Intervention de Pierre Laurent

Réunion du 13 juin 2016 à 16h00
Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s — Question préalable

Photo de Pierre LaurentPierre Laurent :

Force est de constater, madame la ministre, que, à peine six mois plus tard, votre projet de loi tend à prévoir exactement l’inverse en matière de hiérarchie des normes et de régressions sociales. Il n’y a donc pas de procès en trahison de la gauche : les Français constatent simplement des faits !

Pour justifier ce retournement majeur, historique au regard du passé de la gauche, vous invoquez la « modernité ». À vous entendre, vous faites ces choix pour ne pas avoir à trancher entre le libéralisme à outrance de la droite et l’immobilisme de la gauche traditionnelle. La vérité, c’est que vous avez choisi l’immobilisme dans le libéralisme et que vous avez renoncé à réformer à gauche, c’est-à-dire dans le sens du progrès social !

Pensez-vous réellement que le compromis et le progrès consistent à permettre un droit social par entreprise, à flexibiliser les règles de licenciement, à autoriser les licenciements économiques sur la base d’une simple baisse du chiffre d’affaires d’un semestre ?

Au nom de l’emploi, vous cédez mesure après mesure aux exigences du MEDEF qui, après avoir obtenu 40 milliards d’euros sans aucune contrepartie et sans aucune création d’emploi, vous demande instamment de le débarrasser du code du travail.

Votre projet de loi, madame la ministre, est si peu éloigné de ce que souhaite la droite qu’il aura suffi à cette dernière de rétablir en commission le texte initial et d’y rajouter quelques dispositions.

Chers collègues socialistes, vous allez, je le sais, protester contre la surenchère de la droite, mais qui a ouvert la porte, qui a mis le doigt dans ce dangereux engrenage ? Une nouvelle fois, la droite va vous piéger, et vous vous prêtez à son jeu ! Elle prolonge la vie de ce texte, qui n’a pas réuni de majorité à gauche à l’Assemblée nationale, et elle vous pousse sciemment au recours au 49.3. Ainsi, le crime contre le code du travail sera commis sans que ses empreintes ne figurent sur l’arme du crime. Du grand art ! Elle espère revenir demain au pouvoir ; elle n’aura plus alors qu’à mettre ses pas dans les vôtres pour finir le sale boulot.

Les sénateurs du Front national se sont eux-mêmes engouffrés dans cette brèche, en déposant des amendements allant dans le sens d’une surenchère libérale. Ils les ont aussitôt retirés, par calcul politicien, mais le fait est là !

Vous le voyez, mes chers collègues, ce projet de loi n’est pas le fruit d’un bon compromis, comme l’affirme le Gouvernement. C’est une machine infernale qui inquiète et insécurise le pays. Ce ne sont pas les grèves qui doivent s’arrêter ; c’est la discussion de ce texte qui doit être stoppée !

Pour conclure, je vous livrerai la version complète de la citation de Maurice Thorez que beaucoup ont utilisée ces derniers temps : « Il faut savoir terminer une grève dès que la satisfaction a été obtenue. Il faut même savoir consentir au compromis si toutes les revendications n’ont pas encore été acceptées mais que l’on a obtenu la victoire sur les plus essentielles revendications. »

Aucune de ces conditions n’est aujourd’hui réunie ! Faut-il rappeler, en outre, que cette déclaration de Maurice Thorez intervenait alors que des accords venaient d’être signés pour étendre les congés payés et réduire la durée de la semaine de travail à 40 heures ?

C’est peut-être ceci qu’il conviendrait de méditer : la France est toujours sortie de la crise par la porte du progrès social, pas l’inverse !

Votez notre motion tendant à opposer la question préalable, mes chers collègues, et débarrassez-nous de ce projet régressif. Nous pourrons alors débattre utilement de la sécurisation de l’emploi, de la formation, de la réduction du temps de travail, de l’encadrement des salaires patronaux faramineux et de l’impunité zéro pour l’évasion fiscale.

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