S’il n’a pas toutes les vertus, ce texte s’inscrit cependant dans une dynamique et permet de franchir une nouvelle étape. De plus, il prolonge l’ambition affirmée du Gouvernement en faveur du secteur maritime. Le dernier comité interministériel de la mer, qui s’est tenu le 22 octobre 2015, a ainsi permis de tracer une feuille de route comprenant plusieurs sujets majeurs, notamment le renforcement de la compétitivité des grands ports maritimes.
En outre, récemment, plusieurs missions parlementaires de réflexion sur les axes portuaires ont été engagées. Ainsi, Valérie Fourneyron, députée de Rouen et notre collègue Charles Revet, sénateur de Seine-Maritime, ont été missionnés sur le devenir des ports du Havre et de Rouen. En effet, les enjeux sont grands pour le développement de notre territoire.
Pour être maire d’une commune située en bord de Seine, je connais la puissance économique des grands ports maritimes. Ainsi, le groupement d’intérêt économique HAROPA, Le Havre-Rouen-Paris, est devenu le premier port français, représentant 18 000 emplois pour le seul grand port maritime de Rouen.
Je veux saluer ici le travail considérable réalisé par Arnaud Leroy, qui a beaucoup enrichi son texte et su le faire évoluer, ainsi que celui de notre rapporteur, Bruno Mandelli. Je le remercie pour son sens du dialogue. C’est d’ailleurs cet esprit de compromis, partagé par tous, qui a permis de trouver un accord en commission mixte paritaire.
Bien sûr, certaines mesures préconisées par le texte faisaient consensus. Je pense particulièrement à l’autoliquidation de la TVA, proposition défendue de longue date par notre collègue Michel Delebarre.
Avec le système actuel de perception de la TVA, les entreprises importatrices donnent la priorité aux ports étrangers. Cela crée une distorsion, dans un contexte de très forte concurrence européenne, au détriment des ports français, particulièrement ceux du Nord, en raison de leur proximité avec les ports belges et néerlandais. Ce sont ainsi, chaque année, 2 millions de conteneurs qui ne sont pas pris en charge par nos ports nationaux.
En permettant l’autoliquidation à un grand nombre d’entreprises, nous supprimons une inégalité majeure pour les importations françaises et nous ouvrons des perspectives économiques considérables en termes de développement. Le rapatriement de ces flux perdus est en effet estimé à un gain d’environ 10 000 emplois et 1 milliard d’euros, et ce pour la seule filière portuaire. C’est d’ailleurs l’objectif de l’annonce faite par le Président de la République lors du Conseil stratégique de l’attractivité, le 22 mars 2016 : l’élargissement de l’autoliquidation de la TVA à plus de 8 000 opérateurs pour faciliter les opérations douanières.
S’agissant des conditions de moralité, entourant notamment la fonction de capitaine de navire, je me réjouis que l’Assemblée nationale et le Sénat aient, tour à tour, adopté des dispositions répondant à cette inquiétude forte du monde de la pêche. Ainsi, une solution a été trouvée pour les capitaines de petite pêche, comme pour les chefs mécaniciens embarqués à bord des navires de pêche. Le texte permettra, par ailleurs, au pouvoir réglementaire de revenir sur le décret du 2 juin 2015 et de préciser quelles infractions portées sur le bulletin n° 2 sont compatibles avec le plein exercice des fonctions de capitaine, d’officier en charge de sa suppléance, de chef mécanicien ou d’agent chargé de la sûreté du navire.
D’autres sujets devaient en revanche être tranchés par la CMP, notamment l’épineuse question de la gouvernance portuaire.
Les dispositions adoptées sur l’initiative de la majorité sénatoriale posaient de grandes difficultés. Elles mettaient à mal le caractère unifié de notre stratégie portuaire et entraînaient des bouleversements importants en matière de gestion des grands ports, dont personne ne pouvait réellement évaluer l’impact. En outre, les grands ports maritimes sont des établissements publics de l’État. Il n’était donc pas souhaitable de modifier leur nature juridique de cette manière.
Le retour au texte de l’Assemblée nationale sur la question du rôle de la région au sein du conseil de surveillance constitue donc, pour nous, une sage décision.
S’agissant de la commission des investissements, le texte adopté par la commission mixte paritaire est équilibré. Si la création de cette commission est évidemment légitime, afin de mieux intégrer les investisseurs privés dans le processus décisionnel portuaire, il n’était pas souhaitable d’inverser la hiérarchie institutionnelle existante des grands ports maritimes. Un avis conforme de la commission des investissements, de surcroît pris à la majorité des trois cinquièmes, aurait sans nul doute entraîné un risque de blocage dans les ports. Par conséquent, la suppression du caractère conforme de l’avis était nécessaire.
Je note cependant la reprise d’une partie des propositions du Sénat, témoignant de cet esprit de compromis que j’ai évoqué précédemment. Ainsi, l’avis de la commission des investissements est étendu aux projets d’investissements publics d’infrastructures d’intérêt général. De plus, la CMP a prévu que, si le conseil de surveillance décide de passer outre un avis défavorable de la commission des investissements, celui-ci doit motiver sa décision.
S’agissant des exonérations de cotisations sociales pour les employeurs de gens de mer, le fameux système net wage, le texte adopté par la commission mixte paritaire permet également d’aboutir à une rédaction équilibrée.
Les exonérations prévues pour le pavillon RIF sont élargies au pavillon du premier registre. C’est une mesure très importante pour la compétitivité et l’emploi de l’armement français.
Concernant la flotte stratégique, la commission mixte paritaire a reconnu aux armateurs la possibilité de se regrouper. Par ailleurs, le texte n’impose plus d’obligation de souscrire des contrats de couverture portant à la fois sur le pétrole brut et raffiné. Cette faculté est toutefois prévue dans le cadre de la capacité de transport, de même que la possibilité de recourir à des navires de moins de 20 000 tonnes. À cet égard, j’ai en mémoire la mise en garde du Gouvernement portant sur les difficultés juridiques posées par ce dispositif. Cette rédaction, moins stricte, nous permettra, me semble-t-il, de passer sous les fourches caudines de la Commission européenne.
Pour ce qui concerne l’extension des activités privées de protection des navires, le texte de la CMP autorise le recours aux sociétés privées de protection de navires au-delà de la mer territoriale s’il y a une menace d’actes de terrorisme. Là encore, j’observe une manifestation de la volonté de compromis de la CMP. Ainsi, le zonage encadrant le dispositif en matière d’actes terroristes est supprimé. Toutefois un décret déterminera les types de navires non éligibles ; il faudra donc attendre pour pouvoir juger du caractère opérant du dispositif.
Enfin, je me félicite de la suppression de la mesure relative au service minimum dans les transports maritimes. Il n’était absolument pas opportun de la mettre en place de cette manière. Si l’on souhaite vraiment faire une comparaison avec les transports terrestres, il faut aller jusqu’au bout ; le service minimum dans ce domaine avait été mis en place à la suite d’accords d’entreprise, le terrain avait donc été préparé. Ce n’est pas du tout le cas en matière maritime.
Sécurité maritime, gouvernance portuaire, infractions de pêche, exonérations de charge, je n’ai évoqué que les principaux points de ce texte, qui en comportent beaucoup d’autres. Monsieur le secrétaire d'État, nous savons que nous pouvons compter sur l’engagement du Gouvernement pour suivre la mise en application des dispositions prévues dans ce texte, qui est essentiel pour la construction concrète de la croissance bleue.
Pour toutes les raisons que je viens d’exposer, le groupe socialiste et républicain votera en faveur de ce texte équilibré, qui contribue au renforcement de la compétitivité de notre économie maritime.