L'épisode de la viande de cheval a effectivement fait la une de l'actualité mais je fais observer qu'à la suite de cet épisode sa consommation a connu un sursaut car les vertus alimentaires de la viande de cheval ont été mises en avant. Plus généralement, je relève un paradoxe dans cette filière française qui est capable d'exporter des produits de qualité à forte valeur ajoutée mais dont une partie des achats se porte sur des chevaux élevés hors de nos frontières.
Le tourisme équestre rassemble, pour sa part, un million de pratiquants. Cette activité, largement répandue sur tout notre territoire, irrigue l'économie locale. Par ailleurs, le cheval de trait est de plus en plus présent dans les villes, où se multiplient les systèmes de collecte employant cet équidé, et dans les espaces ruraux où il est très utile pour l'entretien des milieux fragiles.
Enfin, plus de 100 000 personnes sur les 500 000 souffrant d'un handicap physique ou mental en France pratiquent l'équitation et sont accueillies dans les 2 400 centres équestres qui ont su s'adapter à leur accueil du handicap qui est une priorité de notre société.
J'en viens à présent aux difficultés auxquelles est confronté le monde du cheval. Tout d'abord, la filière des courses est confrontée à des défis majeurs. Elle génère environ 11 milliards d'euros de chiffre d'affaires dont 10 milliards issus des paris. Ce montant alimente chaque année à hauteur d'un milliard d'euros le budget de l'État, soit une somme analogue à celle qui est versée par le groupe Total à l'État. On recense plus de 10 000 propriétaires de chevaux de courses et 30 000 chevaux actifs qui concourent sur 18 000 courses annuelles organisées sur les 244 hippodromes en activité en France. Comme en témoignent ces chiffres impressionnants, notre système est parvenu à éviter le naufrage constaté chez certains de nos voisins européens mais au prix d'un fort accroissement du nombre de courses que certains ont qualifié de « fuite en avant ». En effet, l'ouverture des jeux en ligne et le vieillissement de la clientèle traditionnelle des paris hippiques induisent un risque de régression des paris hippiques qui a été combattu par une politique de densification du programme de courses pour augmenter l'offre de paris. Tout le problème est que la hausse des recettes des courses de chevaux a été inférieure à celle des coûts en raison notamment de la hausse de la fiscalité. Il en résulte, pour les propriétaires, une moindre rentabilité et un découragement qui ont un « effet domino » sur les entraineurs et les éleveurs fragilisés à leur tour par le déclin de la demande solvable qui leur est adressée. Par contrecoup, c'est donc l'ensemble de la filière qui vacille.
Le PMU reverse l'intégralité de son résultat net aux sociétés mères qui le détiennent et il a subi le tournant majeur de l'ouverture des jeux en ligne à la concurrence organisé par la loi du 12 mai 2010. Dans ce texte, le Parlement a renforcé le monopole de l'organisation des courses ainsi que les obligations de service public qui incombent aux sociétés mères pour favoriser le développement de l'élevage sur nos territoires. Je précise que la loi limite aux seuls paris hippiques « en dur », c'est-à-dire passés dans 12 000 sites physiques, le monopole du PMU. L'irruption de nouveaux acteurs de paris en ligne et la concurrence directe de la Française des jeux est intervenue dans une phase où la clientèle du PMU se resserrait progressivement, avec un accroissement de l'âge moyen des parieurs. Malgré cela, le PMU a su développer son activité à l'étranger, en renforçant l'attractivité de son système et il a réussi à stabiliser ses résultats jusqu'en 2013, avant que sa situation ne décline.
Comme l'indique l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), les paris sportifs poursuivent leur tendance haussière, avec un résultat de 1,4 milliard d'euros en 2015, tandis que les paris hippiques diminuent régulièrement. Dans ce contexte, on constate un phénomène d'érosion et presque de « siphonage » de l'activité et des gains du PMU par la Française des Jeux. Le PMU et les sociétés de course ont conduit un certain nombre de réformes, dans le prolongement des recommandations du Gouvernement et de notre collègue Ambroise Dupont dans son rapport précité, concernant sa masse salariale, ses dépenses de fonctionnement et sa structure même. De tels efforts s'avèrent aujourd'hui insuffisants, car l'activité du PMU continue globalement à s'éroder. C'est pourquoi il a lancé le programme PMU 2020 pour élargir et rajeunir sa clientèle. Tout le problème est de savoir si le PMU, dans ce nouveau contexte, peut permettre aux sociétés de courses de remplir leur mission de service public : trouvera-t-il dans son développement international, comme le Gouvernement semblait le lui recommander, le moyen de compenser le déclin de ses parts de marché dans l'Hexagone ?
Vous connaissez certainement mieux les difficultés rencontrées par les centres équestres sur nos territoires. Ils accueillaient, avant la crise, près de deux millions de cavaliers dont 700 000 licenciés. Au début des années 2000, la Fédération française de l'équitation a enregistré une hausse sans précédent du nombre de ses licenciés et a consolidé sa place de troisième fédération sportive en France. Au cours de cette période, le nombre des centres équestres a peut-être également connu une éclosion irraisonnée. Puis, en 2012, ceux-ci ont été affectés par la baisse du pouvoir d'achat de leurs clients et par la mise en place des nouveaux rythmes scolaires lesquels, en provoquant alors une perte de 10 à 15 % de leur chiffre d'affaires, ont eu un impact analogue à celui de la hausse de la TVA. En effet, les nouveaux temps scolaires privent ces centres d'une partie de leur clientèle du mardi soir, du mercredi et du samedi. Selon le Groupement hippique national, qui accompagne et conseille les centres équestres, avant le choc que représente la conjugaison de la hausse de la TVA avec la mise en oeuvre des nouveaux rythmes scolaires, les centres équestres s'autofinançaient, à l'exception de certaines activités ponctuellement soutenues par les Conseils régionaux. Je constate donc au passage que le sport équestre, a été beaucoup moins subventionné que les terrains de football ou de tennis.
En outre, je souligne que cette hausse de la TVA a plus fortement pénalisé les centres équestres en France que dans les autres pays européens, du fait du modèle du « cheval partagé » à la française. En effet, la mise à disposition simultanée d'un cheval et des structures dans nos centres équestres a permis la démocratisation de l'équitation, à la grande différence des pays voisins où les cavaliers possèdent leur monture et utilisent des équipements collectifs. Or la directive TVA de novembre 2006 permet d'appliquer un taux réduit à ce modèle dominant en Europe tandis que notre pratique moins élitiste de l'équitation est pénalisée.
J'en viens à présent aux difficultés rencontrées par l'élevage : nous les constatons en parcourant notre pays. Les éleveurs, qui sont pour une grande part des amateurs et des passionnés, ont subi le contrecoup de l'augmentation de la TVA qu'ils n'ont pas pu répercuter sur les chevaux, dans un contexte de crise économique globale. En effet, alors que le prix des chevaux de selle baissait, les importations de chevaux étrangers se sont multipliées, en raison notamment d'un phénomène de mode en faveur de certaines races, comme les Connemara ou encore les chevaux espagnols. A ces difficultés s'ajoutent les coûts d'équarrissage qui demeurent très onéreux, les problèmes d'application de la politique agricole commune (PAC) pour les producteurs diversifiés dans l'élevage de chevaux, ainsi que les difficultés d'application des normes et la mise en oeuvre problématique du compte pénibilité pour les salariés. Pour nos territoires, les activités équines, non seulement irriguent l'ensemble du territoire mais aussi diffusent et protègent tout un patrimoine génétique ainsi que de races françaises qui, sans les éleveurs, pourraient disparaître. Je rappelle que nous avons en France 24 races d'équidés de travail qu'il faut absolument préserver.
Par ailleurs la filière viande de cheval, comme l'ensemble du secteur viande, est confrontée à une tendance de long terme à la diminution de la consommation. Ses acteurs se tournent donc vers les exportations, par exemple vers le Japon, où des opportunités se manifestent, à condition de bien gérer les contingences sanitaires.
Face à cette situation globale, je formulerai deux principales recommandations qui concernent la TVA et l'équilibre des recettes du PMU. Sur le premier point, la prochaine révision de la Directive TVA est une opportunité à saisir. Je rappelle la complexité actuelle du système qui comporte une multiplicité de taux applicables aux différentes composantes de l'activité des acteurs du cheval : ce n'est pas facile à gérer, en particulier pour les centres équestres. Confronté, en 2012, à la mobilisation de ceux-ci, le Gouvernement avait tenté d'obtenir une interprétation plus souple de la directive mais n'y est pas parvenu. Un « amortisseur », a alors été mis en place : le Fonds équitation qui a partiellement compensé, pour les centres équestres, la perte de chiffres d'affaires dû à la hausse de la TVA. Ce soutien est venu s'ajouter à des fonds préexistants comme les fonds éperon I et II. Je souligne que ces divers dispositifs de solidarité internes à la filière sont financés à partir des gains du PMU dont le rôle de pourvoyeur de fonds et la mission de service public de soutien à l'ensemble de la filière sont ainsi confortés.
Plutôt que de multiplier les « pansements », l'ensemble du monde du cheval demande de façon unanime un retour à un taux de TVA réduit pour que ses secteurs d'activité puissent retrouver une certaine dynamique économique. Cette démarche a été soutenue par le Comité des organisations professionnelles agricoles de l'Union Européenne. S'agissant des perspectives d'évolution de la directive TVA, et de la politique des taux réduits, deux cas de figure sont aujourd'hui envisagés par la Commission européenne : soit le réexamen périodique de la liste des biens et services soumis au taux réduit de 15 % de TVA, soit la suppression de cette liste communautaire avec la liberté laissée aux États pour la fixer tout en maintenant un cadre prévenant toute forme de concurrence déloyale. Cette seconde option a plutôt la préférence de la filière équine. Le processus de révision, qui suppose l'accord de tous les États devrait aboutir en 2017. Je propose, au nom du groupe cheval, que nous sollicitions le Gouvernement pour qu'il soutienne la voie de la fixation nationale des taux réduits.
Par ailleurs, dans mon rapport, je rappelle la logique qui m'avait conduit à déposer un amendement de rééquilibrage de la fiscalité applicable au PMU et à la Française des Jeux. Cet amendement, adopté par le Sénat, a ensuite été rejeté par l'Assemblée nationale, le Gouvernement ayant mis en avant l'argument d'une perte de recettes fiscales induite par la réduction de la base imposable de la Française des Jeux au titre de l'impôt sur les sociétés.
Aujourd'hui, l'État me semble trop peu attentif aux missions de service public et de soutien à la filière cheval imparties aux sociétés de courses et, par voie de conséquence au PMU. Par conséquent, afin de rééquilibrer l'attractivité des différentes activités au sein des points de vente, il me paraît nécessaire de recommander d'appliquer de façon plus stricte un principe d'égalité des taux de retour sur les paris (TRP). Le PMU a dû faire diminuer ce taux à 73 % pour maintenir ses marges de manoeuvre financières, tandis que la Française des Jeux a pu le stabiliser à 75 %. Fixer un taux commun pour ces deux entités à 73 % permettrait d'éviter l'effet de « siphonage » des paris par la Française des Jeux, tout en garantissant à l'État un revenu supplémentaire de 20 millions d'euros. Il conviendrait également de mobiliser davantage le comité consultatif des jeux (COJEX), créé par la loi de 2010, et qui ne s'est pas encore penché sur l'exigence formulée par l'article 3 de la loi du 12 mai 2010 : « veiller au développement équilibré et équitable des différents types de jeu afin d'éviter toute déstabilisation économique des filières concernées ». Dans un contexte marqué par l'accumulation des indicateurs baissiers dans le monde du cheval qui pénalisent fortement le PMU, il serait légitime qu'elle contribue à réintroduire plus d'équité pour favoriser le soutien financier de l'ensemble de la filière.
Pour conclure, la filière cheval demeure très dispersée, en dépit d'initiatives diverses comme les comités de filière. Un effort substantiel d'organisation et de coordination reste à conduire, sans lequel le monde équin pourra difficilement se faire entendre du Gouvernement lorsqu'il s'agit de défendre la valorisation du cheval. Je pense que l'enjeu en vaut bien la peine, en raison du poids économique de cette filière sur le territoire, de sa reconnaissance internationale, historique et de son fort potentiel de projection en Chine, en Russie ainsi qu'au Japon. N'oublions pas que cette filière génère 14 milliards d'euros de chiffre d'affaires et que ses acteurs demandent essentiellement un retour aux taux de TVA antérieurs à 2012. De plus les différents fonds de soutien internes à la filière représentent au total de 30 à 40 millions d'euros, ce qui constitue une somme modeste pour la redynamiser.