Le médicament est un enjeu politique et un objet constant de polémique. Il est jugé tour à tour trop coûteux, trop dangereux, trop peu accessible, pas assez innovant, quand ce n'est pas tout simplement dépassé par les progrès dans les autres formes de prise en charge.
De trop nombreux dossiers, du Thalidomide au Mediator ou à la Dépakine jettent la suspicion sur les politiques d'encadrement, de contrôle et de suivi du médicament, peut-être plus dans notre pays que dans le reste de l'Europe !
Les polémiques se succèdent et se ressemblent sans paraître réellement permettre d'avancer. Industriels, ONG, médecins, pharmaciens, assurance maladie, lanceurs d'alerte expriment des points de vue tous légitimes, mais qui peinent à se croiser.
Dès lors, en quoi un nouveau rapport sur le médicament est-il nécessaire ? Comment peut-il faire autre chose qu'ajouter un point de vue, celui de la commission des affaires sociales du Sénat, à tous ceux qui s'expriment déjà largement dans la presse ?
Il nous est apparu que la diversité même des approches rend nécessaire la définition par les pouvoirs publics d'une position claire quant à la place du médicament dans notre système de santé - ceci d'autant plus que le cadre, déjà contraint, de nos finances sociales se trouve largement bousculé par le retour de l'innovation médicamenteuse.
Contrairement au Royaume-Uni par exemple, la France n'admet pas que certains ne puissent pas avoir accès à l'innovation ; elle a d'ailleurs mis en place des mécanismes d'accès précoce aux nouveaux traitements, comme les autorisations temporaires d'utilisation (ATU), largement saluées lors des auditions conduites. Le prix élevé des nouvelles molécules pose toutefois question. Après plusieurs années de baisse ayant permis une économie annuelle d'un milliard d'euros, l'enveloppe médicament a augmenté en 2014 du fait des seuls antiviraux d'action directe - traitement apparemment curatif contre l'hépatite C.
Le médicament ne peut donc plus uniquement apparaître comme un possible gisement d'économies pour l'assurance maladie. Il pose aussi de nouveaux problèmes de financement. Le retour de l'innovation thérapeutique, après un long plateau, pose ainsi une autre question essentielle pour l'avenir de notre système d'assurance maladie : celle de l'évaluation du médicament afin de déterminer son niveau de prise en charge et son prix.
Ces questions, qui sont au coeur de l'actualité, ont fait l'objet de propositions diverses, émanant de plusieurs acteurs, entre lesquelles le Gouvernement n'a pas tranché, voire même annoncé qu'il ne trancherait pas. Or, la continuité de la prise en charge du médicament par la sécurité sociale exige des décisions rapides pour mettre en place des réformes qui s'étaleront nécessairement sur plusieurs années.
Le rapport que nous vous présentons ne porte donc pas sur les enjeux de santé publique liés à l'usage du médicament, à la sécurité des produits ou à la pharmacovigilance, même s'il les mentionne nécessairement. La question qui nous a paru fondamentale est la suivante : quels sont les médicaments qui doivent être pris en charge par l'assurance maladie, et à quelles conditions ?
Cette question nous a tout d'abord conduits à tenter de distinguer entre les enjeux industriels et financiers, liés au processus productif du médicament, et les objectifs spécifiques à l'assurance maladie - payer au meilleur prix les médicaments les plus efficaces pour garantir l'accès de l'ensemble de la population aux meilleurs traitements. Nous avons ensuite étudié les différents types de médicament, selon qu'ils sont ou non pris en charge par l'assurance maladie. Nous avons enfin analysé le mécanisme de fixation du taux de remboursement et du prix du médicament afin d'apprécier son adaptation aux enjeux actuels.