Corinne Bouchoux m'interroge sur le transfert des CIO aux régions. J'ai été dix ans durant directeur d'un centre de formation d'apprentis, j'ai été chef d'établissement, j'ai été inspecteur chargé de l'apprentissage dans l'académie de Strasbourg : je ne suis pas un théoricien. Pour que quelque chose marche, il faut un pilote, un responsable, telle est ma conviction. Or, en la matière, une clarification s'impose, d'autant que la loi NOTRe a changé la donne. Reste le problème des conseillers-psychologues : leur proposer un droit d'option me semble de nature à le lever. On a vu ce que cette solution raisonnable a donné avec les IATOS.
Éradiquer l'échec scolaire est le maître-mot, avez-vous dit. N'oubliez pas, cependant, que cette mission ne porte pas sur le fonctionnement de l'éducation nationale, mais sur la question, plus circonscrite, de l'orientation. Cela étant, il est évident que l'on ne peut dissocier orientation et échec scolaire. C'est pourquoi je préconise une orientation suivie dès le plus jeune âge, pour définir, dans une sorte de passeport, les compétences et les appétences de l'élève au long de son parcours. Je suis intimement convaincu que chaque jeune a des atouts, qu'il faut pouvoir prendre en compte pour construire positivement son avenir professionnel. L'orientation fait partie de la mission de chaque enseignant, mais on n'a jamais mis cette exigence au même rang que les disciplines. Il faut prendre la question à bras-le-corps, et c'est pourquoi je rappelle que si les CIO mériteraient d'être décentralisés, l'éducation nationale n'en reste pas moins le principal acteur de l'orientation et des affectations. Ce qui pour moi importe, c'est d'apporter un regard plus attentif à l'orientation, tout au long de la vie scolaire.
Beaucoup se sont inquiétés du sort malheureux que pourrait connaître, après d'autres, ce rapport. Je n'en suis pas sûr. À mes yeux, ce n'est pas tant par la loi que par une volonté politique claire qu'un certain nombre de ces recommandations peuvent trouver à s'appliquer. Certes, il faudra en passer par une proposition de loi, mais ces recommandations doivent être portées avant tout par une volonté du Gouvernement, pour ce qui relève du domaine réglementaire, et des établissements eux-mêmes, au travers du projet d'établissement. C'est au ministre d'avoir une vision globale, pour les en convaincre.
Mme Blondin relève que certaines de mes préconisations ont déjà été formulées. Je ne le récuse pas, car c'est une force : j'ai été agréablement surpris de constater, lors de l'audition que nous venons d'avoir avec le secrétaire d'État chargé de l'enseignement et de la recherche, que certaines des recommandations que j'émets commencent à se traduire dans la réalité. C'est le signe que les choses avancent, et qu'il y faut, avant tout, une volonté politique.
J'ai salué le parcours Avenir, mais je crains que, si on ne lui affecte pas un horaire précis, même globalisé pour plus de souplesse, il ne disparaisse ou ne reste embryonnaire.
Jean-Claude Carle a raison de dire que l'information existe, mais qu'elle est profuse. C'est pourquoi je propose la fusion d'un certain nombre d'instances, qui relèvent, pour l'heure, de ministères différents. Les jeunes, via internet, ont accès à ces informations, mais comment les trier, les hiérarchiser, pour en tirer profit ? C'est bien pourquoi il doit y avoir un accompagnement.
Il est vrai, comme le souligne Claude Kern, que l'on ne trouve plus de candidats formés pour certains postes. C'est pourquoi il importe de valoriser les réussites, dans le bâtiment ou l'alimentaire, pour montrer que ce ne sont pas de sots métiers, mais des métiers de réussite. Et c'est pourquoi je dis, madame Gonthier-Maurin, qu'il faut mieux associer le monde professionnel : il s'agit d'en donner une image positive et de montrer le patron non comme un exploiteur, mais comme quelqu'un qui permet aux jeunes de réussir : un jeune maçon, un jeune boucher, un jeune coffreur a de l'avenir, et dans bien des métiers en manque de vocations, on gagne plutôt bien sa vie. Quiconque a dû acquitter la facture d'un plombier venu le dépanner me comprendra.
Mais encore une fois, il ne faut pas stigmatiser d'entrée de jeu, et c'est pourquoi je mets en avant la notion de lycée polyvalent. Affecter les jeunes dans un établissement polyvalent - ou dans un réseau d'établissements, car je reste réaliste - évite de coller une étiquette d'entrée de jeu. La création de classes mixtes est également essentielle à mes yeux, et je remercie Marie-Christine Blandin de son soutien à cette proposition. Je l'ai constaté sur le terrain, mêler des élèves sous statut scolaire et des apprentis, voire des personnes en formation continue, modifie complètement l'état d'esprit et le climat de la classe. L'approche de l'enseignant diffère du tout au tout, la qualité d'écoute en est transformée et la complémentarité joue à plein. On peut, grâce à la porosité qu'autorise une telle mixité, passer d'un statut à l'autre sans perdre une année, contrairement à ce qui se passe à l'heure actuelle.
Marie-Pierre Monier s'interroge sur le temps de présence dans les établissements des conseillers d'orientation-psychologues. Ces conseillers, qui jouent un rôle important, sont tiraillés entre de nombreuses tâches, dont beaucoup ne relèvent pas de l'orientation stricto sensu. Il faut clarifier leur mission et les intégrer dans un réseau d'établissements, ce qui les rendra plus disponibles pour accompagner le professeur principal, en particulier dans les cas difficiles.
Sur la question de l'échec scolaire, madame Gonthier-Maurin, je crois vous avoir répondu. Vous dites que celles des propositions auxquelles vous pourriez souscrire supposent des moyens, qui manquent. Mais je n'accepte pas que l'on excuse l'échec par l'absence de moyens. Pour moi, il est plus juste de parler de manque de priorités que de manque de moyens. Et définir des priorités est d'autant plus nécessaire lorsque les moyens sont réduits.
J'ai souvent cité l'enseignement agricole qui vous tient à coeur, madame Férat, parce qu'il est bon de s'inspirer de ce qui marche. Qu'un professionnel puisse être, dans ces établissements, président du conseil d'administration n'enlève rien au proviseur.