Monsieur le président du Sénat, je m’associe aux mots justes que vous venez de prononcer au sujet de la lâche tuerie d’Orlando. Nos pensées vont bien sûr aux victimes, à leurs familles, et nous sommes solidaires des États-Unis dans cette terrible épreuve. Le terrorisme touche tout le monde ; seule une coopération internationale étroite permettra de l’enrayer.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis de voir s’ouvrir aujourd’hui, au sein de la chambre haute, le débat sur le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs.
Je veux d’abord saluer, malgré nos divergences de fond, la qualité du travail accompli par MM. les rapporteurs. Croyez bien que je me présente devant vous avec une volonté de pédagogie, un souci du dialogue et une force de conviction intacts. J’attends beaucoup de l’esprit de tempérance et de sagesse qui caractérise les discussions au sein de cette assemblée pour nourrir un débat, bien sûr constructif, mais également sans faux-semblants, quant à ce qui nous distingue.
La majorité sénatoriale a en effet choisi de faire écho à des projets défendus en dehors de cet hémicycle et tournés vers une échéance qui dépasse le cadre de l’examen de ce texte. La rédaction adoptée par la commission des affaires sociales du Sénat va donc nous offrir l’occasion d’exposer avec la plus grande clarté, devant les Français, deux conceptions du monde du travail et du dialogue social. À ceux qui nient l’existence d’un clivage entre la gauche et la droite, la majorité sénatoriale vient d’apporter un démenti explicite.
Nos divergences portent d’abord sur le diagnostic que nous portons sur la situation de notre pays.
Admettons que la France de 2016 est une société moins hiérarchisée, plus souple et plus ouverte sur le monde qu’elle ne l’a jamais été. Entendons qu’elle réclame davantage de liberté et d’autonomie, au niveau tant des entreprises que des individus. Cette aspiration, nous voulons y répondre en encourageant la mobilité sociale, l’esprit d’innovation et la croissance.
Mais la société de 2016 n’a pas pour autant renoncé aux idéaux de solidarité. Si elle réclame légitimement que notre modèle social se modernise pour répondre aux défis sociaux de notre époque, elle fait toujours de la fraternité une valeur cardinale. Notre priorité n’est donc pas seulement d’encourager le dynamisme économique, mais aussi et surtout de lutter contre une précarité croissante, subie par ceux qui ne parviennent pas à accéder à l’emploi stable.
Aujourd’hui, 90 % des recrutements se font en CDD dans notre pays, dont la moitié pour une durée inférieure à une semaine. Derrière ces chiffres, il y a un grand nombre de nos concitoyens, les moins qualifiés, les jeunes et les femmes, qui alternent, de façon souvent durable, CDD, petits boulots, intérim et périodes de chômage. C’est notamment pour eux que nous défendons un projet de loi dont l’objet est de stimuler l’activité économique et de favoriser l’accès à l’emploi durable.
C’est certainement cette part du diagnostic que la majorité sénatoriale a choisi d’ignorer en encourageant un fractionnement croissant du temps partiel, en supprimant l’extension de la Garantie jeunes, le compte engagement citoyen ou encore les droits des collaborateurs de plateformes numériques.
Si nous reconnaissons volontiers, sans forcément partager toutes les propositions formulées, la qualité du travail que vous avez réalisé, notamment sur la question de l’apprentissage, force est de constater que, sur l’ensemble du texte, sur sa philosophie même, une volonté de surenchère a prévalu et a conduit à mettre à bas l’édifice équilibré que nous avions construit au cours des mois précédents. J’y reviendrai.
En toute logique, nos divergences s’affichent également au travers des objectifs que nous nous donnons. Notre volonté est de concevoir des solutions nouvelles pour rendre le monde du travail plus dynamique, mais aussi plus inclusif et plus protecteur.
Le projet de loi, tel qu’il était rédigé à l’issue de son adoption par l’Assemblée nationale, …