Intervention de Didier Migaud

Commission des affaires sociales — Réunion du 29 juin 2016 à 15h00
Situation et les perspectives des finances publiques — Audition de M. Didier Migaud premier président de la cour des comptes

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes :

Au niveau européen, des élus ont demandé à la Commission européenne d'être plus transparente sur ses hypothèses de croissance potentielle et de les confronter à celles d'autres organisations internationales ou pays. Mais nous constatons un accroissement de l'écart entre les hypothèses du Gouvernement français d'un côté, et celles de la Commission et des organisations internationales de l'autre. Le Haut Conseil des finances publiques a fait des observations en ce sens. Nous sommes prêts à poursuivre les échanges, mais il convient de conserver l'idée, avancée par la France et d'autres pays, qu'en période de récession il ne suffit pas de raisonner en termes de déficit nominal. La notion de croissance potentielle vise justement à dépasser l'analyse conjoncturelle.

Toutefois, dans l'intérêt de la transparence et de la simplification, nous proposons, in fine, l'instauration d'une règle fondée sur l'évolution de la dépense. Cela permet de couper court aux débats sur une évaluation de l'économie à partir de l'évolution tendancielle - une notion à distinguer de la croissance potentielle. Là aussi, l'estimation du Gouvernement nous semble élevée.

Les hypothèses retenues ont une influence importante sur le solde structurel et la réalité des économies. Le Parlement doit être associé à la définition de ces paramètres.

Vous m'interrogez sur le montant d'économies à réaliser et l'effort supplémentaire à demander à l'État, à la sécurité sociale ou aux collectivités territoriales ; nous ne souhaitons pas nous élever au-dessus de notre condition. Il ne nous appartient pas de faire des choix politiques : nous raisonnons à partir de vos choix et de vos objectifs, en mesurant l'écart éventuel entre ceux-ci et les mesures mises en oeuvre pour les atteindre.

J'ai toujours considéré l'équilibre des comptes sociaux comme une priorité absolue. Un déficit sur une ou deux années est concevable, mais sur une période aussi longue cela devient dangereux et injuste, puisqu'il incombera aux générations futures de financer notre dette.

Les collectivités territoriales ont certes contribué à la réduction du déficit public, mais leurs dépenses de fonctionnement continuent à augmenter - même si cette augmentation se ralentit.

Nous ne sommes ni fétichistes, ni dogmatiques. Il est vrai que la réduction de la dépense a des conséquences humaines, mais il faut plutôt prendre en compte le décalage entre le niveau de la dépense et le résultat. Beaucoup de politiques publiques ont des effets d'aubaine. Il convient de s'interroger, comme le Sénat le fait, sur la réalité de l'exécution. Certaines politiques ne sont-elles pas insuffisamment ciblées ? Il faut faire des choix clairs, mettre fin aux politiques inefficaces avant de mettre en place de nouveaux dispositifs, réexaminer les missions des administrations publiques... Chacun de nos rapports met en évidence un décalage qui soulève en France une relative indifférence : un niveau de dépense publique objectivement très élevé pour des résultats jugés médiocres ou passables. Notre pays possède des marges d'efficience élevées. Plus l'on est attaché à l'action publique, plus l'on devrait s'attacher à bien identifier les besoins et à apporter les bonnes réponses, y compris en matière d'investissement. Certains projets ne sont pas pertinents au regard du critère coût/efficacité de la dépense publique, par exemple deux gares TGV ou deux stations d'épuration très proches l'une de l'autre.

Le problème n'est pas tant le niveau de la réserve de précaution que les sous-budgétisations récurrentes, de l'ordre de deux milliards d'euros, bien souvent identifiées dès le vote du budget. Cela met en doute la sincérité des inscriptions budgétaires et complique l'exécution. Ce n'est pas satisfaisant.

Tenir vos engagements réclame par conséquent un effort supplémentaire. L'effort de maîtrise de la dépense est réel, mais pas en ligne avec l'objectif affiché dans le pacte de stabilité.

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