Je remercie nos collègues pour leurs observations et leurs questions, ainsi que pour l'extrême amabilité dont ils ont fait preuve à l'égard de Mme Conway-Mouret et de moi-même.
Il est parfaitement clair dans mon esprit que toute la politique d'aide publique au développement doit correspondre à la vision stratégique qui inspire la politique que mène la France, en liaison avec l'Europe, à l'égard du continent africain. C'est sur le fondement de cette stratégie à long terme que nous devons définir nos actions à court terme, qui toutes doivent tendre vers le même objectif.
De ce point de vue, l'Afrique est, à l'évidence, une grande part de l'avenir du monde ! Elle l'est à la fois par les capacités qu'elle recèle et par les défis qu'elle nous pose, liés en particulier à sa croissance démographique et à sa proximité géographique avec les côtes françaises et européennes.
Fort de cette conviction que l'Afrique jouera un rôle déterminant dans les décennies qui viennent, on peut essayer de reprendre un certain nombre d'idées que vous avez émises, les uns et les autres, pour nous permettre de mener une politique d'aide publique au développement claire et qui ne soit pas bousculée en permanence par des réminiscences de la « Françafrique », un passé qui doit être révolu bien qu'il continue de nous mettre du plomb dans les chaussures. Notre politique doit être transparente et crédible, mais aussi constante par-delà les alternances démocratiques ; à cet égard, je me réjouis que, ces dix dernières années, aucune rupture majeure ne soit intervenue dans la politique de la France. C'est une politique d'intérêt général dont nous avons besoin, qui dépasse nos idées et nos engagements particuliers !
D'un point de vue plus concret, le débat soulevé par M. Bockel sur les parts respectives de la composante multilatérale et de la part bilatérale est ancien au Parlement. Nous sommes tous persuadés qu'il faut mettre l'accent sur la composante bilatérale, mais cela suppose une reconfiguration de la structure de notre aide financière.
Depuis des années, notre politique d'aide au développement consiste à diminuer les dons et à augmenter les prêts. Or nous savons très bien que ce système à une limite : la capacité de remboursement des pays bénéficiaires. Il est donc absolument fondamental de trouver des ressources financières à hauteur de l'effort annoncé par le Président de la République visant à augmenter les dons à 400 millions d'euros d'ici à 2020.
C'est pourquoi je suis favorable à la taxe sur les transactions financières, même si je suis peut-être minoritaire à ce sujet. Tout le monde s'est battu pour obtenir cette taxe ; il faut maintenant se battre pour qu'elle soit généralisée au niveau européen et pour que, en interne, son produit ne soit pas capté au service d'autres objectifs que l'aide au développement... C'est d'ailleurs une raison supplémentaire de recréer un ministère de la coopération de plein exercice.
Il est normal que cette taxe sur les transactions financières soit appliquée, car, aujourd'hui, les opérations financières profitent de la mondialisation sans participer à la politique de développement. Ce dispositif est donc à la fois financièrement indispensable et moralement justifié. Les ressources qui en résulteront doivent servir à renforcer notre action bilatérale.
Par ailleurs, je signale à M. Joyandet que l'Observatoire de la politique de développement et de solidarité internationale a vocation à fondre en un seul organe trois services dépendant aujourd'hui de trois ministères. Notre proposition est donc parfaitement cohérente avec l'objectif de coordination qui a été l'un des fils conducteurs de notre travail.
En ce qui concerne l'AFD, je tiens à souligner qu'il s'agit d'une pépite pour la France, au même titre que la Caisse des dépôts et consignations - je dresse ce parallèle à dessein, car il ne faut pas rayer d'un trait de plume l'idée avancée par le Président de la République à la fin de l'année 2015, mais la retravailler, ce qui, du reste, va être fait.
Outil déterminant du rayonnement de la France, l'AFD est, du point de vue de son fonctionnement, une institution soumise à des contraintes bancaires. Elle doit donc aussi fonctionner comme une banque.
Le bon équilibre reste encore à trouver pour concilier sa capacité d'intervention sur le plan bancaire, une direction plus politique à laquelle je suis moi aussi favorable et une crédibilité fondée sur l'objectivité ; ce n'est pas que les responsables politiques ne soient pas objectifs, puisque c'est l'intérêt général qui les guide, mais il faut être réaliste quant au regard extérieur.
Le conseil d'administration de l'AFD, dont je suis membre, a décidé la semaine dernière, sur la proposition de Rémi Rioux, directeur général, de réfléchir aux moyens de mieux prendre en compte la dimension politique de l'action de l'agence, avec une présence accentuée du Parlement et du Gouvernement. À cet égard, je suis d'accord avec M. Joyandet : le ministre du développement ou de la coopération doit être le patron politique de la maison, étant entendu qu'un patron fonctionnel est également nécessaire.
Si j'insiste beaucoup pour que le Parlement, en particulier, soit plus présent dans toutes les instances de l'AFD, c'est pour que son organisation corresponde à celle de la Caisse des dépôts et consignations, dans la mesure où, je crois, des coopérations très importantes vont s'établir entre les deux institutions. Or, comme vous le savez, la Caisse des dépôts et consignations est placée sous le contrôle du Parlement. Une sorte de parallélisme doit s'établir de ce point de vue ; il contribuera à l'équilibre dont j'ai parlé il y a quelques instants, ainsi qu'au renforcement réciproque des deux établissements.
Mes chers collègues, nous devons avoir à l'esprit trois priorités : l'approche globale, les réalisations concrètes à court terme et la bonne utilisation des fonds publics. Quant à la corruption, les acteurs de terrain eux-mêmes nous demandent de la combattre plus fermement, au besoin en stoppant certaines opérations.