Cette proposition de loi ne comprend qu’un seul article, d’une exceptionnelle brièveté, qui prévoit simplement le report de l’application de la cessation de l’habilitation des clercs de notaires.
Nous n’aurons pas à échanger trop longuement sur ce texte, me semble-t-il, sur lequel M. le rapporteur a émis un avis favorable, ce dont je le remercie.
Je me livrerai toutefois à quelques explications pour nos collègues qui assistent aujourd’hui à nos débats : la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, présentée par le ministre de l’économie, M. Emmanuel Macron, et promulguée le 6 août 2015, comprend de nombreux volets, dont une réforme des professions réglementées, notamment celle de notaire, sur la suggestion de l’Autorité de la concurrence.
Cette loi vise notamment à faciliter le recrutement de notaires salariés. D’un côté, beaucoup de jeunes notaires formés ne trouvent pas d’activité. De l’autre, l’organisation de la profession permet, depuis l’article 10 de la loi du 25 ventôse an XI, à des clercs habilités de donner lecture des actes en lieu et place du notaire. Ainsi, dans certaines études notariales, les clients ne voient jamais le notaire et n’ont de contacts qu’avec des clercs habilités.
Le Gouvernement se préoccupe de l’avenir de la jeunesse, en l’occurrence des étudiants qui passent des examens, mais ne trouvent pas de place, alors qu’ils pourraient devenir notaires salariés, voire posséder une étude notariale – la loi du 6 août 2015 a aussi prévu d’augmenter le nombre d’études notariales, afin de permettre à cette jeunesse bien formée d’avoir une activité, et le rapport qui vient d’être rendu par l’Autorité de la concurrence ouvre concrètement la voie à de nouvelles créations.
L’article 53 de la loi du 6 août 2015, qui supprime l’article 10 de la loi du 25 ventôse an XI, prévoit aussi que la suppression de l’habilitation des clercs n’interviendra qu’au premier jour du douzième mois suivant celui de sa promulgation, soit une échéance fixée au 1er août 2016.
Le décret du 20 mai 2016 a instauré une passerelle pour que les clercs habilités qui remplissent des conditions de durée d’expérience et, le cas échéant, de diplômes, puissent accéder aux fonctions de notaire. On constate toutefois, sur le terrain – le pragmatisme est parfois utile –, que ce décret ne permettra pas à certains clercs habilités d’accéder au rang de notaire salarié.
Par ailleurs, il est à craindre qu’un certain nombre d’études notariales ne veuillent pas automatiquement embaucher des notaires salariés en lieu et place de leurs clercs habilités, un notaire salarié étant, aux termes des conventions collectives, un peu mieux payé qu’un clerc habilité, même si l’ancienneté entre également en ligne de compte.
C’est dans ce contexte que le Gouvernement, à l’occasion de l’examen par l’Assemblée nationale du projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, a proposé un article 51 ter B, adopté par nos collègues députés, qui vise à reporter l’entrée en vigueur de la suppression de l’habilitation des clercs du 1er août 2016 au 31 décembre 2020.
Tel est également le sens de la présente proposition de loi, qui fait certainement plaisir à notre rapporteur, puisque, devant la commission des lois, il a rappelé que la commission spéciale du Sénat constituée à l’occasion de l’examen du projet de loi Macron avait, dans son texte, prévu un délai de cinq ans avant l’entrée en vigueur de la suppression de l’habilitation des clercs.
Le compte rendu des débats de notre assemblée en témoigne : le ministre avait voulu rétablir le texte voté à l’Assemblée nationale et le débat s’était focalisé sur la question de la limite d’âge des notaires.
Vous aviez bien fait une observation sur la question des clercs habilités, monsieur le rapporteur, mais elle n’avait guère été entendue.
Toutefois, peut-on reprocher à un ministre de la République, animé d’une farouche volonté de faire avancer les choses, d’être le plus possible « en marche », de penser que l’évolution aurait pu être organisée dans un délai d’un an ? Il me semble que non. L’expérience prouve néanmoins que la justice délibère parfois plus lentement que d’autres, et qu’il convient de lui laisser un peu plus de temps.
Tel est précisément le sens de cette proposition de loi et de l’amendement gouvernemental qui a été accepté à l’Assemblée nationale.
Je souligne également que la volonté du ministre de l’économie de faire aboutir rapidement sa loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques fait que, six mois après sa promulgation, 100 % des textes d’application sont publiés ou en voie de l’être, 61 décrets étant d’ores et déjà publiés et 20 étant en cours d’examen par le Conseil d’État.
Les choses avancent, incontestablement. Acceptons simplement, mes chers collègues, de rectifier de façon pragmatique cette disposition qui risque de poser rapidement un problème dans les études notariales. Ce délai supplémentaire que nous proposons d’accorder est nécessaire.
Pour conclure, monsieur le secrétaire d’État, il me semble que la plus grande difficulté pour le Gouvernement, notamment pour la Chancellerie, sera maintenant de réussir à créer de nouvelles études notariales sur la base de l’avis de l’Autorité de la concurrence, qui propose une ouverture très large que la profession n’est pas toujours prête à accepter.