Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification, mes chers collègues, nous sommes réunis cet après-midi pour conclure l’examen de la proposition de loi pour l’économie bleue.
D’emblée, je tiens à féliciter toutes les parties prenantes, députés et sénateurs bien sûr, mais aussi l’administration et le Gouvernement, ainsi que l’ensemble des interlocuteurs du monde de la mer avec lesquels nous avons eu l’occasion d’échanger, d’avoir permis l’aboutissement, en un temps record, d’une commission mixte paritaire conclusive. Ce n’était pas gagné d’avance, même si, sur toutes les travées de cet hémicycle, nous sommes d’accord pour mener le combat de la maritimisation de la France.
En effet, sur les soixante-dix-sept articles que comptait le texte transmis par l’Assemblée nationale, le Sénat en avait adopté trente-sept conforme et avait ajouté vingt-cinq articles additionnels. Restaient ainsi en discussion soixante-cinq articles, sur lesquels il a fallu trouver un accord.
Au total, la commission mixte paritaire a adopté vingt-huit articles dans la rédaction issue du Sénat, deux articles dans la rédaction issue de l’Assemblée nationale et trente articles dans la rédaction issue de ses propres travaux. Parallèlement, elle a supprimé cinq articles.
Nous pouvons donc nous féliciter de l’apport du travail sénatorial, d’autant que nous avons examiné ce texte au mois de mars dernier dans un calendrier très contraint.
En 2009, le Grenelle de la mer avait permis d’énoncer de nombreuses propositions. Nous pouvons nous réjouir que le Sénat ait pu en défendre ou en introduire certaines dans cette proposition de loi, en gardant à l’esprit cet objectif, partagé par tous : renforcer la compétitivité des activités maritimes de toutes les manières possibles.
Parmi les mesures emblématiques, figure l’autoliquidation de la TVA à l’importation dans les ports, pour laquelle le Sénat s’est battu. Cet article a été fermé à l’issue d’âpres débats avec le secrétaire d’État chargé du budget. Il y a urgence en la matière puisque, actuellement, 50 % des biens à destination de la France sont débarqués dans un port étranger. Malheureusement, cette part est encore appelée à croître.
Nous avons également revu les modalités de gouvernance des ports, en accordant davantage de poids aux grandes régions et aux investisseurs privés. Le but est de franchir une étape supplémentaire vers une autonomie réelle des ports. Pour autant, nous ne devons pas anticiper les travaux en cours sur les grands axes portuaires, et nous sommes parvenus à un juste équilibre avec nos collègues députés.
J’en viens au volet économique.
Nous avons conservé l’esprit de l’exonération de charges, ou net wage, tout en adoptant une version proposée par le Gouvernement à l’issue d’un vote confus. Ce dispositif a été amélioré par la commission mixte paritaire dans le sens d’une augmentation du nombre de contributions dont les armateurs sont exonérés et d’une définition plus précise du champ des activités concernées.
Quant à la responsabilité élargie des producteurs concernant les bateaux, la « REP navires », son entrée en vigueur différée de 2017 à 2018 a été conservée par la commission mixte paritaire. En revanche, le plafonnement de la contribution à 0, 5 % du prix de vente du navire a finalement été supprimé, dans la mesure où il ne correspond pas nécessairement à la logique de la REP.
La solution élaborée par le Sénat au sujet des jeux de hasard embarqués a été conservée. L’équilibre ainsi retenu permet de n’installer à bord que des machines à sous et de répondre au problème de compétitivité sur les ferries transmanche sans pour autant menacer la réglementation générale des casinos à terre.
Un autre point important est l’obligation de capacité de transport des produits pétroliers. Le récent décret consacré à ce sujet n’était pas conforme à l’esprit du mécanisme adopté dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Je me félicite que la commission mixte paritaire ait pu élaborer une solution permettant de conserver une flotte stratégique complète combinant petits et gros navires, et ce dans le prolongement de nos travaux.
Je passe à présent au volet sécurité de cette proposition de loi.
Nous avons facilité le recours à des entreprises privées de protection des navires, en supprimant notamment la notion de zonage pour la circulation des armes à bord. Si cette notion peut être pertinente en matière de piraterie maritime, il n’en va pas de même pour la menace terroriste qui, par définition, ne s’inscrit pas dans une zone précise. C’est la raison pour laquelle la commission mixte paritaire a retenu une rédaction qui distingue les deux cas de figure. Ainsi, le dispositif se trouve stabilisé.
La commission mixte paritaire a également tenu à clarifier le régime de l’évaluation de sûreté dans les ports, dont la responsabilité relève de l’État au regard des standards internationaux. L’État peut autoriser un organisme de sûreté reconnu à assurer cette évaluation pour un port donné. Mais nous avons veillé à ne pas introduire de rupture d’égalité devant les charges publiques, en partageant les frais en deux parts égales entre l’autorité administrative et l’autorité portuaire.
Nous avons encore affiné les dispositifs prévus en matière de contrôles de sécurité et de sanctions applicables à bord des navires et dans les ports, en facilitant notamment les interpellations, gardes à vue et prises d’empreintes en cas de délit d’intrusion dans une zone d’accès réservé d’un port.
J’évoquerai rapidement le volet pêche et aquaculture. En la matière, peu de modifications ont été apportées, les mesures proposées étant plus modestes et faisant l’objet d’un large consensus. Je saisis cette occasion pour saluer à nouveau le travail accompli par Michel Le Scouarnec et par la commission des affaires économiques, qui a examiné au fond les articles relatifs à la pêche.
La commission mixte paritaire a simplement recentré le champ du rapport sur le pescatourisme, en fixant pour objectif d’élaborer un véritable mode d’emploi afin de diversifier les revenus des pêcheurs. En outre, l’information dans les restaurants quant aux zones de capture ou de production des produits aquacoles proposés aux clients a été de nouveau rendue facultative, afin de ne pas alourdir les obligations pesant sur ce secteur d’activité.
Parallèlement, la commission mixte paritaire s’est penchée sur le volet environnemental, que le Sénat a largement développé. À l’issue d’un long débat, elle a repoussé de 2020 à 2025 l’interdiction du rejet en mer des sédiments et résidus de dragage pollués, afin de permettre la mise en place d’une véritable filière de traitement et de récupération à terre.
À l’heure actuelle, le dragage fait déjà l’objet de procédures extrêmement rigoureuses pour que la pollution soit limitée. Des arrêtés de seuils sont pris par les préfets. Il s’agit désormais d’aller plus loin, en se fixant un horizon commun pour qu’aucun sédiment pollué ne puisse retourner en mer sans avoir été traité, et ce conformément aux engagements du Grenelle de la mer de 2009. Je me félicite que nous soyons parvenus à un accord sur cet horizon.
La commission mixte paritaire a également amélioré la transposition de la directive de 2014 sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants alternatifs. Elle a prévu, pour les navires, des objectifs clairs pour la mise en place de systèmes de distribution de gaz naturel liquéfié, ou GNL, et pour l’alimentation électrique à quai dans les ports. C’est un sujet important quand on connaît le niveau de pollution de l’air que subissent les ports et qui est régulièrement mesuré.
Enfin, la commission mixte paritaire a supprimé quelques dispositions inopérantes que nous avions adoptées, comme l’extension du service minimum au transport maritime ou l’immatriculation au RIF, le registre international français, de tous les navires de pêche outre-mer. Au-delà des débats relatifs aux objectifs, ces dispositions exigent un travail juridique et une concertation plus approfondis en amont pour présenter une réelle portée opérationnelle.
Pour le reste, les modifications apportées en commission mixte paritaire visent surtout à améliorer les dispositifs proposés et à préciser leurs modalités d’application outre-mer.
Avant de conclure, je tiens à remercier notre collègue député Arnaud Leroy d’avoir donné l’impulsion nécessaire pour faire avancer des mesures attendues par le monde maritime depuis parfois plus de dix ans. Gardons cependant à l’esprit que ces mesures permettront au mieux de réduire le fossé de compétitivité qui nous sépare de nos concurrents. Il fallait certes commencer par là, mais on ne saurait se contenter de poser la première pierre en remettant au lendemain les choix difficiles.
Mes chers collègues, je l’ai dit au mois de mars dernier : à l’heure où les grandes puissances font réellement le pari de la mer, construisent de vraies infrastructures, explorent les fonds marins, affirment leurs revendications territoriales, développent les biotechnologies bleues et la recherche marine, nous avons l’obligation de définir une véritable stratégie maritime, servie par une vision politique ambitieuse en faveur de la croissance bleue.