Sur le plan économique, la Turquie a connu en 2015 une croissance de 4 %. Elle est la quinzième puissance mondiale, et elle vise la dixième place d'ici au centenaire de la République turque en 2023.
En 2014, la Turquie était notre sixième client hors Union européenne. Plus de 300 entreprises françaises y sont présentes, employant plus de 50 000 personnes. Par exemple, Renault est la troisième entreprise exportatrice de Turquie et assure 52 % de la production locale de véhicules de passagers. Dix-sept équipementiers français sont implantés, ainsi que de grandes entreprises - Thales, Airbus group ou encore Air Liquide. Aéroports de Paris détient 38 % du gestionnaire aéroportuaire turc TAV, présent dans de nombreux pays.
Dans le domaine de l'énergie, Engie et EDF sont présents ; cela dit, Total a récemment annoncé la cession de son réseau et de ses activités en Turquie.
Sont également présentes en Turquie des entreprises françaises des secteurs de la pharmacie, de l'agroalimentaire, de l'assurance, du commerce et du tourisme.
Pour les entreprises françaises, la Turquie présente aujourd'hui de nombreuses opportunités. Pour répondre aux ambitions spatiales de ce pays, Arianespace, Thales Alenia Space et Airbus group ont remporté des contrats et sont bien placés pour en remporter de nouveaux.
Dans le domaine ferroviaire, plusieurs appels d'offres ont été lancés pour des trains à grande vitesse, pour lesquels Alstom est en bonne position. Un projet d'accord de coopération est en cours de négociation entre la SNCF et les chemins de fer turcs.
Des projets sont également en cours dans le secteur de la « ville durable ».
En matière d'énergie nucléaire, dans le cadre d'un accord intergouvernemental de coopération signé en 2013, le Japon et la Turquie négocient un contrat pour la construction et l'exploitation à Sinop d'une centrale nucléaire, composée de quatre réacteurs franco-japonais ATMEA-1. Dans le sud du pays, un projet de centrale est conduit par l'entreprise russe Rosatom, pour lequel des contrats de sous-traitance sont possibles avec des entreprises françaises.
Enfin, dans le domaine de la défense, la Turquie souhaite développer un programme national de défense antiaérienne. Elle a abandonné en 2015 son choix initial, portant sur un système de défense antimissile chinois, qui avait suscité des craintes de la part de pays de l'OTAN. La Turquie négocie désormais avec le consortium franco-italien Eurosam l'achat de systèmes de défense aérienne portables à moyenne portée.
La Turquie représente donc un enjeu économique majeur souvent méconnu pour la France. Elle présente en outre des opportunités souvent ignorées des PME. Son potentiel comme marché émergent est moins bien perçu que celui de l'Afrique ou de l'Asie. Comme nous l'ont indiqué les représentants des milieux économiques français rencontrés en Turquie, elle semble souffrir d'une mauvaise image injustifiée.
Or les entreprises turques sont dynamiques et souhaitent investir en France. En particulier, La France est perçue comme une plateforme pour des échanges et investissements vers l'Afrique francophone. En retour, la Turquie peut servir de plateforme aux entreprises françaises vers l'Asie centrale et le Moyen-Orient - c'est l'esprit, par exemple, du partenariat entre Aéroports de Paris et TAV. Cette complémentarité pourrait offrir davantage de perspectives de coopération, notamment entre les PME françaises et turques.
Toutefois, l'environnement des affaires en Turquie reste marqué par une forte instabilité des règles en matière de marchés publics, de concurrence et de propriété intellectuelle. Les incertitudes politiques y sont également dommageables et freinent l'investissement étranger.
L'Union européenne devrait être plus attentive au respect des règles de concurrence que la Turquie a acceptées dans le cadre de l'union douanière. Des négociations sont en cours pour moderniser cette union. Elles portent sur un élargissement de son périmètre aux services, aux biens agricoles et aux marchés publics. Sous réserve que les études d'impact actuellement en cours en confirment le bénéfice mutuel, cette modernisation de l'union douanière doit être poursuivie et accompagnée d'un contrôle renforcé du respect par la Turquie de ses obligations.
En conclusion, précisons que la Turquie est aujourd'hui un partenaire important pour la sécurité de l'Europe, ce qui doit nous inciter à clarifier nos relations avec elle. Les relations euro-turques sont multiformes. Elles comportent des enjeux portant sur des horizons temporels différents.
Ne nous enfermons pas dans les irritants, comme le génocide arménien, ni dans la gestion de la crise des migrants ; ayons au contraire une approche pragmatique, fondée sur une intensification de la coopération et des échanges dans tous les domaines, afin de ne pas tourner le dos à ce partenaire difficile mais incontournable.