L’inaptitude au travail de nuit prononcée par le médecin du travail ne doit pas être de nature à mettre en péril l’emploi du salarié concerné. Pourtant, dans la rédaction actuelle de l’article, rien n’assure une protection suffisante du travailleur en question.
En effet, l’obligation qui est faite actuellement à l’employeur est de ne proposer qu’un seul et unique poste de jour. De fait, en cas de refus, celui-ci sera en position de prononcer la rupture du contrat de travail, sans que cela soit considéré comme un licenciement abusif.
Notre amendement vise donc à élargir le champ du reclassement, en précisant que le licenciement n’est envisageable que dans le cas où l’employeur ne peut proposer aucun poste de jour au salarié en situation d’inaptitude au travail de nuit.
Quel est le risque créé par la rédaction actuelle ? Tout simplement, de nombreux employeurs, souhaitant bénéficier de salariés polyvalents et pleinement aptes au travail de jour comme de nuit, proposeront un poste inacceptable au salarié déclaré inapte au travail de nuit.
Je citerai un exemple rencontré dans ma circonscription : un ouvrier manutentionnaire travaillant de nuit dans un supermarché s’est vu proposer, une fois déclaré inapte, un emploi dans le secteur « caisse ». Il a préféré refuser ce reclassement dans un emploi qu’il ne maîtrisait pas, bien différent de celui qu’il occupait.
Avec la rédaction actuelle de l’article, ce salarié sera passible d’un licenciement, bien que l’employeur sache pertinemment l’incongruité de sa proposition de reclassement. La question du reclassement pour inaptitude au travail de nuit pose en creux la question générale du travail nocturne.
Censée être exceptionnelle, cette situation concerne aujourd’hui presque 4 millions de personnes ; le nombre de travailleurs de nuit a doublé en vingt ans. Évidemment, certains corps de métier sont dans l’obligation d’être disponibles 24 heures sur 24, pour des raisons de sécurité ou de sûreté.
L’inversion de la délimitation du travail de nuit opérée par la loi Macron n’a fait qu’aggraver ce phénomène, délaissant la logique sectorielle pour une logique géographique. Pourtant, les effets néfastes sont nombreux et depuis longtemps prouvés : surmortalité, troubles alimentaires et du sommeil, maladies, risques accrus de cancers et d’accidents, incidences sur la vie sociale et familiale. Autant dire que les inaptitudes au travail de nuit se multiplient de manière légitime.