Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 13 juin 2016 à 16h00
Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s — Discussion générale

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Très tôt, dès 2012, celui-ci a mis au centre des décisions des gouvernements successifs la compétitivité des entreprises et la démocratie sociale. Depuis 2012, ce sont les deux piliers de l’action gouvernementale.

François Hollande a d’abord, et très tôt, parié sur le vecteur des négociations nationales. Ce furent les deux accords nationaux interprofessionnels, les ANI, qui se sont succédé dans le temps. Ils ont été transcrits dans deux lois distinctes. Ce faisant – c’est notre singularité par rapport à nos voisins européens –, de nombreux accords de branche et d’entreprises, près de 40 000 par an, ont eu lieu.

Il faut le reconnaître, le dialogue social national a buté. L’échec de l’ANI sur la modernisation du dialogue social, les partenaires n’ayant pas trouvé les voies du compromis, a conduit le Gouvernement à reprendre la main. Ainsi, avec la loi portée par François Rebsamen, c’est le Gouvernement qui a pris l’initiative, les partenaires sociaux n’ayant pas voulu se saisir du thème du dialogue social. Il ne faut donc pas s’étonner qu’ils n’aient pas voulu se saisir de ce texte.

Au demeurant, j’ai noté la volonté de la droite d’aller à l’encontre de la loi Rebsamen. Il est vrai que la gauche contestataire ne l’avait pas non plus votée. Ce n’est pas vraiment étonnant. Les syndicats n’ont pas tous la même vision des évolutions à mener pour conserver le modèle social français. Les divisions patronales ne sont pas moindres.

Dans ces moments de responsabilité, la situation n’est jamais facile pour nous, socialistes. L’équilibre entre le changement par la loi et le changement par la négociation a toujours été notre préoccupation. Nous avons toujours voulu donner droit à la démocratie sociale.

La droite n’a pas ce problème, puisqu’elle veut au contraire s’en affranchir. Il est d’ailleurs symptomatique que, à la fin de son quinquennat, Nicolas Sarkozy ait dénoncé très frontalement ce qu’il décrit comme le « conservatisme des partenaires sociaux ». Il a récidivé en 2014, à Lambersart, commune de l’agglomération lilloise, alors qu’il était à cette époque président de l’UMP. Et les candidats à la primaire s’en donnent à cœur joie. L’un veut réformer le code du travail par ordonnance. Les deux autres veulent obliger les délégués syndicaux à passer 50 % de leur temps sur leur poste de travail. La droite sénatoriale fait écho à cette volonté. Nos rapporteurs ont supprimé l’augmentation de 20 % du temps consacré à la délégation syndicale accordée par le projet de loi.

Pour notre part, nous misons sur le fait que, pour répondre aux nouvelles responsabilités du dialogue social, les délégués syndicaux devront être mieux formés et plus présents auprès des salariés. Nous ne sommes donc pas d’accord.

Nous n’avons pas la même vision de l’entreprise. Lors de l’examen de la loi Macron, nous avions déjà eu le même débat dans cet hémicycle.

La droite confond trop souvent l’entreprise avec l’employeur. Nous considérons l’entreprise comme un collectif humain – nous nous retrouvons à cet égard, monsieur Vanlerenberghe – qui s’intègre à un territoire et à un secteur d’activité, qui affronte la concurrence et qui doit donner à ses salariés les conditions de travail les plus attractives possible, pour qu’ils s’y sentent bien.

Il est prouvé qu’un bon dialogue social dans l’entreprise, au plus près des réalités, est un facteur de compétitivité.

La droite a ses totems. Je pense notamment à la suppression de l’horaire légal, qui fait l’objet d’un amendement. Toutefois, je préfère m’attarder sur quelques outrances.

En proposant de remonter les seuils sociaux, la droite fait croire à tort que le dialogue social est une entrave à l’emploi. Sait-elle qu’en Allemagne et en Suède – ces pays sont souvent cités §–, il existe des seuils sociaux inférieurs aux nôtres pour la mise en place d’un comité d’entreprise ou d’un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, un CHSCT ?

Par ailleurs, son hostilité à toute interférence syndicale dans le cadre du dialogue entre le chef d’entreprise et les salariés est encore une fois un marqueur de sa culture, dominée par la défiance à l’égard d’une représentation encore à construire, particulièrement dans les petites entreprises.

Monsieur Lemoyne, c’est vrai que vous faites preuve d’une plus grande subtilité à propos de l’article 2, mais le résultat est le même. Vous démolissez la finalité de cet article, qui focalise aussi les contestations à gauche, en supprimant, à l’article 10 – un texte se considère dans sa globalité, et non pas « en tranches » –, le principe de l’accord majoritaire à 50 %, qui constituait pourtant depuis 2008 le dénominateur commun à toutes les organisations syndicales. Au passage, vous remettez les clés du référendum au seul employeur.

Là encore, la défiance l’emporte, et le conservatisme triomphe. C’est précisément parce que nous ne voulons pas que l’employeur décide seul que nous voulons donner plus de place à la négociation dans l’entreprise ; c’est aussi un facteur de vitalité syndicale.

Vous rompez avec l’équilibre du texte s’agissant de la négociation dans l’entreprise. Vous voulez à la fois moins de règles et moins de droits. Pour notre part, nous voulons que la loi constitue un socle fondamental des règles et des droits, tout en autorisant leur construction par l’implication des acteurs concernés, au plus près de leurs aspirations.

Les salariés exerceront mieux leur contrôle sur la représentation syndicale au niveau de l’entreprise. Ce texte, qui a été diffusé auprès d’un large public, constitue un exercice démocratique, puisqu’il s’agit de mettre en phase la démocratie politique et la démocratie sociale.

La démocratie politique – je le dis à mes collègues qui comptent sur les manifestations pour nous faire reculer –, c’est celle qui s’exerce dans la vie parlementaire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion