Intervention de Claude Malhuret

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 4 mai 2016 à 9h04
Préparation d'une conférence internationale sur le processus de paix au proche-orient — Audition de M. Pierre Vimont envoyé spécial du ministre des affaires étrangères et du développement international

Photo de Claude MalhuretClaude Malhuret :

Je sais que vous êtes un homme qui ne se décourage pas, Monsieur l'ambassadeur, mais toutes les interventions que vous avez entendues ici reflètent un immense scepticisme. Encore sommes-nous diplomates, mais les qualificatifs qu'emploient un certain nombre de politiques à l'étranger sont bien plus ennuyeux.

Je voudrais malheureusement ajouter à ce scepticisme en reprenant tout d'abord l'histoire de cette négociation.

Bariza Khiari a tout à l'heure rappelé que c'est Laurent Fabius qui a lancé celle-ci, avec une maladresse qui, si elle n'était pas voulue, apparaît cependant incommensurable : initier une négociation en disant qu'au cas où elle n'aboutirait pas, notre pays reconnaîtrait l'État palestinien signifiait encourager les Palestiniens à faire échouer cette négociation, puisqu'ils seraient alors automatiquement reconnus par la France, et d'autre part encourager les Israéliens à refuser immédiatement cette négociation.

De la part d'un ministre des affaires étrangères françaises, c'est inconcevable ! Bien entendu, Jean-Marc Ayrault a fait savoir qu'il n'était pas sur la même position et qu'il avait compris que c'était impossible - mais c'est trop tard ! La France est désormais soupçonnée quoi qu'il arrive, même si Jean-Marc Ayrault n'a pas les mêmes positions. C'est la première raison de mon scepticisme et de celui de beaucoup de gens.

Deuxièmement, cela n'a été pas préparé en liaison avec nos habituels partenaires, et notamment le Quartette, censé organiser les premières conférences, où figure l'Europe. Cela n'a pas été préparé avec la chancelière allemande, qui a déclaré que ce n'était peut-être pas le bon moment pour prendre de grandes mesures. La réaction de l'Allemagne à cette initiative française prise sans lui en référer est évidemment plus que réservée. Raison de plus pour être sceptique : les Européens, une fois de plus, vont arriver en ordre dispersé.

Enfin, personne ici n'y peut rien, mais je voudrais insister sur un dernier point, qui me paraît le plus préoccupant pour la France. Notre pays a perdu l'essentiel de son influence dans la région. Certains de nos dirigeants tentent de se persuader que notre pays est encore une grande voix au Proche-Orient, mais la réalité, depuis longtemps, n'est plus celle-là - et vous la connaissez bien, Monsieur l'ambassadeur.

La France a été exclue de la résolution du conflit libanais lors du désaccord de Taëf, en 1989, alors que notre pays était le symbole de l'influence française au Proche-Orient. Elle était absente lors des négociations sur le processus de paix israélo-arabe, début 1990 et, dans l'affaire syrienne, la diplomatie française, comme ses armées, est plus que jamais hors-jeu. Tout se passe aujourd'hui entre les Russes et les Américains. La dernière visite du Président de la République française au Liban n'a fait la une d'aucun journal libanais. C'est dire ce qu'est aujourd'hui l'influence de la France au Proche-Orient !

Je ne comprends pas cette initiative. On a l'impression que cette conférence n'a pas pour but principal de parvenir à une solution au Proche-Orient, mais qu'il s'agit d'une tentative désespérée d'exister diplomatiquement, et peut-être, comme le disait un Palestinien, le docteur Mahdi Abdul Hadi, de transmettre un message aux électeurs français et de leur indiquer que le Gouvernement français suit ce qui se passe actuellement au Moyen-Orient avec attention...

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