La principale nouveauté réside dans l’introduction du paragraphe 8.9, relatif au « droit à réguler » des parties. L’alinéa 8.9.1 justifie le droit à réguler par la poursuite d’objectifs politiques « légitimes », notion parfaitement subjective et indéfinie. Confier la détermination de la légitimité d’un acte politique à un tribunal d’arbitres inféodés au monde des affaires présage des pires décisions pour l’intérêt général.
De plus, les PME n’auront pas davantage accès à ce nouveau système, même si l’introduction de quelques éléments mineurs est censée le permettre, et le système juridictionnel des investissements ne pourra pas non plus empêcher les cas les plus flagrants devenus emblématiques des torts et injustices du mécanisme de règlement des différends. Quel que soit le nom qu’on lui donne, ce système est à nos yeux antidémocratique, dangereux, injuste et partial. Il est grand temps que nous commencions à tracer un chemin vers des échanges commerciaux véritablement équitables.
Autre motif d’inquiétude, ces dispositions relatives au règlement des différends entre investisseurs et États donnent aux entreprises le moyen d’attaquer une mesure de politique publique estimée néfaste à leurs profits ou simplement d’exercer une pression sur celle-ci.
Cela est particulièrement inquiétant pour nos réglementations environnementales. L’érosion réglementaire apparaît comme un risque direct de la mise en œuvre de plusieurs types de mesures et dispositions du traité.
Si les chapitres 23 et 24 constituent la justification sociale et environnementale du traité, que l’Union européenne a toujours « vendu » comme la résultante d’une approche globale, intégrant le commerce dans un cadre plus large de « développement durable », ils encouragent beaucoup plus qu’ils n’encadrent, malheureusement ! Les multiples recommandations sur la reconnaissance des grands instruments du droit international de l’environnement, la promotion du respect des normes internationales du travail et de l’environnement, l’encouragement à utiliser les systèmes volontaires de labellisation ne sont accompagnées d’aucun dispositif contraignant ou instrument de contrôle.
À l’heure où l’accord de Paris sur le climat suscite un écho important au sein de la communauté internationale, il est tout de même regrettable que cet accord ne soit pas plus ambitieux dans ce domaine.
Les gouvernements qui veulent honorer leurs engagements devront limiter l’extraction et le commerce d’énergies fossiles par des lois et des réglementations puissantes. Or l’accord privera l’Union européenne et ses États membres de la possibilité de recourir à ces instruments politiques dès lors que le Canada et ses entreprises seront concernés.
L’ouverture d’un réel débat public sur l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada est une urgence. Il ne faudrait pas que l’incontournable implication des Parlements nationaux ne soit qu’un mythe utilisé par le Gouvernement pour calmer les critiques.