Il est nécessaire, avant de vous présenter nos conclusions plus dans le détail, de faire un point sur ce qu'est une maison d'assistants maternels. Par dérogation au principe qui veut qu'un assistant maternel exerce à son domicile, le président du conseil départemental peut autoriser le regroupement de plusieurs professionnels, quatre au maximum, dans un local adapté. Bien que les assistants maternels créent généralement une association, ce local n'est pas considéré comme un établissement d'accueil du jeune enfant (EAJE) et l'accueil reste individuel, chaque assistant maternel étant salarié de particuliers employeurs et rémunéré directement par les parents. Comme dans le cas de l'accueil à domicile, chaque assistant maternel est agréé par le président du conseil départemental pour accueillir un nombre d'enfant dont le nombre est fixé par l'agrément et ne peut dépasser quatre simultanément. Le nombre d'enfants accueillis dans une MAM ne peut donc jamais dépasser seize.
Toutefois, le mode de fonctionnement d'une MAM s'approche, à certains égards, de celui d'un accueil collectif. Ainsi, le code de l'action sociale et des familles permet à chaque parent d'autoriser l'assistant maternel qui accueille son enfant à déléguer cet accueil aux autres assistants maternels. Il est toutefois précisé que le nombre d'enfants présents dans la MAM à un moment donné ne peut jamais excéder le nombre d'enfants que les assistants maternels sont autorisés à accueillir compte tenu de leur agrément. La délégation ne peut en outre conduire à ce qu'un assistant maternel effectue un nombre d'heures inférieur à celui qui est prévu à son contrat.
Dans les faits, la délégation d'accueil permet d'élargir les amplitudes horaires de la MAM en organisant une arrivée et un départ échelonné pour prendre en compte les horaires parfois atypiques des parents. La délégation est également fréquemment utilisée pour permettre l'organisation d'activités ou de sorties regroupant les enfants par âge.
Les dispositions législatives encadrant les MAM sont donc relativement légères, et les services départementaux de PMI jouent un rôle essentiel dans l'appréciation des conditions d'accueil et la délivrance des agréments.
Dans ce cadre juridique souple, le mode de fonctionnement varie fortement d'une maison d'assistants maternels à l'autre, en fonction des choix des assistants maternels et des directives des services de PMI.
Ainsi, nous avons visité des MAM nées d'un projet collectif porté par les assistantes maternelles elles-mêmes et d'autres où c'est la commune qui a pris l'initiative, recherchant des assistants maternels et en les mettant en relation avec les parents.
Pour certaines professionnelles, l'exercice en MAM s'inscrit dans le prolongement d'une activité antérieure en lien avec l'accueil du jeune enfant alors que d'autres ont opéré une réorientation professionnelle complète. Enfin, le local peut être mis à disposition par une commune ou louée par les assistants maternels. On nous a même fait part du cas d'assistants maternels qui ont créé une SCI afin de faire construire un local.
Ce mode d'accueil présente de nombreux avantages, tant pour les enfants et leurs parents que pour les assistants maternels et suscite l'intérêt des pouvoirs publics.
Pour les enfants, la maison d'assistant maternel offre un cadre adapté et sécurisé, souvent plus que ne peut l'être un logement privé. L'accueil de l'enfant est nettement plus personnalisé que dans un établissement dans lequel le taux d'encadrement est d'un adulte pour cinq voire huit enfants. En même temps, la MAM favorise la socialisation de l'enfant en lui permettant de côtoyer un groupe d'enfants de son âge.
Les amplitudes horaires élargies permises par la délégation d'accueil et la relation personnelle qu'ils peuvent développer avec l'assistant maternel sont un gage de souplesse pour les parents. De plus, alors que les cas, de mauvais traitements infligés à des enfants par des assistants maternels, rares mais abondamment relayés dans les médias peuvent rendre les parents réticents à l'idée d'opter pour ce mode d'accueil, la présence d'une équipe tend à les rassurer et à limiter les risques.
Le succès des MAM s'explique en grande partie par les avantages qu'y voient les professionnels eux-mêmes. Ainsi que nous l'ont répété les assistantes maternelles que nous avons rencontrées, le travail en groupe permet des échanges de bonnes pratiques et contribue à rompre l'isolement que peuvent ressentir celles qui travaillent à leur domicile. Surtout, alors que le travail à domicile, principalement celui des femmes, est parfois regardé comme du travail domestique, l'exercice sur un lieu dédié, avec des collègues de travail, valorise leur activité aux yeux de la société et des parents qui les emploient. L'attrait de ce modèle réside aussi, pour les personnes qui ont travaillé dans un EAJE, dans la taille réduite de l'équipe et de l'absence de hiérarchie administrative. L'exercice en MAM est enfin un moyen de favoriser la professionnalisation des assistants maternels, notamment en leur permettant, grâce à l'utilisation de la délégation d'accueil, d'accéder à des formations qui ne sont pas ou peu envisageables dans le cas de l'exercice à domicile.
Le développement des MAM retient l'attention des pouvoirs publics en raison de son faible coût. Il revient en effet nécessairement moins cher à une commune de susciter l'ouverture d'une MAM, le cas échéant en la subventionnant financièrement ou en nature, que d'assumer les coûts de création et, surtout, de fonctionnement d'une micro-crèche. Le coût global de l'accueil par un assistant maternel, partagé entre l'Etat, la Cnaf et les parents est nettement inférieur au coût de l'accueil en EAJE, même s'il est vrai que la part supportée par les parents ne l'est pas forcément.
Enfin, l'intérêt que portent les pouvoirs publics aux MAM vient du potentiel de création de places que ce mode d'accueil nouveau permet d'espérer, bien que cet effet soit encore difficilement mesurable. D'une part, l'exercice sur un lieu dédié peut permettre de lever une partie des contraintes liées au logement personnel qui empêchent certains candidats d'obtenir un agrément ou limite le nombre d'enfants qu'ils sont autorisés à accueillir. D'autre part, certaines des assistantes maternelles que nous avons pu rencontrer n'auraient jamais envisagé de se lancer dans la profession d'assistant maternel à domicile mais ont été séduites par l'idée de l'exercer en équipe. Le développement de ce mode d'exercice de la profession est donc de nature, sinon à inverser au moins à ralentir la tendance à la diminution du nombre d'assistants maternels.
Ces avantages expliquent en grande partie le développement assez spectaculaire des maisons d'assistants maternels depuis 2010. S'agissant de projets privés qui ne font pas nécessairement l'objet d'un recensement, il est difficile d'obtenir des chiffres fiables sur le nombre de MAM ouvertes. Toutefois, la Cnaf estimait le nombre de MAM à 235 en juin 2011, puis 881 en 2013 et plus de 1 200 en 2014. Selon les données communiquées par l'association nationale de regroupements d'associations de maisons d'assistants maternels (Anramam), qui effectue un important travail de recoupement, 1 267 MAM étaient ouvertes au début l'année et 1 430 étaient à l'état de projet. Selon les retours que nous avons pu avoir, les cas de fermeture d'une MAM demeurent exceptionnels.
Ce développement s'accompagne toutefois d'une grande disparité entre les territoires. Les regroupements d'assistants maternels sont issus d'une expérimentation locale, démarrée dans le département de la Mayenne grâce à la volonté d'acteurs associatifs qui ont su obtenir le soutien des élus locaux. Les MAM se sont d'abord développées dans les départements du grand ouest, notamment la Loire-Atlantique ou encore le Maine-et-Loire. L'effet « tâche d'huile » est toutefois largement dépassé et on constate que le modèle se propage maintenant à l'ensemble du territoire. A notre connaissance, il n'y a plus aujourd'hui de département dans lequel aucune MAM n'a été créée. Néanmoins, le développement des MAM sur un territoire peut être fortement freiné lorsque les services départementaux, par prudence ou par méfiance, imposent des exigences excessives qui compliquent l'ouverture de maisons d'assistants maternels.
Afin de rassurer les acteurs qui demeurent réticents et de promouvoir les bonnes pratiques de manière à permettre un développement sur l'ensemble du territoire des maisons d'assistants maternels, la secrétaire d'Etat, puis ministre, chargée de la famille a souhaité donner une impulsion nationale.
Une réflexion associant notamment les administrations de l'Etat, les services de différents départements, la Cnaf et les acteurs associatifs a ainsi été lancée à la fin de l'année 2015. Cette réflexion a débouché sur l'élaboration d'un guide pratique à l'attention des porteurs de projets comme des services de protection maternelle et infantile (PMI). Ce guide fait le point sur la règlementation applicable et établit un référentiel visant à généraliser des pratiques sécurisées et fonctionnelles.
Parallèlement, et alors qu'elle avait émis des réserves au moment du vote de la loi de 2010, la Cnaf a décidé en décembre 2015 de mettre en oeuvre une aide au démarrage destinée à aider financièrement les porteurs de projets. Cette aide financière s'accompagne de l'élaboration d'une charte de qualité et s'inscrit dans une volonté d'impliquer les Caf locales dans l'accompagnement des porteurs de projets.
L'assemblée des départements de France (ADF), dont nous avons rencontré des représentants, nous a également indiqué souhaiter mettre en place des éléments de communication à destination de ses membres.
Ainsi, mes chers collègues, si certains d'entre vous connaissaient encore peu ou mal le concept des maisons d'assistants maternels, il est probable que ce dernier vous soit plus familier dans les années à venir et que vous en rencontriez de plus en plus souvent dans vos territoires.