Intervention de Alain Joyandet

Réunion du 13 juin 2016 à 16h00
Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s — Discussion générale

Photo de Alain JoyandetAlain Joyandet :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi est – hélas ! – un rendez-vous manqué pour la France.

Tout d’abord, c’est un rendez-vous manqué avec les Français. Alors que son exposé des motifs indique qu’il doit permettre une « refondation de notre modèle social », il est rejeté par une immense majorité de nos compatriotes. Plus encore : il est vilipendé par nombre de ceux qui ont voté pour François Hollande en 2012, car celui-ci n’avait pas annoncé une telle réforme du travail. Lorsqu’on ne dit pas les choses avant, il est un peu compliqué de les réaliser après !

Ensuite, c’est un rendez-vous manqué avec la lutte contre le chômage. Alors que la finalité première du projet de loi Travail est d’endiguer le cataclysme du chômage qui touche de façon endémique notre pays, il intervient étonnamment la dernière année du mandat présidentiel de François Hollande, et surtout après une augmentation record du nombre de chômeurs, toutes catégories confondues, depuis son élection en 2012.

Enfin, et surtout, c’est un rendez-vous manqué avec les entreprises.

Alors qu’il ambitionne de « restaurer la compétitivité de nos entreprises », de « leur permettre d’investir » et « de mieux anticiper les mutations économiques », ce texte ne s’attaque pas aux principaux maux qui les handicapent lourdement en France. Durant la seule année 2015, environ 60 000 très petites ou petites et moyennes entreprises ont disparu. Pas une seule d’entre elles n’aurait survécu grâce au projet de loi que nous devons examiner. Ce texte est largement inutile, comme je l’ai indiqué à notre rapporteur. Il n’est pas une priorité pour nos entreprises.

Je le dis en tant que chef d’entreprise : le chômage ne disparaîtra pas avec la réforme ou la libéralisation du code du travail. Il ne disparaîtra pas davantage grâce à une stigmatisation de la protection dont bénéficient les salariés. Il disparaîtra encore moins en faisant peur à ceux qui ont un emploi. Nos entreprises ont besoin de collaborateurs sereins, qui soient en mesure d’avoir un avenir lisible et puissent construire des projets personnels.

Plus que jamais, le travail doit être un élément de « fraternité nationale », et non un vecteur d’affrontements, de divisions et de tensions.

Pour que les entreprises soient de nouveau en mesure de créer des emplois, elles doivent renouer avec l’activité. Il est indispensable de les délester du poids des impositions obligatoires de toutes sortes qu’elles doivent payer, pour améliorer sensiblement leur compétitivité et leur rentabilité.

On me dira que tout cela n’est pas à l’ordre du jour. Mais comme je m’exprime en dernier, je dois m’efforcer de trouver des sujets qui n’ont pas été abordés.

Une mesure simple et efficace doit être prise rapidement : remplacer le CICE par la TVA compétitivité-emploi. On transformera ainsi les milliards d’euros de crédit d’impôt qui y sont consacrés actuellement en baisse structurelle, mécanique et généralisée des charges sociales pour toutes les entreprises françaises. Cela créera automatiquement des milliers d’emplois !

De la même manière, les heures supplémentaires défiscalisées, supprimées durant l’été 2012 par François Hollande pour des raisons idéologiques, doivent être rétablies. Certes, il a fait son mea culpa, mais n’en a pas tiré les conséquences. Quatre années après la disparition de ce dispositif, les familles françaises et les travailleurs de notre pays le regrettent encore fortement. Il est véritablement urgent de le rétablir. Des amendements seront proposés en ce sens.

Les entreprises ont également besoin que les pouvoirs publics cessent de les suspecter. Ils devraient plutôt leur faire confiance et les accompagner. À cet égard, il est nécessaire d’alléger, au même titre que les charges sociales, les contraintes normatives et les contrôles administratifs. L’excellent rapport d’information de notre collègue Annick Billon au nom de la délégation aux entreprises, Droit du travail : ce dont les entreprises ont besoin, propose des pistes intéressantes : création d’un rescrit social ; réaffirmation des missions d’information des inspecteurs du travail ; diminution des charges administratives ; majoration des seuils sociaux ; adaptation des accords de branche aux entreprises de moins de cinquante salariés. Il s’agit de réformes faciles à engager et qui ne coûtent rien ! Autant de vrais sujets qui devront être abordés par notre assemblée durant les débats à venir. Dans un contexte de très faible croissance économique et de chômage de masse, la priorité est de faciliter les recrutements ou les embauches par les entreprises.

Cela peut se faire sans remettre en cause la situation de nos salariés, qui n’est déjà pas si facile, notamment dans le privé. Oui à la réforme pour alléger les entreprises ! Mais la condition des salariés du privé ne doit pas être la variable d’ajustement parce que l’État ne réforme pas son administration !

(Mme Laurence Cohen s’esclaffe.) Nous constatons aussi les méfaits du libéralisme échevelé. Entre les deux, une piste demeure à explorer : celle de la participation pour une entreprise fraternelle où le travail est un lien social plus que jamais utile !

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