Lorsqu'on examine l'intérêt de la France en Afrique, on doit se poser cette question : faut-il suivre une vision stratégique et géopolitique à très long terme ou caboter en réagissant uniquement sur le moment ? On peut aussi essayer de concilier ces deux approches.
Je me souviens d'avoir, jeune député, prononcé après la chute du mur de Berlin un discours complètement à contre-courant : si tout le monde regarde à l'est, disais-je, l'intérêt supérieur de la France est probablement, à long terme, en Afrique. Comme vous pensez, j'ai été taxé de ringardise et de néocolonialisme... Aujourd'hui, il m'apparaît toujours que, du point de vue de l'intérêt de la France à long terme, le choix stratégique doit être celui de l'Afrique. C'est la position que M. Bockel et moi-même avions défendu dans notre rapport.
Reste à savoir comment agir à court terme sur un continent où la situation est très disparate : on y voit des rémanences de pouvoirs autoritaires liés à ce qu'on appelle la « Françafrique » et des phénomènes de corruption qui, comme M. Bockel a essayé de l'expliquer, ont aussi une fonction redistributive au niveau local compte tenu de la structuration sociologique des villages, des lignages et des tribus, toutes réalités qu'il ne faut pas évacuer, mais aussi des interventions de différents pays destinées à soulager les misères, à régler des problèmes et à encourager le développement, sans oublier le rétablissement de l'ordre international, vu que l'ONU reste un machin splendide, qui coûte très cher, mais qui s'avère beaucoup moins efficace que l'intervention de nos armées.
Cette situation très complexe nécessite absolument, selon moi, la restauration d'un ministère de la coopération de plein exercice, dirigé par un patron politique qui fasse entendre la voix de la France et réunisse sous son autorité des structures aujourd'hui dispersées.
Pour le court terme, je souscris tout à fait aux propositions avancées par les deux auteurs du rapport d'information.
Nous voyons par ailleurs que la montée en puissance actuelle de l'AFD pose un certain nombre de problèmes, puisque, sans le dire, cette agence s'érige en quelque sorte sur un plan égal à celui du pouvoir politique, mais je pense que ces problèmes peuvent être réglés. L'essentiel est que, politiquement, nous ayons conscience que, d'un point de vue historique et géopolitique, le choix de l'Afrique est pour notre pays le bon choix à terme.