Intervention de Cécile Cukierman

Réunion du 15 juin 2016 à 21h30
Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s — Article 2

Photo de Cécile CukiermanCécile Cukierman :

La durée du travail effectif est limitée avant tout pour préserver la santé des salariés.

Aux termes de l’article L. 3121-34 du code du travail, cette durée ne peut excéder dix heures par journée civile, celle-ci débutant à zéro heure et s’achevant à vingt-quatre heures.

Le fait qu’un accord collectif d’entreprise ou un accord de branche étendu puisse porter cette durée à douze heures de travail effectif par journée civile n’est pas nouveau. Mais il s’agissait jusqu’alors d’une dérogation, l’une des trois possibles, les deux autres étant respectivement liées à l’autorisation exceptionnelle par l’inspecteur du travail et à l’engagement de la responsabilité de l’employeur en cas d’urgence.

Ce qui est inédit, avec ce projet de loi, c’est le passage du statut dérogatoire au statut de règle générale, et la primauté des accords d’entreprise sur les accords de branche.

La durée maximale quotidienne du temps de travail est laissée au bon vouloir de chaque entreprise et au libre jeu de la concurrence. Ce problème a d’ailleurs déjà été évoqué à propos des ouvertures dominicales.

Je me permets pourtant de vous rappeler, chers collègues, que la première réglementation en la matière, à la fin du XIXe siècle, avait pour origine le constat des accidents du travail liés à des durées exagérées de travail.

En 1848, déjà, la journée de travail était fixée à dix heures à Paris. Il s’agit toujours du maximum autorisé, sauf dérogation pouvant porter le temps de travail à douze heures. Nous ne sommes plus en 1848, mais en 2016 ; néanmoins, les abus en matière de durée du travail quotidien n’ont pas disparu. Ces abus prennent simplement de nouvelles formes.

Dans notre système mondialisé, où la technologie règne, les nouveaux ouvriers du monde tertiaire ne comptent pas leurs heures et connaissent des journées extensibles, avec les fameux « forfaits jours ». Je pense, par exemple, aux nouveaux ouvriers d’internet, programmateurs, webmasters et autres informaticiens, mais aussi à tous ceux qui, travaillant en lien avec la finance, doivent être sans arrêt connectés avec leurs homologues de l’autre côté de la planète.

Je ne pense pas seulement à ce monde d’échanges, mais aussi à celui, beaucoup plus proche de nous, ici même dans le Quartier latin, des étudiants étrangers, notamment européens, bénéficiant par exemple des échanges Erasmus : vulnérables, car ne maîtrisant pas toujours bien notre langue et encore moins notre code du travail, ils s’adonnent à toutes sortes de labeurs, sans limite de temps, pour vivre.

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