Monsieur le président, mes chers collègues, après l'introduction de Gérard Bailly, je voudrais vous présenter mon rapport en trois temps. Mon premier temps concernera l'identification du problème des normes en agriculture. Comment le caractériser ? Il ne s'agit pas là de faire l'inventaire de toutes les normes agricoles, cette tâche étant impossible, mais de mettre à jour les mécanismes à l'oeuvre dans l'administration en matière de normes agricoles, de leur conception au contrôle de leur application.
Deuxième temps : il faut souligner que des démarches de simplification ont été engagées : les régimes des installations classées sont progressivement modifiés bien souvent suite à des crises, au coup par coup, sans qu'une réelle politique ne soit mise en oeuvre en ce sens. Ceci étant dit, le ministère de l'agriculture s'est doté d'une feuille de route de la simplification et, très récemment, un « comité des normes » présidé par le préfet Etienne Bisch a été mis en place, réunissant les professionnels et les différents ministères concernés, pas seulement celui de l'agriculture. Notre collègue Mme Odette Herviaux, qui est à nos côtés aujourd'hui et que je salue, est en mission sur le terrain sur cette importante question.
En troisième moment, je vous proposerai enfin quelques pistes nouvelles pour renforcer la simplification des normes et faire de cette question une réelle priorité politique, ce qu'elle n'a jamais été jusqu'à présent. Il s'agit de passer d'une action au coup par coup à un réel engagement politique et à une mise en oeuvre dans la durée. Un récent rapport de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) s'est exprimé sur la sur-réglementation européenne. Selon ce rapport, nous suivons trop, en France, une approche de type Stop and Go, sans suivre d'orientation très claire.
D'abord, commençons par les constats : le « burn-out » normatif nous guette en agriculture de manière peut-être plus forte que dans n'importe quel autre secteur pour toute une série de raisons. Parce que la norme applicable à l'agriculteur « tombe » de multiples niveaux : le niveau européen est à l'origine de 80 à 90 % des normes pour les agriculteurs, ce qui est logique, du fait de l'importance prise par la PAC.
Mais le niveau national décline ensuite les exigences normatives européennes, à travers la transposition des directives, essentiellement dans le domaine environnemental. Et c'est là que réside un premier problème : la norme européenne fait parfois l'objet de « sur-transpositions ».
Même si les autorités françaises nous ont réaffirmés qu'il n'y avait pas de « sur-transpositions », on en trouve de multiples exemples. Ainsi, les seuils des installations classées en matière d'élevage sont fixés traditionnellement à des niveaux plus bas que ceux demandés par l'Europe. Les exigences en matière d'étude d'impact, sujet extrêmement important, sont formulées de manière plus contraignante en droit français qu'en droit européen, alors qu'une transposition « mot à mot » en droit français, comme l'ont fait les allemands, aurait évité un tel écueil. Je vous rappelle qu'aujourd'hui, dans les autorisations des établissements classés, 25 % sont attaquées, avec succès, au tribunal. Ce processus est très coûteux et très long. Notre représentation y est pour quelque chose ! En outre, je prendrai un autre exemple : l'application de la directive nitrates est également critiquée au nom de la « sur-transposition ». Certes, l'insuffisante ou la mauvaise application de cette directive a mis la France en difficulté vis-à-vis de Bruxelles, mais les mesures qu'il a fallu prendre ensuite sont excessives : l'élargissement des zones vulnérables oblige beaucoup d'éleveurs à une gestion des effluents très contraignante, comme par exemple l'obligation de gérer les plans d'épandage des matières fertilisantes d'origine résiduaire (MAFOR) au niveau de la parcelle !
Une deuxième source du problème des normes en agriculture vient du fait que l'agriculteur est à la confluence de différents domaines normatifs. C'est là le vécu des agriculteurs. En effet, ceux-ci doivent respecter non seulement des normes spécifiquement agricoles imposées par la PAC, comme celles encadrant le calcul des surfaces donnant droit aux aides directes, mais aussi des normes environnementales ou sanitaires puisqu'ils sont des acteurs économiques qui travaillent dans l'environnement. Il leur faut encore respecter des normes sociales applicables en tant qu'employeurs, ainsi que des normes en matière de propriété intellectuelle pour l'utilisation des semences. Au final, l'agriculteur doit maîtriser un panel très large de réglementations, alors que fondamentalement, l'entreprise agricole reste une PME, voire une TPE, sans aucune capacité à se doter d'une expertise juridique et technique spécifique. Malgré les conseils des chambres d'agriculture, malgré l'accompagnement dont ils peuvent bénéficier, les agriculteurs se sentent souvent perdus dans la forêt des normes qui leur sont applicables. Intrinsèquement, l'agriculteur demeure un actif très opérationnel.