Intervention de Francesco Leone

Commission d'enquête Chiffres du chômage — Réunion du 31 mai 2016 à 18h15
Audition de M. Francesco Leone conseiller économique de l'ambassade d'italie

Francesco Leone, conseiller économique de l'ambassade d'Italie :

Un constat général, tout d'abord. J'ai eu la chance de participer à une conférence très intéressante sur les réformes des marchés du travail en Europe, organisée, voilà deux mois, autour des travaux du Conseil d'orientation pour l'emploi. Le travail d'analyse exceptionnel qui a pu être mené dans ce cadre démontre, selon moi, une chose : au-delà des spécificités de chaque pays, la nécessité de réformer le marché de l'emploi est commune à tous les partenaires européens, particulièrement aux membres de la zone euro.

En revanche, le « timing » peut différer selon les pays. En Italie, les effets définitifs du Jobs Act se feront sentir d'ici à deux ans, mais on parle de réforme du marché du travail depuis les années quatre-vingt-dix.

Celle-ci a été opérée selon quatre étapes : l'importante réforme dite « Treu » de 1998, ayant conduit à la création des formes atypiques de CDD que nous essayons aujourd'hui de supprimer ; la réforme dite « Biagi » de 2003, introduisant les premiers éléments d'une négociation décentralisée au niveau de l'entreprise ; la réforme de 2012 du gouvernement Monti, très débattue en Italie, car elle était liée à une réforme ambitieuse du système de retraites ; le Jobs Act de Matteo Renzi, initié en 2014, qui aboutit aujourd'hui.

Le conseil des ministres italien se tient actuellement au palazzo Chigi et, parmi les sujets débattus aujourd'hui, se trouve précisément la question de la pérennisation des incitations fiscales. À cet instant, je ne suis pas en mesure de vous communiquer les orientations retenues.

Nous cherchons à pérenniser les incitations positives, la réforme ayant pour principe fondamental de favoriser les approches incitatives, au détriment des approches pénalisantes. On préférera donc rendre le CDI plus attractif, plutôt que d'appliquer aux CDD des mesures dissuasives. Mais cette politique n'est pas neutre sur un plan budgétaire et suppose une évolution favorable des finances publiques.

C'est une question largement débattue en Italie, mais également très regardée par la Commission européenne. Celle-ci livre une analyse approfondie de la question des marchés du travail, dont dix pages sont consacrées à une première évaluation de la réforme du marché du travail italien.

Pour elle, le plus intéressant dans le cas italien, c'est la révision des règles s'appliquant aux licenciements injustifiés. Cette révision permet d'introduire un élément de certitude pour les employeurs et pour les employés - mais nous n'avons pas, en Italie, votre tradition des conseils de prud'hommes - et une forme de rupture conventionnelle - elle existe déjà dans votre système.

En France, la réforme du marché du travail et du dialogue social est également une tâche permanente, à laquelle chaque gouvernement s'attelle. J'ai donc grand plaisir à suivre le débat actuel, tout comme, conseiller économique à notre ambassade de Berlin, j'avais suivi avec intérêt les débats de 2004, en Allemagne, sur les réformes Hartz menées sous le gouvernement de Gerhard Schröder.

Les discussions parlementaires n'avaient pas été évidentes, à une époque où l'Allemagne, avec 4 millions de chômeurs, était l'homme malade de l'Europe, et de fortes dissensions avaient vu le jour au sein du SPD. D'après moi, le véritable déclencheur des réformes avait été l'acceptation par le syndicat IG Metall, dans le cadre d'une négociation décentralisée, d'une augmentation des heures de travail sans hausse de salaire.

Mon message principal, conforme au devoir de neutralité qui m'incombe, est donc celui-ci : la réforme du marché du travail reste une tâche permanente pour tous les grands pays européens.

Dès 2012, en accord avec le gouvernement français, nous avons proposé l'organisation, au niveau des chefs d'État ou de gouvernement européens, de sommets annuels sur l'emploi. L'Europe est quelque peu limitée en ce domaine par la méthode ouverte de coordination et, de fait, les questions liées aux marchés du travail restent de la stricte compétence des gouvernements nationaux.

Nous aurions à gagner à échanger les bonnes pratiques, même si des transpositions automatiques ne seraient probablement pas envisageables -je ne sais pas si toutes les composantes de la réforme italienne pourraient être exportées. Il serait difficile, notamment compte tenu de facteurs linguistiques, de parvenir à mettre en oeuvre une politique unifiée de l'emploi, mais on peut certainement faire plus dans chaque pays, en analysant les effets des réformes conduites chez ses voisins.

Ainsi, et c'est indiqué en dernière page de l'analyse de la Commission européenne, nous avons constaté une fuite de la main-d'oeuvre qualifiée vers des pays, notamment l'Allemagne, qui avaient introduit des réformes ambitieuses du marché du travail.

S'agissant de l'économie informelle, les 14 décrets d'application de la loi comprennent aussi des instruments destinés à décourager le travail au noir.

Nous avons décidé de mieux cibler notre système de jobs vouchers, ces bons visant à faciliter la transition entre économie informelle et économie formelle, notamment dans le secteur touristique et l'économie domestique. Les sanctions en cas d'abus ont été renforcées. Nous avons enfin rationalisé, à l'échelle locale, notre dispositif d'inspection générale du travail, qui a fait face, dans les années deux mille, à une forte réduction de ses effectifs. Nous sommes bien conscients que nous devons faire plus, notamment dans les régions du sud de l'Italie.

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