Intervention de François Calvet

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 23 juin 2016 : 1ère réunion
Présentation de la proposition de loi de simplification du groupe de travail et du rapport d'information de mm. françois calvet et marc daunis rapporteurs du groupe de travail sur la simplification législative du droit de l'urbanisme de la construction et des sols

Photo de François CalvetFrançois Calvet, rapporteur :

Toujours en matière d'accélération des procédures, la proposition de loi comporte des mesures d'ajustement relatives à l'archéologie préventive, pour donner plus de prévisibilité aux porteurs de projets. D'abord, elle supprime, dans le cadre d'une demande anticipée de prescription archéologique, la durée limitée à cinq ans de la renonciation de l'État à prescrire un diagnostic lorsqu'il estime ce dernier inutile ; ensuite, elle conforte le délai légal de trois mois dont dispose le préfet de région pour prescrire des fouilles à compter de la réception du diagnostic, qu'il soit complet ou non.

La proposition de loi crée une procédure accélérée en cas d'urgence en sites classés (par exemple, des falaises dangereuses nécessitant des travaux), afin d'éviter de s'en remettre à la jurisprudence et que les maires ne se retrouvent dans une situation compliquée. Enfin, elle propose une expérimentation pour autoriser les établissements recevant du public (ERP) de petites communes, lorsqu'ils sont situés à proximité les uns des autres, à mutualiser leurs places de stationnement adaptées aux personnes handicapées. Nous reprenons ainsi la proposition du rapport de Jean-Pierre Vial, et nous avons essayé d'aller plus loin avec Philippe Mouiller et Patricia Schillinger.

Deuxième volet de la proposition de loi : la stabilisation du droit, qui est une demande unanime de la part des élus mais aussi des professionnels ; le président Bockel a insisté sur ce sujet à de nombreuses reprises. Nous avançons une proposition forte visant à limiter l'effet perturbateur pour les plans locaux d'urbanisme (PLU) des évolutions imposées par les documents supérieurs - schémas de cohérence territoriale (SCOT) ou autres - en cristallisant les règles du PLU pendant au moins trois ans, et en donnant de la prévisibilité aux collectivités sur le calendrier d'évolution des PLU, grâce un rendez-vous triennal d'examen de leur mise en compatibilité éventuelle. Ainsi, la collectivité ne se poserait la question de la mise en compatibilité qu'à l'occasion de ce rendez-vous, au lieu d'être soumise à des évolutions dictées par les calendriers des documents supérieurs. Cela éviterait qu'à l'occasion d'une mise en compatibilité imposée par l'évolution du SCOT, du programme local de l'habitat (PLH) ou du plan de déplacement urbain (PDU), une révision complète ne remette en question les fondements du projet urbain. Enfin, avantage important, la nouvelle procédure assouplirait le délai de mise en compatibilité : l'on passerait d'un délai légal de trois ans actuellement à un délai adapté à la situation de la collectivité, compris entre trois et six ans.

La proposition de loi vise aussi à mieux maîtriser les circonstances du passage à un urbanisme intercommunal. Il est proposé que la révision simplifiée d'un PLU communal ne soit plus un motif de passage obligatoire au PLU intercommunal (PLUi) et que seule une révision pleine et entière d'un PLU, touchant aux orientations du plan d'aménagement et de développement durable (PADD), déclenche l'élaboration d'un PLU intercommunal dans les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents.

Une autre piste de stabilisation, compliquée - qui fait suite à de nombreuses remarques de Françoise Gatel -, concerne le régime de protection des abords des monuments historiques, afin de répondre aux très nombreuses critiques sur l'imprévisibilité et la variabilité des prescriptions des Architectes des bâtiments de France (ABF). Nous avons absolument voulu éviter de faire du populisme anti-ABF pour rechercher des solutions. Nous nous sommes concertés avec la présidente de la commission de la Culture et avec notre collègue Françoise Férat, rapporteure du projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP) : nous souhaitons que l'autorité responsable du PLU puisse associer davantage les ABF à la définition des règles locales d'urbanisme dans les périmètres de protection des abords, pour un meilleur dialogue entre la collectivité et l'ABF.

L'ABF devra justifier l'absence de prescriptions pour ce périmètre, et ses décisions ultérieures devront être motivées sur le fondement des atteintes que la construction projetée est susceptible de porter à l'immeuble protégé au titre des abords. Ainsi, la motivation des avis des ABF sera mieux encadrée, alors qu'elle était parfois critiquée comme portant davantage sur les projets eux-mêmes que sur leurs conséquences en matière de préservation du monument protégé au titre des abords.

Si l'ABF propose des prescriptions, les autorités locales pourront annexer les prescriptions de l'ABF au PLU. Mais si le dialogue entre collectivités et ABF n'est pas fructueux, la situation en restera au statu quo ante. Cette prise en compte serait associée à une règle de motivation : dans ce cas, l'ABF devra motiver ses décisions sur le fondement de ses propres prescriptions. Ainsi, les collectivités resteront libres de prendre en compte, ou non, les prescriptions ; le dispositif renforce les règles de motivation des ABF pour plus de transparence et d'équité ; il donne une prévisibilité aux acteurs locaux - collectivités, porteurs de projets - qui sauront à quoi s'attendre ; il devrait favoriser une continuité des décisions des ABF ; il les contraindra de facto à avoir une vision globale de la protection des abords ; enfin, la connaissance des prescriptions des ABF sera un outil d'appropriation par les citoyens et les acteurs locaux des enjeux du patrimoine, pour une meilleure prévisibilité et la continuité de leurs décisions.

Ayant entendu les craintes des uns et des autres, nous proposons un régime purement optionnel et expérimental. L'expérimentation sur trois ans, avec filtrage des candidatures par le préfet, évite d'« étouffer » les services des ABF par de trop nombreuses demandes de prescriptions. L'évaluation du dispositif vérifiera sa pertinence. Par ailleurs, la connaissance et la transparence des actes des ABF seraient renforcées par leur publication systématique dans les bulletins locaux ainsi que sur le site internet du ministère de la Culture. L'enjeu dépasse la stabilisation du droit ; nous voulons purger l'antagonisme entre élus et ABF, trop souvent constaté, au profit d'un meilleur dialogue, de la protection du patrimoine et des projets locaux. Nous nous inscrivons dans la continuité de la loi LCAP, objet d'un accord en commission mixte paritaire. Le 26 mai dernier, devant notre délégation, M. Jean-Vincent Placé, secrétaire d'État à la Simplification, a apporté le soutien du Gouvernement à cette proposition.

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