Le diable se niche souvent dans les détails, et il faut bien relire les dispositions de l’article 2 relatives à la question du repos quotidien pour que le recul social apparaisse avec plus de netteté.
Dans sa lettre actuelle, l’article L. 3131-1 du code du travail ne souffre d’aucune complexité : « Tout salarié bénéficie d’un repos quotidien d’une durée minimale de onze heures consécutives. »
Cette durée de onze heures appelle évidemment quelques observations, dont la moindre n’est pas de considérer que la durée en question correspond, grosso modo, à un temps de sommeil réparateur de sept heures, borné par un temps personnel et de transport de deux fois deux heures.
On observera d’ailleurs que, en pratique, les amplitudes sont souvent plus longues, puisque quitter son lieu de travail le soir à dix-huit heures pour y revenir le lendemain à huit heures correspond à un volume horaire de quatorze heures de « repos ».
De fait, tout empiétement sur cette durée minimale de onze heures, qui veut que treize heures de la vie d’un salarié soient consacrées à d’autres activités, constitue une intrusion dans le temps « privé » du salarié.
La rédaction de l’article 2 relève au premier niveau ce qui fait exception, puisque la phrase simple et limpide de l’actuelle disposition se trouve compensée par les mots « sauf dans les cas prévus aux articles L. 3131-2 et L. 3131-3 ou en cas d’urgence, dans des conditions déterminées par décret ». L’urgence devient une urgence de caractère général et peut suffire, soit dit en passant, à justifier toute invasion dans le « temps libre » des salariés, alors même que l’ancien article L. 3131-2 du code du travail évoquait spécifiquement comme « travaux urgents » les cas d’accident ou de menace d’accident.
En pratique, pour donner un exemple précis, les salariés d’une raffinerie pétrolière pouvaient se trouver rappelés sur leur lieu de travail si un incident sérieux était survenu sur l’installation. Demain, l’urgence pourra prendre des contours plus larges, ne nécessitant d’ailleurs qu’un décret d’autorisation, sans même un accord collectif.
La durée minimale de repos quotidien est, dans les textes conventionnels, le plus souvent fixée en référence au droit du travail existant.
Ainsi, la convention collective nationale des activités industrielles de boulangerie et pâtisserie – secteur de plus de 43 000 salariés, pour un peu moins de 40 000 emplois équivalent temps plein au sein de 2 300 entreprises, dont les trois quarts comptent moins de dix salariés et où la pratique des horaires atypiques est évidemment forte – dispose clairement, dans son article 45, que le repos hebdomadaire est de vingt-quatre heures consécutives auxquelles s’ajoutent onze heures de repos quotidien. Les salariés soumis à des horaires spécifiques de travail ont le droit de bénéficier d’un repos hebdomadaire d’au moins deux jours.
Faut-il ouvrir une sorte de « guerre des farines » en mettant ce secteur sens dessus dessous du fait d’une course au moins-disant social, comme on l’observe dans un certain nombre de périphéries urbaines ? Non ! C’est le sens de cet amendement.