Aujourd'hui, nous franchissons une étape dans la simplification, même si le chemin est encore long vers la simplification réelle. Le principe de la simplification normative fait consensus ; la difficulté réside dans sa mise en oeuvre. En instaurant un groupe de travail sur la simplification législative du droit de l'urbanisme, ce qui constituait une démarche innovante - même si notre collègue Éric Doligé avait travaillé sur le sujet auparavant - notre délégation a voulu franchir une nouvelle étape dans la stratégie globale du Sénat de lutte contre l'inflation normative, afin que notre assemblée soit un moteur de la simplification administrative. Il s'agissait précisément de passer aux travaux pratiques. Je salue l'énergie que le président Bockel a consacrée à cette idée audacieuse d'un travail associant commissions et délégations, pour que cette loi prospère.
En février 2016, le groupe de travail a été lancé par une réunion inaugurale présidée par le président Larcher, ce qui constituait un signal politique fort. Dès le départ, la feuille de route politique a été axée autour de quatre choix. D'abord, une démarche inclusive a permis d'associer toutes les composantes du Sénat et de coopérer avec les acteurs concernés, en particulier les associations d'élus locaux et l'exécutif. La composition du groupe de travail assure la représentation de l'ensemble du Sénat - groupes politiques et commissions permanentes, ainsi que la délégation aux entreprises. Chaque commission comportait deux représentants ès qualités dans le groupe de travail, afin d'assurer cette cohérence. La désignation de deux rapporteurs appartenant à la majorité sénatoriale et à la majorité gouvernementale témoignait de l'ancrage transpartisan du groupe. Les rapporteurs ont présenté leurs axes de travail à tous les présidents de commission, et ont été auditionnés par la commission des Affaires économiques.
Ensuite, nous avons adopté une approche sectorielle consacrée à la simplification législative du droit de l'urbanisme, de l'aménagement et des sols afin de répondre à la demande issue de la première consultation des élus, réalisée à l'occasion du congrès des maires de 2014. Les 4 200 réponses portaient d'abord sur l'urbanisme et la construction.
Troisième choix : notre démarche participative garantit la prise en compte des véritables préoccupations du terrain. Le groupe a organisé 22 tables rondes et auditions, au cours desquelles 99 personnalités issues de 55 organismes ont été reçues. Il a surtout lancé une consultation nationale à destination des élus locaux, des fonctionnaires territoriaux, des professionnels et des citoyens. À sa clôture, cette consultation avait reçu 10 478 réponses. Cela démontre tout l'intérêt de notre travail !
Enfin, nous avons souhaité aboutir à des propositions de simplification opérationnelles. D'emblée, notre groupe de travail a été chargé de produire à la fois un rapport d'information et une proposition de loi. Nous avons choisi de ne pas embrasser trop de domaines à la fois et de veiller à éviter les simplifications de façade ou celles qui pèsent sur les collectivités comme, par exemple, la réduction des délais d'instruction des autorisations d'urbanisme. Nous avons aussi voulu, avec Jean-Marie Bockel et les rapporteurs, mettre en oeuvre un dispositif très innovant : la proposition de loi a fait l'objet d'une étude d'impact complète de la part d'un grand cabinet d'avocats spécialisé, afin de montrer l'exemple. Nous souhaitions ainsi garantir l'adéquation des propositions du Sénat aux difficultés identifiées, s'assurer que ces propositions aboutiraient bien à des simplifications, et éviter les effets pervers, fréquents dans ce domaine.
Le groupe de travail a fixé quelques règles méthodologiques. Il a distingué la simplification normative de la déréglementation, et s'est concentré sur la simplification, sans remettre en cause le fond des politiques publiques. Selon les sondés, il était nécessaire de stabiliser le droit ; le droit de l'urbanisme a été modifié plus d'une centaine de fois. Aussi avons-nous veillé à ne pas avancer de propositions susceptibles de nourrir l'instabilité normative. Ne prétendant pas faire table rase, nous nous sommes appuyés sur les nombreuses simplifications déjà intervenues sans les remettre en cause, mais, le cas échéant, en les prolongeant et en les renforçant grâce à l'apport de la consultation nationale.
Le groupe de travail a établi trois séries de propositions. La première constitue, conformément à la demande du président du Sénat, notre proposition de loi, texte audacieux mais consensuel de 7 chapitres, 14 articles et 25 mesures de simplification législative.
Une deuxième série de propositions figure dans le rapport. Nous souhaitons attirer l'attention du Gouvernement et du Parlement sur certains sujets que nous ne pouvions pas intégrer au texte : certains points relèvent du domaine règlementaire, voire des pratiques administratives ; d'autres concernent des projets de textes en cours d'élaboration ; d'autres enfin touchent à des problématiques structurelles d'ampleur méritant des investigations complémentaires ou excédant notre champ d'action.
La troisième série de propositions porte sur la fabrique de la norme. Si la révision périodique du stock de normes est un impératif, elle ne peut suffire si, dans le même temps, la production législative et règlementaire ne ralentit pas. Tuons la norme dans l'oeuf, et appliquons cette discipline à nous-même.