Ne vous en déplaise, madame la ministre, le constat de l’absence criante de dialogue social est assez largement partagé sur nos travées. Vouloir défendre la constitutionnalité de ce texte relève d’une forme d’acharnement. Dans le peu de temps qui m’est imparti, je me contenterai de rappeler que si le principe de faveur en lui-même n’a pas de valeur constitutionnelle intrinsèque, il est reconnu par le Conseil constitutionnel comme un principe général du droit, ce qui donne compétence au législateur dans le domaine concerné, conformément à l’article 34 de la Constitution. Or cette compétence est mise à mal par votre texte.
Ce qui est choquant dans la logique suivie par le Gouvernement et l’hypothétique majorité qui soutient ce projet de loi, c’est l’inversion du raisonnement : la « gestion des affaires », comme on dit, justifie l’abandon de principes juridiques historiques qui ont démontré leur efficacité.
M. Sirugue, rapporteur du texte à l’Assemblée nationale et preux défenseur de celui-ci, disait en 2008, en présentant une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de M. Xavier Bertrand prévoyant l’inversion de la hiérarchie des normes en matière d’heures supplémentaires : « Cette seconde partie du texte est funeste pour le droit du travail. […] Votre texte ne va pas servir le cercle vertueux de la concurrence qui passe par la productivité, des efforts de productivité ou la place faite à l’innovation. Il va au contraire enclencher le cercle vicieux du dumping social entre des entreprises appartenant à la même branche professionnelle. »
« Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. » Mme la ministre, ce n’est pas moi qui le dis, mais le rapporteur de votre texte à l’Assemblée nationale, citant Lacordaire.
Comment ne pas sourire quand M. Lemoyne affirme que, « en 2008, la gauche a violemment rejeté la loi sur la démocratie sociale et, aujourd’hui, le Gouvernement vient sur nos lignes » ou que « l’article 2 est notre ADN » ?
Le groupe CRC refuse cette Sainte-Alliance pour la défense du libéralisme et appelle les parlementaires issus de la gauche à voter cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.