C'est donc tout d'abord dans sa dimension industrielle que nous avons étudié le médicament. Indéniablement, l'industrie du médicament constitue un secteur stratégique à la fois par la nature de sa production, qui constitue un outil indispensable au service de la santé des populations, mais aussi par son poids économique. Elle contribue en outre à la fois au rayonnement international de la recherche publique et privée et à celui de notre industrie.
En raison de la croissance continue de la demande et du caractère très innovant du secteur (que l'on pense au développement des biotechnologies, des thérapies ciblées, à l'immunothérapie ou encore à l'apparition de la médecine personnalisée), le médicament apparaît clairement comme un secteur économique d'avenir. Or, les entreprises françaises du secteur, qui constituent traditionnellement une part non négligeable de notre industrie nationale, affichent une érosion continue de leur compétitivité dans les dernières années.
Ainsi l'étude de Roland Berger cite : sur 130 molécules autorisées en Europe entre 2012 et 2014 : 8 étaient produites en France, 32 en Allemagne, 28 au Royaume Uni et 18 en Italie.
Dans ce contexte, le système d'administration des prix à la française est décrit comme illisible par de nombreux acteurs, qui y voient même une forme d'opacité, laissant place à toutes les suspicions. S'il s'avérait qu'il comprenne en effet traditionnellement une part de soutien à l'industrie nationale, cela sous-entendrait que les pouvoirs publics n'affirment pas suffisamment leurs exigences face aux laboratoires, en termes de prix comme en termes de santé publique. Nos travaux nous ont cependant permis de nuancer largement ce soupçon : l'enjeu majeur pour les administrations françaises de santé est aujourd'hui très clairement celui de la maîtrise du coût des médicaments. Cela n'interdit pas cependant la prise en compte des contraintes de l'industrie pharmaceutique, notamment dans le sens de la préservation des impératifs de santé publique : des hausses de prix peuvent ainsi être ponctuellement consenties pour des produits très anciens, dont le prix n'a pas été revalorisé depuis longtemps et dont l'exploitation devient de ce fait déficitaire, mais dont l'intérêt thérapeutique reste majeur.
Il est par ailleurs apparu que le modèle de production du médicament devra faire face, au cours des prochaines années, à de profonds bouleversements qui devront nécessairement être pris en compte par les pouvoirs publics dans leur dimension industrielle comme de santé publique.
On assiste en premier lieu à un phénomène de délocalisation et, dans une moindre mesure, de concentration des acteurs hors de France. Il pourrait s'intensifier au cours des prochaines années, dans la mesure notamment où les entreprises françaises n'auront pas pris le virage du médicament biologique. Cette évolution fait peser des risques importants sur le tissu productif français, mais aussi pour l'influence française dans le secteur des produits de santé. Dans ce contexte, il apparaît indispensable de préserver nos outils de compétitivité que constituent notamment notre exceptionnel environnement scientifique et médical, la qualité de nos structures industrielles, les avantages fiscaux tels que le crédit impôt-recherche (CIR) ou encore des mécanismes tels que celui des ATU.
En second lieu, on assiste à un phénomène de retour de l'innovation, qui remet en cause le modèle de fonctionnement des laboratoires fondé sur l'exploitation des blockbusters, pour lesquels de nombreux brevets sont désormais tombés. L'enjeu est ici d'accroître l'efficacité du système français, notamment en augmentant les moyens de la recherche publique fondamentale, en examinant les contraintes réglementaires qui pèsent sur elle, ou encore en encourageant le développement de partenariats de recherche publics-privés - ainsi que l'a d'ailleurs préconisé le conseil stratégique des industries de santé (CSIS) en avril dernier.