Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la notion de transition énergétique est au cœur des débats depuis quelques années, que ce soit dans les médias ou dans les différentes instances de décision nationales et européennes. C’est un vocable qui, dans le cadre des réflexions sur le développement durable et les énergies du futur, fait consensus.
L’idée selon laquelle cette transition est devenue nécessaire, voire inéluctable, pour répondre à la fois à l’augmentation continue du prix du pétrole et, surtout, au réchauffement climatique semble une évidence. Tout le monde est d’accord sur ce point : il nous faut véritablement organiser une transition énergétique, même si l’on peut aussi acter que celle-ci a déjà commencé.
Toutefois, derrière les questions ayant trait à l’énergie de demain se cachent de nombreuses inquiétudes. Nous devons à l’évidence trouver de nouveaux modes de développement, de vie et de déplacement. Nous devons réduire éventuellement nos besoins et, sûrement, nos consommations ; trouver de nouvelles sources d’énergie et, dans le même temps, ne pas fragiliser nos tissus économiques et sociaux, ni renoncer complètement à notre confort, tout en étant attentif à nos factures.
C’est pourquoi la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte avait suscité de nombreuses attentes chez nos concitoyens. En effet, elle est apparue comme un impératif auquel la France devait se confronter pour répondre aux défis de demain et infléchir un modèle de consommation qui a atteint ses limites.
Certes, beaucoup de questions restaient en suspens, surtout celle des moyens. Cependant, les différents débats publics ont montré l’importance de ce sujet pour l’ensemble de nos concitoyens.
Or le bilan de l’application de la loi sur la transition énergétique nous interpelle.
D’une part, la feuille de route dénommée « programmation pluriannuelle de l’énergie », à propos de laquelle nous avions souhaité plus de précisions lors des débats, n’est toujours pas publiée dans son intégralité. Cette PPE, qui aurait dû être présentée le 8 mars dernier, a été repoussée sine die, et la publication du « premier volet » de la PPE portant sur la production des énergies renouvelables n’a pas rassuré tous les acteurs. Pire, certains considèrent qu’il s’agit d’un enterrement pur et simple de l’application de la loi relative à la transition énergétique : « Le texte a été écrit sans tenir compte de la loi votée. »
La baisse du budget relatif à l’écologie et la lenteur de la publication des décrets d’application de la loi relative à la transition énergétique nous interpellent également.
À la fin du mois d’avril 2016, 117 dispositions sur 164 restaient dans l’attente d’un décret d’application. Ainsi, ce sont 47 dispositions qui ont fait l’objet d’un décret de nature à permettre leur mise en application. Cela signifie que 77 % des dispositions de la loi n’ont toujours pas de décret d’application.
Ces retards concernent de nombreuses mesures structurantes, sans lesquelles la transition énergétique telle que définie par la loi ne peut être juridiquement engagée. Parmi celles-ci, les plus importantes sont les suivantes : la création du carnet numérique de suivi et d’entretien du logement ; la réglementation des travaux embarqués permettant d’atteindre, en une ou plusieurs étapes, pour chaque bâtiment ou partie de bâtiment, un niveau de performance énergétique compatible avec les objectifs de la politique énergétique nationale ; la création du Fonds de garantie pour la rénovation énergétique, avec les conditions de ressources des bénéficiaires ; la réforme de l’obligation d’achat et la création du dispositif de complément de rémunération pour les énergies renouvelables ; l’obligation d’achat de véhicules propres pour certaines flottes, et la liste n’est pas exhaustive !
Au niveau budgétaire, ce sont 136 millions d’euros d’annulations de crédits de paiement pour l’année 2016, qui concernent la plupart des programmes : le programme « Infrastructures et services de transports », à hauteur de 72, 1 millions d’euros ; le programme « Énergie, climat et après-mines », à hauteur de 4, 7 millions d’euros, sans être exhaustif, auxquels il faut ajouter 9, 2 millions d’euros dans le programme « Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables ».
De plus, les annulations de crédits pourraient finalement bien conduire à une revue à la baisse des subventions accordées pour la rénovation énergétique, notamment celles qui sont délivrées par l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat, malgré les différents montages proposés, entre autres le redéploiement de crédits, de l’ordre de 150 millions d’euros, vers le programme « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat ». Il s’agit en fait d’un transfert vers l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, à destination de l’ANAH : « C’est de la tuyauterie », pour reprendre l’expression d’un journal du soir.
Or l’ambition affichée était de 500 000 rénovations annuelles à partir de 2017, et la France compte près de 4 millions de logements « passoires thermiques », extrêmement dégradés dans lesquels vivent, pour une bonne part, des ménages modestes, qui n’ont pas accès à des logements de qualité et thermiquement performants. Beaucoup d’entre eux ont du mal à se chauffer.
Ce grand chantier devait permettre de créer près de 75 000 emplois dans le bâtiment. « Un chiffre magique – ou vivement souhaité – que l’on n’atteindra probablement pas », selon le président de la CAPEB. Nous étions très attachés à cet objectif certes élevé, mais raisonnable et réaliste.
Finalement, c’est surtout dans le cadre de la libéralisation que les chantiers ont été les plus aboutis : la promotion de l’effacement par des agrégateurs privés, l’obligation d’installation des compteurs Linky, avec, en prime, l’ouverture des données de consommation des ménages, qui a engendrée des contestations.
Le grand débat que nous avions eu avec la ministre Mme Ségolène Royal nous avait passionnés et donné un peu d’espoir pour l’avenir. Aujourd’hui, la flamme n’est pas encore éteinte, mais il reste beaucoup à faire. C’est pourquoi nous attendons beaucoup de vos réponses, madame la secrétaire d'État.