Au regard de ce bilan contrasté, la première piste que nous aurions pu emprunter était celle de la suppression du FSV. Cette piste nous est rapidement apparue comme une fausse route.
Le principal avantage que présente la suppression du FSV aurait été de simplifier les mécanismes de financement de l'assurance vieillesse en supprimant un intermédiaire. La perte de lisibilité du FSV et la persistance de son déficit font qu'il est aujourd'hui difficile de comprendre son rôle. Son existence permet même de masquer le déficit de la branche vieillesse. La difficulté à mettre en oeuvre le principe de la distinction au sein des dépenses de retraite pourrait conduire à remettre en cause l'idée qu'elle soit incarnée par un organe administratif extérieur aux régimes.
Deux éléments nous ont cependant conduits à privilégier la piste du maintien du FSV recentré sur sa mission initiale.
Il nous semble tout d'abord important, malgré les difficultés techniques qui ont été soulignées, de maintenir incarnée la distinction entre les dépenses de solidarité et les dépenses contributives afin de mettre en exergue le rôle très important de redistribution que jouent les retraites en France.
Ces dépenses de solidarité sont de trois types :
- les droits familiaux de retraite, qui renvoient à l'ensemble des avantages retraite procurés par la situation familiale. Ils doivent être financées par la Cnaf ;
- les mesures de solidarité professionnelle qui s'appuient sur l'existence d'une pension de retraite contributive, comme le Mico. Elles doivent être prises en charge directement par les régimes ;
- enfin, les dépenses de solidarité que nous appelons dans le rapport « coeur de système », qui se limitent au minimum vieillesse et à la prise en charge des cotisations pour périodes assimilées et qui doivent être financées par le FSV.
Au regard de l'importance que ces deux types de dépenses jouent dans le niveau de vie des retraités les plus modestes et des enjeux financiers considérables qu'elles représentent (16 milliards d'euros en 2016), il nous semble essentiel de maintenir un circuit de financement facilement identifiable par l'intermédiaire d'un fonds, permettant un meilleur contrôle démocratique les concernant.
C'est en effet le deuxième élément qui nous conduit à proposer le maintien du FSV. Il permet, d'une part, un contrôle parlementaire renforcé sur les dépenses qui sont à sa charge et d'autre part, une bonne information des partenaires sociaux dans le cadre du comité de surveillance.
Ces deux principes étant posés, nous formulons neuf propositions dans ce rapport parmi lesquelles deux sont particulièrement importantes.
La première vise à recentrer le FSV sur sa mission de financement des seules dépenses « coeur de système », c'est-à-dire sa mission d'origine : l'ASPA et la prise en charge des cotisations des périodes assimilées.
Cette proposition signifie concrètement supprimer la section 2 du compte du FSV à la fois dans ses dépenses et ses recettes. Elle a pour conséquence de basculer le financement du Mico directement auprès des régimes de base avec les recettes actuelles de la section 2 qui sont largement insuffisantes (3,5 milliards de dépenses pour 500 millions de recettes environ).
Cette proposition constitue donc l'« opération vérité » sur les comptes de la branche vieillesse évoquée en introduction : les régimes de base renouent avec un déficit d'environ 2,1 milliards d'euros (3 milliards d'euros de charges supplémentaires que composerait en partie l'excédent actuel de 900 millions d'euros). L'affichage est certes moins plaisant mais il correspond plus à la réalité, au regard du caractère largement théorique des dépenses du fonds.
Bien évidemment, les solutions à apporter à ce déficit ont constitué un point de divergence, le seul d'ailleurs, entre vos deux rapporteurs. Le Gouvernement soutient que la mise en oeuvre, à partir de 2020, de l'allongement de la durée de cotisation prévu dans la réforme de 2014 suffira à remettre à l'équilibre le système de retraites, qui bénéficiera par ailleurs de l'accord sur les régimes complémentaires. La majorité, au sein de cette commission, considère que ce ne sera pas suffisant et qu'un nouveau recul de l'âge légal s'avère nécessaire. J'ai soutenu l'idée, à l'automne dernier lors de la discussion du PLFSS, de repousser d'un an l'âge légal pour le porter à 63 ans. Cette mesure me semble suffisante et socialement acceptable. La question de l'équilibre des régimes de retraite est déjà au centre des débats dans la perspective des rendez-vous électoraux de 2017. Ce n'était pas l'objet de ce rapport de la trancher.
La deuxième proposition ambitieuse tient à la présentation des comptes du FSV au sein de la LFSS. Nous tenons à ce que la représentation nationale puisse formellement voter chaque année sur les comptes du fonds.
En revanche, l'article présentant les tableaux d'équilibre de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et du régime général de sécurité sociale doit désormais évoluer afin d'intégrer une rubrique « FSV ». Le Parlement doit pouvoir délibérer et voter sur des tableaux d'équilibre consolidés alors qu'il ne s'exprime pour l'instant que sur les comptes des régimes de base et ensuite sur ceux du FSV. Nous reprenons ici une proposition constante de la Cour des comptes, formulée chaque année dans son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.
Un premier pas a été franchi, dans le dernier PLFSS, avec la présentation d'un tableau consolidé des comptes de la sécurité sociale dans l'annexe 4. Il faut désormais aller plus loin. Cette proposition permettrait de mettre un terme à la présentation des comptes de la sécurité sociale « hors FSV », largement reprise par la presse et qui n'a pas véritablement de pertinence.
Au-delà de ces deux propositions et outre la demande de rapport déjà évoquée, nous proposons qu'après la suppression de la section 2, les recettes et les dépenses du FSV puissent être stabilisées. Cette stabilité doit permettre de conserver la logique du fonds qui est d'assurer, avec des recettes suffisantes, le financement des dépenses au coeur du système de solidarité des retraites. Cette préconisation est évidemment suspendue aux évolutions futures du contentieux entre la France et les institutions européennes à propos des prélèvements sociaux sur les revenus du capital.
De même, nous souhaitons que soient réunis le plus rapidement possible le conseil d'administration et le comité de surveillance pour qu'ils puissent délibérer à la fois sur la réforme administrative en cours mais également sur les propositions que nous formulons. Nos auditions nous ont permis de mesurer la volonté des partenaires sociaux de reprendre leurs travaux au sein du comité de surveillance.
J'ai souvent assimilé le FSV à une « dépanneuse » pour expliquer comment les gouvernements successifs l'avaient utilisé pour financer des mesures qu'ils ne pouvaient faire porter aux régimes ou pour lui prendre une recette destinée à combler le déficit d'une autre branche de la sécurité sociale.
J'espère que ce rapport contribuera à sortir le FSV de cette image pour rendre enfin lisible et stable le circuit de financement de la solidarité dans le système de retraites, solidarité qui constitue, pour notre pays, un effort aussi important que nécessaire à l'égard des personnes âgées les plus modestes.