Intervention de Hélène Conway-Mouret

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 29 juin 2016 à 9h35
Questions diverses

Photo de Hélène Conway-MouretHélène Conway-Mouret, co-rapporteur :

Comme vous l'avez compris en écoutant Henri de Raincourt, nous avons décidé de tenir un langage de vérité, sans complaisance, sur l'aide publique au développement, une aide dont nous pouvons être fiers, mais qui doit être appréciée à l'aune de ses résultats. Les interlocuteurs que nous avons rencontrés au Mali, très honnêtes, nous ont dit : demandez-nous des résultats ! C'est dans cet esprit que M. de Raincourt et moi-même avons élaboré nos propositions.

À l'issue des conférences des bailleurs du Mali tenues en 2013 et 2015, un montant d'engagements d'environ 6,5 milliards d'euros a été annoncé. En outre, le sommet de La Valette de novembre 2015 a permis le lancement du fonds fiduciaire d'urgence de l'Union européenne, dans le cadre duquel la Commission européenne a annoncé, le 14 juin dernier, de nouvelles actions ciblées sur le Sahel et le lac Tchad. Cette mobilisation est positive, mais risque, selon nous, d'échouer à nouveau, si certaines réformes ne sont pas appliquées.

La première grande orientation que nous recommandons consiste à réaffirmer la priorité de l'Afrique francophone pour notre aide au développement. Je pense que ce n'est pas M. Legendre qui dira le contraire...

En effet, le contexte a changé depuis la réforme de 1998, conçue pour mettre fin à la « Françafrique ». Les États-Unis sont le premier bailleur de la région et la Chine y construit de nombreuses infrastructures. Pendant ce temps, la France consacre plus de 1,5 milliard d'euros par an à des opérations militaires certes indispensables, mais sans retombées immédiates en matière de développement.

Parce que notre développement économique futur passe par l'Afrique de l'Ouest et que le Sahel est aujourd'hui un enjeu de sécurité nationale pour nous, nous devons à nouveau considérer la stabilité et le développement de cette région comme des priorités. Il nous faut donc une véritable stratégie pour le Sahel, et une seule, alors qu'il y en a actuellement une quinzaine ! Comment justifier qu'il y ait une stratégie de la France, une stratégie de l'AFD, une stratégie de l'Union européenne, une stratégie du l'ONU et d'autres encore ? Il faut que tous les acteurs se coordonnent pour établir une stratégie unique.

Dans un second temps, cette stratégie devra être discutée avec chacun des pays destinataires de notre aide. Ce n'est que si nous avons en face de nous, émanant des autorités locales, une volonté politique suffisante et une véritable vision du développement, garantes de la bonne appropriation de notre aide, que nous pourrons décliner notre stratégie en programmes et en projets.

En outre, il nous faut impérativement revoir les priorités sectorielles de notre aide.

La première des priorités doit être la maîtrise de la croissance démographique. Nous avons évoqué le sujet avec le Premier ministre du Mali, M. Keita, qui nous a dit, en substance, qu'il n'y avait de richesses que d'hommes... Dans ce domaine, il faut nous efforcer de tenir un langage de vérité à nos partenaires. Nous devons aussi soutenir davantage les initiatives de la société civile, qui parviennent très progressivement à faire évoluer les mentalités.

Notre contribution au Fonds des Nations unies pour la population est très faible : environ 550 000 euros par an, soit 1 % de la contribution des Pays-Bas ! Nous devrions revoir ce montant à la hausse pour crédibiliser notre action. Notre apport au partenariat mondial pour l'éducation, trop modeste, doit également être réévalué, car celui-ci vise notamment à encourager l'éducation des filles, qui est l'une des clefs de la maîtrise démographique.

Plus largement, la question de l'éducation est centrale. Or la situation n'est pas bonne dans ce domaine, notamment au Mali, malgré une dépense budgétaire aujourd'hui importante. N'ayant pour l'instant aucune assurance que nos financements seront utilisés de manière pertinente et efficace dans ce domaine, nous devons cependant agir avec prudence. Il est d'ailleurs possible d'avoir un impact important avec un investissement modéré ; je pense à un projet de création de manuels scolaires que j'ai personnellement soutenu.

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