Intervention de Jean Bizet

Réunion du 9 juin 2016 à 15h00
Accord économique et commercial entre l'union européenne et le canada — Débat organisé à la demande du groupe crc

Photo de Jean BizetJean Bizet :

Il en va de même de la nouvelle disposition concernant le règlement des différends entre investisseurs et États. L’article 8 de l’accord intègre pleinement les principes d’une professionnalisation des juges-arbitres, d’un mécanisme d’appel, de la transparence des procédures, du rejet d’emblée des procédures abusives. Dans un cadre juridique renforcé qui réaffirme la souveraineté totale des États pour légiférer, le principe d’une future cour arbitrale permanente est explicitement mentionné dans l’accord, là aussi en phase avec la réforme du mécanisme de l’ISDS proposée par la Commission européenne sur la base de la proposition franco-allemande.

L’accord ouvrira notamment des possibilités nouvelles aux entreprises européennes de services, ainsi qu’à nos entreprises candidates aux marchés publics canadiens. Sur ce dernier point, une inquiétude s’exprime régulièrement s’agissant d’un accord conclu, comme le PTCI, le partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement, avec un État fédéral : en matière de marchés publics, les provinces seront-elles tenues, ou non, de se conformer aux dispositions ratifiées par l’État fédéral ?

Dans le cadre de notre groupe de suivi des négociations commerciales, qui réunit les commissions des affaires économiques et des affaires européennes, nous avons entendu récemment un représentant de l’industrie canadienne. Il nous a assurés de la détermination de l’ensemble des provinces canadiennes à adhérer aux prescriptions du traité. Nous sommes prêts à croire à sa sincérité, mais pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous donner des assurances complémentaires sur ce point ? Je suis Normand : une grande confiance n’exclut pas une petite méfiance…

Enfin, se pose la question du traitement réservé à nos produits agricoles et agroalimentaires sensibles, en particulier la viande bovine. Le contingent d’exportation de 50 000 tonnes de viande bovine non OGM accordé au Canada est une concession qui peut en inquiéter certains. Il faut la mettre en balance avec les ouvertures dont plusieurs productions agroalimentaires européennes et françaises pourront bénéficier sur le vaste marché canadien.

Sur cette question concernant le secteur des viandes, monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de me déplacer un instant vers le sud du continent américain pour vous interroger sur un point des négociations avec les pays du Mercosur, qui viennent de reprendre : la viande bovine sera-t-elle ou non exclue des négociations, comme l’information en a été donnée récemment ? Ce serait là un signal positif à l’endroit des professionnels d’un secteur que l’on sait lourdement fragilisé.

L’AECG représente ce que peut être un accord équilibré, qui respecte les principales « lignes rouges » que nous ne voulons pas voir transgresser. Il devrait être un exemple pour le futur accord transatlantique. Pour cela, il faut du temps. L’accord avec le Canada a nécessité cinq années de négociations ; pour le PTCI, elles ont commencé il y a à peine trois ans : laissons donc aux négociateurs le temps d’établir les bases d’un traité équitable, aux concessions réciproques équilibrées, ce qui n’est pas encore tout à fait le cas.

L’AECG ne doit pas être perçu comme la tête de pont d’un partenariat commercial transatlantique aujourd’hui diabolisé. Au contraire, il doit être, comme l’accord de libre-échange passé avec le Viêt Nam, un référent utile, équilibré, permettant à l’Union européenne et à ses citoyens de protéger leurs préférences collectives, tout en offrant des ouvertures commerciales intéressantes dans des secteurs clés de nos économies.

Au moment où les négociations commerciales multilatérales sont au point mort à l’OMC – on ne peut que le regretter –, ces accords de libre-échange de nouvelle génération sont la seule voie qui permette de décloisonner certains de nos secteurs industriels ou de services, de valoriser nos PME, de réduire les surcoûts administratifs et réglementaires des transactions. Ils sont aussi le seul moyen d’harmoniser des normes, mais selon le critère de l’exigence la plus élevée, et à condition que l’Union européenne, soutenue par les États membres, sache se montrer forte et déterminée. Il n’y a pas de « plan B ». Il va sans dire que le Sénat, qui s’est largement investi sur ce sujet, saura être au rendez-vous de l’efficacité, pour le développement de nos territoires.

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