenheim ».
Comme cela a été rappelé, la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim a été un engagement fort du Président de la République. On peut imaginer que cette fermeture était fondée sur des critères objectifs, en lien avec la sûreté nucléaire. Mais qu’en est-il réellement ? Aujourd'hui, plus personne ne sait le sort qui sera réellement réservé à Fessenheim.
Enfin, dernier exemple, mais ô combien important, la question de la fiscalité écologique.
La fiscalité, tout le monde en convient, est un instrument très important pour faire évoluer les comportements. Dans ce domaine, aucune mesure significative n’a été prise, si ce n’est la très anecdotique indemnité kilométrique vélo.
Pourtant, de nombreuses études ont démontré qu’une fiscalité écologique ambitieuse permet de favoriser les solutions vertueuses et de pénaliser celles qui ne le sont pas. Accessoirement, en créant une fiscalité écologique, on peut alléger la fiscalité qui pèse sur le travail et qui nuit à la compétitivité des entreprises et, par là même, à celle de notre pays.
En matière de fiscalité écologique, notre pays est, je tiens à le souligner, parmi les derniers de la classe en Europe. Eurostat nous place au vingt-quatrième rang sur vingt-huit pour ce qui concerne les recettes fiscales environnementales. Celles-ci représentent moins de 2 % de notre PIB, contre 5 % au Danemark et près de 3, 5 % en Allemagne, la moyenne européenne s’établissant à 2, 5 %.
Madame la secrétaire d’État, nous sommes, je ne vous le cacherai pas, déçus, car notre pays est loin d’être engagé dans la transition énergétique qu’il était nécessaire de mettre en œuvre pour préparer l’avenir de notre pays et, surtout, que l’on nous avait vantée, pour ne pas dire vendue, pendant des mois et des années. Il ne suffit pas de se bercer de mots et de se complaire dans l’autosatisfaction, il faut, lorsqu’on est aux responsabilités, agir et agir vraiment.