Intervention de Claude Malhuret

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 15 juin 2016 à 9h32
Audition de M. Ahmet Insel économiste et politologue sur la turquie

Photo de Claude MalhuretClaude Malhuret :

J'aimerais vous remercier pour la qualité de votre exposé et vous dire à quel point j'admire votre courage.

Nous étions il y a quelques semaines, avec Leila Aïchi, en Turquie. Nous y avons rencontré un certain nombre d'universitaires qui ont signé la pétition en faveur du Kurdistan, qui sont aujourd'hui chassés de leur poste, poursuivis, menacés. Vous faites partie des signataires. Nous avons compris les méthodes utilisées par le pouvoir turc vis-à-vis des universitaires et des journalistes.

Vous utilisez souvent le mot de « démocrature », à mi-chemin entre démocratie et dictature. C'est un débat sémantique dans lequel je ne veux pas entrer. Je pense quant à moi qu'on est plutôt du côté de la dictature que de la démocratie.

Le plus important est la réversibilité. Or, le changement de Constitution, la levée de l'immunité des parlementaires du HDP, qui va permettre à l'AKP de trouver une majorité pour changer ce qu'il veut et le fait que ces parlementaires vont probablement se retrouver condamnés, emprisonnés ou, pour certains, assimilés aux terroristes, sont le fait d'une véritable dictature. Partagez-vous mon sentiment sur le risque d'irréversibilité que présente le processus ?

En second lieu, une refondation civilisationnelle signifie une refondation des relations avec l'Europe. Quel est votre sentiment par rapport aux très longues et très anciennes négociations sur l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, à laquelle plus personne ne croit ? Faut-il continuer à discuter alors que tout le monde sait que cela ne mènera nulle part, d'autant qu'un référendum est prévu à la fin du processus et que l'on proposera aux Turcs, au prix d'une crise diplomatique, un partenariat privilégié ?

Côté turc, je me pose la même question. Vous avez parlé de réislamisation. Le néo-ottomanisme, c'est à la fois l'éloignement de l'Europe et le rapprochement avec le Proche-Orient et le monde musulman. Ces discussions continuent-elles du côté turc ? Y a-t-il une volonté - que l'on sent d'ailleurs assez mal dans les déclarations de Tayyip Erdoðan - de continuer à jouer sur les deux tableaux, en cherchant à se rapprocher de l'Europe et, en même temps, du Proche-Orient ? On a l'impression que c'est en train de basculer : est-ce votre sentiment ou se situe-t-on entre deux eaux ?

S'agissant du problème kurde, aujourd'hui, pour Tayyip Erdoðan, tout le monde est terroriste, jusqu'aux députés du HDP. Il existe en fait trois entités kurdes, le PKK, le HDP, et le PYD, en Syrie. Ceci nous amène à évoquer le problème syrien. La France et la Turquie sont dans l'OTAN. La plupart des alliés de l'OTAN soutiennent le PYD en Syrie, alors qu'il est l'ennemi juré de la Turquie. Quels sont les rapports entre le PKK, le HDP et le PYD ? Quelles sont les différences, qui sont difficiles à apprécier pour nous ? Comment voyez-vous évoluer la question kurde, à partir du moment où le PYD avance en Syrie et pourrait fort bien contrôler la partie Nord de ce pays d'ici quelque temps ?

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