Je veux répondre brièvement à trois questions.
Certains commissaires nous reprochent de ne pas être assez durs et d'autres nous félicitent de ne l'être pas trop. En réalité, nous avons présenté une synthèse mais notre rapport contient des chapitres intitulés « Le risque d'une fuite en avant », « Une dérive autoritaire », « La perspective d'une présidentialisation » ou encore « Des atteintes aux libertés publiques ». Nous avons privilégié dans cette synthèse orale ce qui pose question concernant la feuille de route - adhésion, visas -, mais le rapport tient un langage de vérité comme le montrent ces titres de chapitres, et comme nous y ont incités nos entretiens avec notamment les universitaires et les journalistes que nous avons rencontrés à Istanbul ou à Ankara.
Je veux répondre aussi à la question de Daniel Reiner. Pour moi, ce revirement à 180 degrés de la politique étrangère tient à deux facteurs. Tout d'abord, Erdogan a toujours été, tout au long de son parcours, un remarquable tacticien ; d'ailleurs il le fallait pour réussir à prendre le pouvoir comme il l'a fait, malgré les tentatives de l'armée de le destituer. Il recourt pour cela à la takia, notion islamique qui autorise la dissimulation quand on fait face à un ennemi. Il est donc un remarquable tacticien et cela n'est pas nouveau. En l'occurrence, il a compris qu'il fallait reculer aujourd'hui et a gardé toute sa souplesse tactique.
D'ailleurs, seuls des régimes autoritaires sont capables d'inflexions aussi subites... Enfin, la tonalité du rapport est tout à fait celle de la formulation qui a été suggérée par notre président à l'instant, que j'intègre bien volontiers dans le rapport.