Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, Jean-Baptiste Lemoyne, Michel Forissier et moi-même nous sommes efforcés d’adopter une approche essentiellement pragmatique pour l’examen de ce projet de loi.
En effet, il n’est pas utile d’introduire dans la loi de belles constructions intellectuelles ou juridiques si celles-ci ne doivent avoir aucune traduction effective et positive pour les entreprises et les salariés, comme cela a été malheureusement le cas pour les accords de maintien de l’emploi, dispositif qui, depuis sa création voilà trois ans, n’a trouvé qu’une dizaine de fois à s’appliquer concrètement.
Pour atteindre l’objectif d’une économie créatrice de richesses et d’emplois, l’efficacité commande de permettre aux entreprises de s’adapter à une concurrence mondialisée et d’être plus réactives, grâce à un environnement législatif et réglementaire plus simple et plus souple. Cette approche est très largement partagée au sein de l’ensemble de la majorité sénatoriale, qui aborde ce débat unie sur l’essentiel.
Ce souci de simplicité et de souplesse dans l’élaboration de la loi s’est notamment traduit, pour les articles qu’il me revient de rapporter, par la suppression ou la contraction d’un certain nombre de dispositifs d’un intérêt assez discutable, à l’exception notable de ceux qui concernent les personnes handicapées.
Ainsi, la commission a tout d’abord supprimé l’article 27 bis, qui ébauche une responsabilité sociale des plateformes électroniques de mise en relation à l’égard des travailleurs indépendants qui collaborent avec elles. Sur un sujet aussi important, et alors même que des contentieux ont été engagés par l’URSSAF, nous pensons qu’un tel article est prématuré et préempte les conclusions d’une réflexion de fond, que nous appelons de nos vœux, sur le statut de ces travailleurs.
La commission a, en outre, supprimé l’article 29 bis A, introduit par l'Assemblée nationale, qui instaure une instance de dialogue au sein du réseau de franchise, considérant qu’il n’a fait l’objet d’aucune concertation préalable et qu’il entre en contradiction frontale avec le principe même de la franchise, sachant qu’il n’y a aucun lien de subordination entre les salariés des franchisés et les franchiseurs.
S’agissant du licenciement économique, l’effort du Gouvernement visant à objectiver les causes le justifiant n’a guère convaincu, car il a débouché sur un dispositif peu sécurisant, aussi bien pour les salariés que pour les entreprises.
C’est pourquoi nous avons récrit l’article 30, pour poser le principe selon lequel les difficultés justifiant un licenciement économique doivent résulter de l’évolution concomitante de plusieurs indicateurs économiques et financiers.
Pour ne pas alourdir la loi et permettre une concertation avec les spécialistes et les employeurs, nous avons renvoyé à un décret en Conseil d’État le soin de définir ces indicateurs et de prévoir dans quelles conditions une baisse pourra être qualifiée de « significative », en tenant compte des spécificités des entreprises et de leur secteur d’activité.
Nous avons, en outre, défini dans la loi les situations évidentes dans lesquelles un licenciement économique sera présumé reposer sur une cause réelle et sérieuse : d’une part, en cas de baisse du chiffre d’affaires ou de l’encours des commandes d’au moins 30 % pendant un semestre par rapport à l’année précédente ; d’autre part, en cas de perte d’un marché représentant au moins 30 % de l’activité.
Si l’entreprise appartient à un groupe, l’appréciation des difficultés économiques, des mutations technologiques ou de la nécessité d’assurer la sauvegarde de sa compétitivité s’effectuera à l’échelon des entreprises du groupe exerçant dans le même secteur d’activité et implantées sur le territoire national.
Par surcroît, nous avons encadré les délais dans lesquels le juge devra statuer en cas de contestation du bien-fondé d’un plan de sauvegarde de l’emploi, en nous inspirant des règles prévues pour contester la décision de validation ou d’homologation d’un tel plan devant le juge administratif.
Nous avons enfin prévu que le juge ou l’une des parties pourra solliciter une expertise extérieure pour l’éclairer dans les litiges portant sur la réalité de la cause réelle et sérieuse d’un licenciement économique.
Ces précisions en termes de définitions et de procédure visent à réduire le nombre des contentieux.
La commission a, par ailleurs, réintroduit le plafonnement des indemnités octroyées par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, auquel le Gouvernement avait renoncé dans le projet de loi présenté à l’Assemblée nationale, tout en excluant bien entendu du champ de ce plafonnement certaines situations graves comme le harcèlement ou la discrimination.
Sur proposition de notre collègue Catherine Deroche, la commission a, en outre, supprimé le dispositif d’information préalable des salariés en cas de cession d’une entreprise, considérant qu’il était complexe, méconnaissait la vie des entreprises et pouvait nuire à la conclusion des transactions.
S’agissant de la réforme de la médecine du travail prévue à l’article 44, la commission regrette que le projet de loi tienne pour acquise la pénurie de médecins du travail, sans répondre au véritable problème que constitue le manque d’attractivité de cette profession.