Intervention de Benjamin Moron-Puech

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 12 mai 2016 : 1ère réunion
Les enfants à identité sexuelle indéterminée — Table ronde

Benjamin Moron-Puech, docteur en droit :

Quelles solutions pourraient être proposées aux personnes opérées par le passé ? Tant pour les victimes que pour les auteurs des actes, les dispositions existantes en matière de responsabilité civile ou pénale ne sont pas satisfaisantes. Il conviendrait donc de créer un fonds d'indemnisation.

En effet, les victimes doivent aujourd'hui faire face à un obstacle psychologique, car mener un procès requiert de l'énergie et suppose d'être inséré dans la société. Or, lorsque vous luttez quotidiennement pour trouver un logement ou même pour vous lever le matin, il semble difficile de mobiliser l'énergie nécessaire pour prendre part à un procès. Ceci explique pourquoi ces procès sont si rares. Un ou deux sont en cours en Allemagne et seulement un en France.

L'obstacle est également probatoire et tient au fait que les victimes n'ont pas accès à leur dossier médical, notamment parce que les durées de conservation sont trop courtes. Par ailleurs, dans la pratique, nous constatons que certains dossiers se perdent... C'est curieux !

Le dernier obstacle tient à la prescription. Souvent, la victime n'est en mesure d'intenter un procès qu'après un long cheminement personnel alors qu'il est trop tard pour agir juridiquement. Du point de vue des victimes potentielles, le droit de la responsabilité n'est donc pas forcément le meilleur mécanisme pour régler cette difficulté pour le passé.

Le droit de la responsabilité n'est pas non plus forcément un outil idéal si l'on adopte le point de vue des professionnels de santé. Ceux-ci pourraient en effet considérer qu'ils n'ont été que le « bras armé » d'une société victime de ces stéréotypes de genre et pourraient considérer comme inéquitable que l'intégralité de la responsabilité pèse sur eux. D'autant que cette responsabilité individuelle qui pèserait sur eux comporterait des risques importants tant sur le plan financier (leur assurance ne pourrait sans doute pas fonctionner) que sur le plan pénal.

Pour ces deux raisons, il nous semble utile de constituer un fonds d'indemnisation, comme le propose le Conseil d'éthique allemand.

Il me semble en outre que c'est une obligation pour le législateur. En effet, l'alinéa 11 du préambule de la Constitution de 1946 ouvre un droit à la solidarité nationale, par exemple en présence de calamités nationales. Par le passé, le législateur, devant des catastrophes sanitaires de même ampleur (sang contaminé, hormones de croissance), a pris une décision similaire. Pour des raisons d'égalité, il me semble que la solidarité nationale doit jouer et que le fonds qui serait créé soit rattaché aux mécanismes d'indemnisation existants.

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