Il est effectivement primordial qu’une loi ayant pour objectif le développement du dialogue social ait a minima le soutien de la majorité des organisations syndicales de salariés.
Or, et vous le savez comme moi, la CGC, que vous avez mentionnée, est aujourd’hui hostile à la philosophie générale de votre texte. D’ailleurs, son président demande même aujourd’hui la suspension du débat parlementaire sur le projet de loi Travail.
Ce texte n’a donc le soutien ni de la majorité des salariés ni de leurs représentants ; il est rejeté par plus de 70 % des Français ; vous l’avez fait passer par la force du 49.3 à l’Assemblée nationale, et il sera encore minoritaire au Sénat. Cela fait tout de même beaucoup, et explique aussi les nombreuses tensions et grèves multiples qui affectent notre pays. Voilà pourquoi nous demandons la suspension du débat parlementaire et le retour à la table des négociations ! De grâce, ne vous entêtez pas plus : saisissez les perches qui vous sont tendues !
Par ailleurs, madame la ministre, vous avez soupçonné notre groupe de fuir le débat, en me répondant lors de la séance des questions d’actualité. Rassurez-vous : le débat de fond, nous l’aurons, grâce aux 402 amendements que nous avons déposés. Ils nous permettront de démontrer les régressions et reculs sociaux qu’entraînerait l’adoption de votre texte.
L’article 2 ne contient pas moins de cinquante-sept pages pour poser la primauté de l’accord d’entreprise sur la loi et les accords de branche. Comme le disait la représentante de la CGT à la table ronde syndicale : « Cela aura pour effet de faire voler en éclats le socle commun, mis en place dans le code du travail, de protection et de garanties collectives dont bénéficient les salariés. […] Les salariés les plus fragiles, ceux qui sont isolés […], seront donc encore davantage défavorisés. […] Avec ce projet de loi, on inverse le processus et on entame, de ce fait, une course au dumping social. »
L’article 10, qui porte sur la légitimité des accords collectifs, est surprenant ! Comment pouvez-vous affirmer vouloir renforcer les syndicats dans la négociation d’entreprise et, en même temps, permettre à une minorité syndicale de remettre en cause une position prise par des syndicats représentant plus de 50 % des salariés ? Je ne comprends pas, et je ne suis probablement pas le seul !
L’article 11 concerne les accords dits de « préservation et de développement de l’emploi ». Au moins, vous assumez la filiation avec les lois de droite Fillon, Sarkozy-Bertrand, Warsmann et les douze accords dits de « maintien de l’emploi », dont vous tirez un bilan curieusement positif. Pourtant, les sacrifices acceptés par les salariés n’ont empêché ni suppressions massives d’emplois ni fermetures de site ! Maintenant, vous voulez autoriser ce type d’accords même lorsque l’entreprise ne connaît pas de difficultés économiques. Pour quels intérêts, selon vous ?
Enfin, avec l’article 30, en sécurisant les licenciements sans cause réelle ni sérieuse, vous répondez au vœu le plus cher du MEDEF ces dernières décennies. C’est un comble !
Les précisions apportées à l’Assemblée nationale ne redonneront aux syndicats aucune des possibilités d’interventions que votre gouvernement a enlevées dans le cadre des lois précédentes ! Je parle ici des plans de sauvegarde de l’emploi, ou PSE, qui écartent maintenant les institutions représentatives du personnel, les comités d’entreprise, de toute possibilité d’intervention pendant deux ou quatre mois après l’annonce d’une fermeture de site !
En revanche, avec cette loi, vous limiterez le pouvoir d’appréciation du juge sur le bien-fondé du motif économique des licenciements. C’est inacceptable !
Vous le voyez, notre groupe s’opposera résolument au projet de loi tel qu’il est issu du 49.3, et, avec la même détermination, aux surenchères de la droite qui ont été intégrées dans le texte de la commission des affaires sociales sur l’initiative de la majorité sénatoriale.
D’ailleurs, chers collègues de droite, je vous le dis franchement, vous avez fait fort : flexibilisation à outrance des dispositifs d’aménagement du travail ; facilitation encore plus poussée des licenciements économiques ; nouveaux reculs sur la reconnaissance et la prise en compte de la pénibilité du travail ; doublement des seuils sociaux, c’est-à-dire suppression de la représentation syndicale dans un projet de loi dont vous partagez pourtant le principe et l’objectif affiché de développer le dialogue social à l’entreprise ; apprentissage dès quatorze ans ; travail de nuit des apprentis ; enfin, cerise sur le gâteau que vous offrez au MEDEF, les 39 heures !
Cela illustre d’ailleurs parfaitement notre analyse. En somme, vous enjoignez aux salariés de négocier à 37 heures ou à 38 heures payées 35, …