Intervention de Dominique Watrin

Réunion du 13 juin 2016 à 16h00
Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s — Discussion générale

Photo de Dominique WatrinDominique Watrin :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, après un dialogue social tronqué, après l’utilisation passée et peut-être à venir du 49.3 à l’Assemblée nationale, le débat parlementaire qui s’engage au Sénat sur le projet de loi Travail risque d’être unique. Il en suscite d’autant plus l’intérêt des Français, à la veille d’une grande manifestation nationale pour exiger son retrait, dans le cadre d’un mouvement de contestation et de grèves qui a mobilisé des millions de Français et qui perdure sans faiblir depuis trois mois.

Ma première attention sera pour ceux qui souffrent le plus de la situation de l’emploi. Je veux parler des jeunes en rupture, des jeunes en galère ; des jeunes instruits, souvent qualifiés, mais soumis au bizutage social des CDD à répétition et de l’intérim.

Madame la ministre, vous nous parlerez – vous l’avez d’ailleurs déjà fait – de la généralisation de la Garantie jeunes, de droits nouveaux à la formation pour les jeunes décrocheurs ou de la prolongation des bourses universitaires. Ces mesures ont été saluées positivement par l’Union nationale des étudiants de France, l’UNEF, et l’Union nationale lycéenne, l’UNL.

Mais, très franchement, croyez-vous que c’est en rendant plus flexibles les CDI, en faisant des salariés des variables d’ajustement encore plus souples des stratégies financières des grands groupes, en rendant les contrats de travail modifiables à merci, et même jetables, que vous combattrez la précarité et redynamiserez l’économie ?

Notre rejet de votre projet de loi s’appuie d’abord sur la justification que vous affichez de son utilité et de sa nécessité. Selon vous, il y aurait un lien de causalité entre degré de rigidité supposée du code du travail et chômage. C’est votre droit d’adhérer à cette logique, plutôt libérale, il est vrai. Mais même l’OCDE a fini par conclure qu’il n’était pas possible d’établir un tel lien !

Avec mes collègues du groupe CRC, nous croyons plutôt que votre projet est une réponse, une concession, voire une soumission aux recommandations de la Commission de Bruxelles. J’ai ici le document du 14 juillet 2015. S’il le faut, je vous lirai les injonctions qu’il contient !

Mes chers collègues, vous serez sûrement nombreux, sur la majorité de ces travées, à invoquer des exemples empruntés de l’étranger. Notre pays serait irréformable, perclus de conservatisme ; il faudrait donc enfin engager les prétendues réformes suscitées…

Nous avons, me semble-t-il, l’avantage du recul dans le temps pour examiner la situation de plusieurs deux pays.

J’évoquerai d’abord le Royaume-Uni. Je note d’ailleurs que vous citez de moins en moins cette catastrophe sociale, où le contrat zéro heure et les « sous-SMIC jeunes » ont abouti à une explosion des petits boulots, de la précarité, de la pauvreté.

J’en viens à l’Allemagne, dont je sais que beaucoup font un modèle de flexisécurité. Or le salaire moyen a sensiblement reculé. Aujourd’hui, 40 % des Allemands occupent des emplois atypiques. Où est la culture du compromis ? Où est le « gagnant-gagnant » ?

En Italie, le bilan du Jobs Act de Matteo Renzi est déjà contrasté, la Confédération générale italienne du travail, constatant déjà une baisse de 1, 4 % des salaires avec les nouveaux contrats de travail.

Je terminerai par l’Espagne, dont vous saluerez évidemment la baisse du taux de chômage, mais en oubliant probablement de souligner l’exil massif des jeunes.

Madame la ministre, pour défendre le bien-fondé de votre projet de loi, vous prétendez qu’il serait soutenu majoritairement par les syndicats de salariés. Lors de votre audition, vous avez même déclaré : « Les syndicats représentant la majorité des salariés – CFDT, CFTC, CGC et UNSA – sont favorables aux avancées que le projet comporte. »

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion