Intervention de Robert del Picchia

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 29 juin 2016 à 9h35
Questions diverses

Photo de Robert del PicchiaRobert del Picchia :

Il n'est pas utile de l'interrompre et ce serait contreproductif. Je sais ce que pensent certains Turcs, un peu partout y compris à très haut niveau : ils affirment que, in fine, la Turquie ne voudra pas entrer dans l'Union européenne. Pour ma part, je pense le contraire - Erdogan et tous les leaders poussent pour entrer dans l'Union européenne et crient au scandale dès qu'on arrête quoi que ce soit dans la négociation - mais on ne connaît pas encore la position définitive de la Turquie.

Pour ces interlocuteurs, deux obstacles importants se poseront. D'une part, l'adhésion turque sera soumise à des référendums en Europe - par exemple en Autriche, où je suis élu, ou au Luxembourg -, et un ancien président turc appelait mon attention sur la perception que les électeurs auraient de lui, lors des élections suivantes, si 80 000 ou 100 000 Luxembourgeois rejetaient d'Europe 80 millions de Turcs. Pour lui, les extrémistes gagneraient toutes les élections.

D'autre part, deuxième obstacle selon ces interlocuteurs, si les pays où seront organisés des référendums rejettent la Turquie, cela détériorera fortement nos relations avec ce pays.

Aussi, comment éviter ces deux obstacles ? Il faut négocier jusqu'au bout puis, selon eux, la Turquie renoncera probablement à l'adhésion à l'Union européenne, telle qu'elle sera à ce moment-là - qui peut dire à quoi elle ressemblera dans cinq ans, après le Brexit ? Peut-être même, ajoutent-ils en manière de plaisanterie, que l'Europe demandera à la Turquie d'adhérer parce qu'elle aura besoin, en raison des développements au Proche-Orient, de cet allié militaire au sein de l'OTAN. En outre, économiquement, l'Union européenne pourrait aussi avoir besoin du marché turc. Ainsi, l'usine Renault, que j'ai visitée l'année dernière, a produit 1,43 million de voitures en 2015 ; c'est énorme !

Par conséquent, attention aux annonces d'interruption des négociations d'adhésion à l'Union européenne ; à chaque fois qu'on a fait des annonces allant à l'encontre de nos relations amicales avec la Turquie, nous avons eu des problèmes économiques. Je ne donnerai qu'un exemple : Air France négociait avec Turkish Airlines pour prendre une position majoritaire dans son capital quand la France a voté son texte sur l'Arménie. On n'en a pas parlé dans les journaux mais Air France a vu le projet se bloquer et n'a pas pu racheter Turkish Airlines, qui est aujourd'hui une grande compagnie aérienne. En outre, l'aéroport d'Istanbul est énorme. C'est donc un grand marché que nous avons perdu.

Par conséquent, faisons attention aux décisions que nous prenons et aux déclarations que nous faisons.

Cela dit, j'approuverai ce rapport.

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