Intervention de Gérard Bailly

Commission des affaires économiques — Réunion du 29 juin 2016 à 9h30
Mettre en place des outils de gestion des risques en agriculture — Examen des amendements de séance

Photo de Gérard BaillyGérard Bailly :

Je vous remercie Monsieur le Président. Bonjour à toutes et à tous. Je salue également la présence de Mme Odette Herviaux qui travaille sur cette question. A la demande de Monsieur le président du Sénat et de notre président, nous souhaitons vous parler des normes agricoles qui est un sujet qui préoccupe aujourd'hui un certain nombre d'exploitants agricoles. S'il y a la crise des prix, il y a aussi celle des normes. Un groupe émanant de notre commission et accueillant d'autres parlementaires, comme MM. Daniel Laurent et Jackie Pierre, Henri Tandonnet, Frédérique Espagnac, Frank Montaugé et Michel Le Scouarnec a été constitué il y a une bonne année pour travailler sur cette question. Notre collègue Daniel Dubois, rapporteur du groupe de travail, a été le grand artisan de la préparation des auditions, fort de ses contacts dans le secteur. Il a accompli un travail très conséquent. Nous avons certes mis un peu de temps, du fait de l'engorgement du calendrier législatif et des difficultés éprouvées dans l'organisation de certaines auditions. Nous ne voulions pas céder à la précipitation du fait de la diversité des problématiques que cette question recouvrait.

Notre agriculture est en crise et nous recherchons depuis de longs mois à identifier à la fois les causes des difficultés et les moyens d'y faire face. C'était d'ailleurs l'objet de la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l'agriculture et de l'agroalimentaire dite « PPL Lenoir ». Que la production ne soit pas seulement impliquée dans les ajustements, mais que ce soit l'ensemble des filières qui y participent.

Or, dans les discussions avec les agriculteurs, avec les organisations professionnelles agricoles, avec les experts, un sujet paraît majeur : le problème des normes en agriculture et de la « sur-réglementation ».

Le phénomène échappe largement à l'observation statistique et aux quantifications. Nous ne disposons pas, comme nous avons pu le constater, d'un instrument de mesure de la norme agricole tant en amont qu'en aval. Mais nous disposons de nombreux témoignages de terrain, de nombreux exemples, qu'il s'agisse de la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), de la multiplication des zonages environnementaux, de la réglementation sur la protection des eaux, ou encore des contrôles de l'application de la politique agricole commune (PAC). Tous ces exemples convergent et alimentent le constat d'un excès de normes en agriculture et la lecture des têtes de chapitre du rapport de notre collègue Daniel Dubois le démontrera.

Il y a quelques années, lorsqu'on évoquait ce sujet, on n'était pas pris au sérieux : au mieux, on nous indiquait que la « sur-réglementation » constituait un phénomène ponctuel et non massif. Au pire, on nous faisait comprendre qu'il s'agissait d'une lubie d'agriculteurs rétifs aux contrôles ce qui n'est pas le cas. Il faut savoir que les gens acceptent davantage les normes lorsque la conjoncture est bonne.

Les temps changent - il faut croire que la répétition a ses vertus - et l'importance du problème des normes commence à être reconnue. Début 2014, les organisations professionnelles agricoles avaient organisé les états généraux de l'agriculture (EGA) dont l'un des trois thèmes-phares était la simplification. Cette démarche a permis de structurer les demandes de simplification en provenance du monde agricole. Au niveau européen, le commissaire à l'agriculture M. Phil Hogan a fait de la simplification de la PAC un axe majeur de sa mandature. C'était un objectif, mais a-t-il vraiment été atteint ? Le Conseil a adopté des conclusions sur la simplification il y a un an, en mai 2015, et des mesures de simplification ont depuis été prises. L'orientation est là mais la simplification est difficilement traduite en actes, alors que la dernière réforme de la PAC, avec le verdissement, l'a rendue encore plus complexe. Lorsque nous sommes allés à Bruxelles, on a pu constater que si le nombre de pages avait diminué, le nombre des normes imprimées est demeuré le même !

Lors de la discussion du projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt (LAAF) de 2014, certains collègues durant les débats avaient insisté sur la nécessité d'une pause dans la production de normes agricoles nouvelles, et la nécessité de cesser les sur-transpositions des normes européennes en droit français.

Cette demande ne s'était pas concrétisée dans un dispositif législatif mais a permis de lancer l'année dernière au sein de notre commission des affaires économiques un groupe de travail sur les normes en agriculture. Le groupe a procédé à plus d'une vingtaine d'auditions, ainsi qu'à un déplacement auprès des institutions européennes, dans le double but de mieux identifier le phénomène et de trouver des parades à la « sur-réglementation » en agriculture.

Nous avons pu rencontrer les différentes administrations, nationale et européenne, qui produisent la norme et en contrôlent l'application.

Nous avons rencontré les organisations professionnelles agricoles, dans toute leur diversité, qui ont exprimé le point de vue et les attentes des agriculteurs eux-mêmes. Nous avons aussi pu rencontrer les associations de protection de l'environnement, car les questions environnementales sont à l'origine de nombreuses normes. De l'observation, nous tirons une première conclusion sur le processus de simplification des normes agricoles : il s'agit d'un processus continu autant qu'une mission impossible. Tel Sisyphe et son rocher, la tâche des simplificateurs des normes est indispensable, et en même temps, le but reste inatteignable. L'exercice est donc difficile. Nous avons essayé d'y parvenir partiellement. Mais il faut le faire. Le rapport que va nous présenter Daniel Dubois donne un cadre à la réflexion sur la simplification des normes en agriculture. Il fait des constatations, mais aussi des propositions, que nous pourrons discuter.

Si ces propositions vous conviennent, nous pourrions les porter dans une prochaine proposition de résolution comme nous l'avons encore évoqué hier soir ; cette proposition pourrait être débattue en séance, pour donner plus de solennité à notre souhait de simplification, que demandent aujourd'hui tous les agriculteurs. Une fois notre rapport présenté, il serait bon que le Président de notre commission se prononce quant à l'opportunité d'une séance consacrée à une résolution qui est un travail attendu. Par ailleurs, nous avons éprouvé de nombreuses difficultés quant à l'identification et à la méthode de suppression des normes, lorsque nous avons interrogé à la fois les organisations professionnelles et les agriculteurs dans nos départements.

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